Si vous deviez préparer une négociation à fort enjeu pour le compte de votre équipe ou de votre service, vers quel expert interne du sujet pourriez-vous vous tourner dans votre entreprise ? Le directeur des achats ? Le patron de la stratégie ? Le DRH ? Le CEO ? Les entreprises passent une bonne partie de leur temps à préparer et à conduire des négociations. Qu’ elles soient ritualisées ou fortuites, elles occupent une bonne partie du temps des managers et des dirigeants, et elles sont de plus en plus difficiles.
L’étude Negoscope 2023, réalisée par The Trusted Agency (TTA), a révélé que 83% des négociations analysées étaient qualifiées par ceux qui les avaient vécues comme « particulièrement complexes ». Pourtant, trop peu de collaborateurs sont aujourd’hui correctement formés et entraînés pour faire face à ces négociations difficiles. La solution ne serait-elle pas de recruter ou de former, en interne, un « Chief Negotiation Officer » (CNO) ?
Selon une étude de McKinsey publiée en 2021 au World Economic Forum, 93% des dirigeants manifestent un « grand intérêt » pour la création de ce nouveau poste de CNO, avec pour ambition d’améliorer significativement les résultats de leurs négociations. Environ 70% d’entre eux estiment également qu’un « centre d’excellence en négociation » aurait un impact considérable sur les résultats des négociations.
La négociation, une activité omniprésente dans la vie des entreprises
La négociation est le moyen d’obtenir un accord dans une situation de désaccords exprimés opposant des positions divergentes afin que chacune des parties prenantes obtienne ce qui lui semble juste pour elle. Dans la vie des entreprises, ces situations ne manquent pas :
- Les négociations commerciales, entre partenaires d’affaires ;
- Les négociations d’achat, entre client et fournisseurs ;
- Les négociations financières, que ce soit pour restructurer ou pour des fusions-acquisitions ;
- Les négociations sociales, entre responsables des ressources humaines et représentants du personnel ;
- Les négociations de conflit, qui ont pour objectif de gérer les tensions au sein de l’organisation.
Au vu de la diversité de ces négociations, qui au sein de l’entreprise, ou ailleurs, aurait le profil le plus adapté pour faire face à chacune d’entre-elles ?
– Les managers : à la façon de Monsieur Jourdain, parfois même sans le savoir, ils négocient pour faire fonctionner leur service et développer leur activité. Ils ont souvent de la pratique, ils connaissent les rouages internes de leur entreprise, mais ils manquent cruellement de formation et de méthodes pour être encore plus performants.
– Les négociateurs internes : du fait de leur fonction ou de leur métier (RH, achats, commercial …), ils négocient chaque jour. Ils ont beaucoup de pratique, ils connaissent les fonctionnements internes. Ils ont parfois bénéficié de formation mais sont des hyper-spécialistes de leur activité ou de leur métier.
– Les négociateurs professionnels : généralement employés au sein de cabinets de conseil externes, ils sont efficaces car bien formés et outillés des meilleures méthodes. Ils peuvent passer d’une négociation financière à un conflit social, ou à un conflit commercial, avec agilité car ils bénéficient d’un positionnement décalé et sans enjeu interne, qui leur donne une liberté de réflexion et d’action. L’inconvénient, c’est qu’ils sont peu nombreux, pas forcément disponibles quand les entreprises en ont besoin, et ils ne bénéficient pas toujours d’une bonne connaissance des arcanes internes de la société qu’ils accompagnent.
Il existe une solution : additionner les avantages des négociateurs internes et des négociateurs professionnels, autrement dit former un consultant interne aux méthodes des négociateurs professionnels et en faire un « Chief Negotiation Officer ».
Des atouts réels
Quels seraient les avantages d’avoir un « Chief Negotiation Officer » en interne, plutôt que de faire appel à un négociateur en mission de conseil ponctuelle ? En formant un directeur de la négociation, les entreprises pourraient se doter d’une ressource disponible pour apporter sa méthodologie et son expérience, mais aussi assister tous les métiers dans la préparation et la conduite de leurs négociations.
Avoir son propre CNO présente de nombreux avantages :
– Il est disponible pour apporter son soutien sur tous les sujets de négociation de l’entreprise : ayant une activité transverse à tous les services, il peut se positionner en conseil, en gardant la tête froide et en ayant le recul nécessaire pour guider objectivement ceux qui le sollicitent.
– Il connaît l’organisation interne, ses circuits de décision, ses modes de fonctionnement et parfois même, les freins qui pourraient avoir un impact sur la préparation des négociations, comme les conflits internes.
– Il dispose d’une confiance et d’une légitimité immédiate auprès des équipes : il est connu de tous et ce qui se dit dans la salle de préparation de la négociation n’en sort pas.
– Il se forme régulièrement aux meilleures approches de la négociation et aux méthodes les plus efficaces : il sait s’adapter et utilise des outils pragmatiques et opérationnels éprouvés par la pratique.
– Il dispose d’une expérience diversifiée qui bénéficie à tous : en changeant régulièrement de sujet de négociation, il s’enrichit des différents contextes et peut s’inspirer de ses expériences passées.
Comment un CNO devrait-il être positionné dans l’entreprise ?
Le CNO doit disposer d’une liberté d’action pour décider par lui-même quels sont les dossiers prioritaires à traiter. Son impartialité est un gage d’efficacité : rattaché au CEO, il ne subit pas l’influence des directeurs des business units ou des services. Par ailleurs, comme les négociations qu’ils accompagnent ne représentent pas d’enjeu particulier pour lui, il peut garder hauteur de vue, liberté de parole et de conseil.
Si le CNO trouve pleinement sa place lors de la phase de préparation, il peut aussi, le cas échéant, participer directement aux négociations de ses clients internes avec leurs parties prenantes. Bien que ce ne soit pas sa fonction principale, il pourrait assister directement ses clients internes lors des échanges.
Le rôle et l’impact des négociations ayant une place de plus en plus prépondérante dans la vie et le développement des entreprises, il y a fort à parier que le CNO deviendra bientôt un métier à part entière.
Par Harvard Business Review France
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