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Développement et Intégration africaine : l’environnement des affaires et des investissements à l’épreuve de l’harmonisation du droit des affaires en Afrique

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La multiplicité des communautés économiques en Afrique est de nature à diluer, l’impact réel de l’intégration économique voulue par l’ensemble du continent. Ceci se fait particulièrement sentir avec les systèmes juridiques inhérents à chaque communauté économique. On peut donc dire que l’harmonisation du droit des affaires en Afrique s’impose pour une amélioration de la pratique des affaires et des investissements. Plusieurs défis sont à relever selon Mme Esther NGO MOUTNGUI IKOUE, présidente de la cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA. Elle intervenait lors du dernier forum des opérateurs pour la garantie de l’émergence économique en Afrique (FO.GE.CA) à Dakar.

On dit que le droit fournit un cadre pour les activités économiques, tandis que l’économie influence la création de l’application du droit. En cela, les intérêts économiques et juridiques sont étroitement liés, d’où les termes Juridico-économique ou Economico-juridique.

LE CONTEXTE

Par la création des cadres juridiques sous-régionaux ou régionaux, l’on constate la volonté constante des pays africains  de mutualiser les efforts, afin de mieux affronter la mondialisation de l’économie ou des économies. Pour  Mme Esther NGO MOUTNGUI IKOUE « c’est dans ce sens qu’on devrait certainement lire la multiplicité des communautés crées depuis des années 80. On s’inscrit toujours dans la recherche de l’intégration économique soutenue par une harmonisation couplée par la formulation des règles de droit ».

Mais le processus est complexe et confronté à plusieurs défis comme, les tarifs douaniers élevés, les restrictions administratives et procédures douanières complexes, le non-respect des accords bilatéraux et multilatéraux dû à des réticences politiques, les infrastructures insuffisantes ou carrément inexistantes. Toute chose qui limite la capacité des pays africains à tirer profit des avantages de l’intégration économique. La présidente de la cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA cite pour cela l’exemple de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) où « on peut lire une bonne réticence politique, mais aussi une limitation très observable sur les infrastructures. ».

On note aussi les différences économiques entre les pays africains, telles que, les niveaux de développement inégaux, et les différences dans la structure économique.  Il y a parfois une divergence des intérêts qui ne sont pas toujours alignés. Les intérêts des investisseurs et des hommes d’affaires qui recherchent le profit, et les intérêts des gouvernements qui reçoivent les investissements et qui doivent voir plus large afin de protéger l’ordre économique, mais aussi l’ordre public, social et environnemental. Mme NGO MOUTNGUI IKOUE estime que « cette divergence d’approche peut parfois être limitative. L’environnement des affaires ici amène à constater la multiplicité des communautés juridico-économiques qui coexistent avec des droits nationaux et qui foisonnent en Afrique. Cela peut être vu comme une volonté de chercher toujours un système plus indiverti et efficace ». Elle se demande donc «si la coexistence de toutes les nombreuses communautés qui existent, et qui parfois s’entrecroisent et s’entre choquent ne pourraient pas à la longue s’avérer contre productives, d’où peut-être l’intérêt d’envisager moins de petites communautés pour des visions plus larges, et c’est certainement, dans ce sens que l’Afrique s’oriente aujourd’hui ».

Les communautés juridico-économiques qui existent en Afrique aujourd’hui

On doit d’abord souligner la coexistence des législations de portée générale, c’est-à-dire que sur le plan interne, on a un caractère épars des législations. En effet, dans de nombreux Etats, il y a d’abord des lois qui favorisent la liberté d’entreprendre, la liberté économique. Mais à côté d celles-ci, on a des chartes et d’autres instruments pour les affaires, si bien qu’on a des lois qui peuvent parfois dire une chose et son contraire. A côté on a aussi d’autres législations à portée générale qui sont plus importantes et qui, vont participer du droit communautaire. On peut citer :

  • L’OHADA, (organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) dont les actes uniformes s’appliquent de manière directe étant donné que toutes les constitutions des pays membres sont monistes. Le traité relatif à cette organisation a été signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis et révisé au Canada en 2008.
  • La ZLCAF, (Zone de Libre Echange Continentale Africaine) est née d’un accord signé par les pays africains à Kigali le 21 Mars 2008 sur l’initiative de l’Union Africaine. Il est désormais signé par 54 Etats sur 55. Elle offre une volonté d’intégration globale.
  • Au Maghreb, il y a l’Union du Maghreb Arabe, qui est une organisation économique et politique formée par les 5 pays du Maghreb, et dont le siège du secrétariat général se trouve à Rabat au Maroc. L’UMA a été Crée en 1989 dans le but de promouvoir l’intégration économique et politique entre les pays membres.
  • Le COMESA, c’est une communauté économique regroupant 21 Etats membres de l’Afrique orientale et australe. Il vise à promouvoir l’intégration régionale par le commerce et le développement des ressources naturelles et humaines pour bénéficier à tous habitants de la région (645 million d’habitants).
  • On peut également citer la SADEC.
  • On a des législations sectorielles en Afrique de l’ouest, en Afrique centrale, Australe et au Maghreb. On a la CEMAC, L’UEMOA, UMAC, L’UAC.

A propos de la zone franc, Mme Esther NGO MOUTNGUI IKOUE déplore le fait « qu’on aurait pu penser que tous les pays de la zone franc, prenant consciences que c’est bien d’y aller ensemble, et surtout qu’ils ont la même monnaie, mais l’on se serait attendu à ce niveau que l’intégration soit poussée jusqu’à l’harmonisation et l’unification du système bancaire des deux sous-régions. Mais il n’en est rien, car les deux sous-systèmes évoluent de façon autonome y compris la monnaie qui est pourtant le franc CFA. Et il faut dire que ces deux communautés ont chacune une cour de justice qui applique et interprète son traité ».

LES PERSPECTIVES

D’une manière générale, on voit bien que les Etats africains se regroupent dans des communautés juridiques pour favoriser l’essor économique des pays. Mais on peut également noter leur appartenance à plusieurs organisations avec parfois des objectifs similaires. Ce qui ne constitue pas forcément un atout d’intégration et de développement. Toute chose susceptible de créer d’avantage des confusions comme lorsqu’on n’est pas juriste ou lorsqu’on est confronté à des situations et quand l’on sait que toutes ces organisations ont une cour de justice. La question que l’on vient à se poser sont : Est-ce que dans ce contexte, pour quelqu’un qui fait des affaires, cet environnement est suffisamment lisible pour lui permettre de prévoir ou encore de s’épanouir ? Comment faire les affaires dans un environnement non sécurisé ? C’est la situation à laquelle les investisseurs sont confrontés sur le continent.

La présidente de la cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA pense que : « le premier défi sera d’abord, la convergence des intérêts juridiques et économiques. On pense que les Etats doivent mieux savoir ce qu’ils veulent et c’est l’intégration par le droit et par l’économie. La ZLCAF ici est la bienvenue car elle trace un cadre, elle est même déjà entrée en activité ».

Les autres défis sont, la nécessaire harmonisation des politiques des communautés régionales, car, l’économie est politique. Il faudrait en ce sens, de fortes volontés politiques pour aboutir à une véritable intégration africaine. Un armement suffisant des juridictions communautaires car, celles-ci fonctionnent parfois en solo sans se préoccuper des autres. Avec pour conséquence un possible chevauchement des compétences des unes sur les autres. Par armement il faudrait entendre leur alignement sur les canons internationaux en termes de personnel, en qualité et quantité, en infrastructures, en approche de travail à l’heure de la digitalisation et de la nécessaire dématérialisation des affaires et des procédures, pour être au niveau des juridictions performantes telle que la cours de justice européenne.

Pour Mme Esther NGO MOUTNGUI IKOUE, « les juridictions communautaires doivent avoir, comme toute l’Afrique, une ouverture sur le monde. Aujourd’hui l’on sait que c’est l’ouverture ou la disparition. Si l’Afrique ne s’ouvre pas elle est appelée à rester une fois de plus en arrière. Le ton est donné, c’est peut-être le dernier que l’Afrique aura pour se positionner comme le continent du développement ».

On dira donc avec la présidente de la cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA qu’il faut moins de communautés économiques, plus de droit, et plus de protection pour une intégration réussie.

Guy René EKANI

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