Economie

Khalil Al Americani en mission : la méthode du patron de Vodacom Congo pour rester en pole position

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Les télécommunications et la téléphonie mobile, Khalil Al Americani connaît. Depuis 20 ans, c’est son « terrain de jeu ». Fort d’un CV « XXL », il a vécu et accompagné la révolution de la téléphonie mobile en Afrique, enchaînant les postes et les missions sur le continent ainsi qu’au Moyen-Orient. Aujourd’hui aux commandes de Vodacom RDC, mastodonte aux 21 millions d’abonnés, ce pratiquant d’arts martiaux utilise son sens du combat, son esprit d’équipe et sa vision stratégique pour propulser la société vers de nouvelles sphères, tout en lui permettant de rester leader dans son secteur.

Khalil Al Americani a bien mérité sa promotion comme directeur général de Vodacom RDC, le vaisseau amiral du groupe sudafricain Vodacom, dont les activités s’étendent également en Tanzanie, au Lesotho et au Mozambique. Intronisé CEO en août 2021 pour diriger la filiale du groupe en RDC – le plus gros marché de Vodacom, hors Afrique du Sud –, le dirigeant d’entreprise a gagné ses galons dans l’opérationnel en s’illustrant sur le terrain pour le compte de plusieurs multinationales du secteur des télécommunications, notamment VodafoneZain et Celtel. En plus d’être CEO de Vodacom RDC, Khalil Al Americani est également, depuis 2022, président du conseil d’administration de Vodacash, filiale fintech de Vodacom Congo et maison mère du service de monnaie électronique M-Pesa. Lancé en RDC en 2012, ce service compte aujourd’hui près de 6 millions d’abonnés sur la base de 21 millions d’abonnés que compte Vodacom Congo. Les transactions opérées par M-pesa, indique son PCA, équivalent à près d’un tiers du PIB du pays. « On espère continuer cette belle trajectoire pour atteindre celle des pays comme le Kenya ou la Tanzanie, où la monnaie électronique est devenue le principal moyen de paiement des consommateurs et des entreprises. », fait savoir celui qui se décrit comme un dirigeant impatient et méticuleux sur les détails, mais qui a appris à prendre plus de temps et à avoir un peu plus de concertation et de discussion, avant l’action. En tant que PCA de Vodacash, Khalil Al Americani a largement contribué au processus d’inclusion financière conduit par la Banque centrale du Congo (BCC), en faisant des propositions concrètes pour le développement de M-Pesa et l’essor du secteur de la monnaie électronique en RDC.

Supervisant aujourd’hui environ mille employés directs, avec près de 500 000 emplois indirects créés par Vodacom RDC dont le chiffre d’affaires prévisionnel est de 700 millions de dollars (635 millions d’euros) pour 2023, l’ambitieux CEO a pour objectif d’atteindre, d’ici quelques années, le cap de 30 millions d’abonnés en téléphonie mobile et connectés également à Internet, ainsi que de réaliser un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars. « J’aurai ainsi apporté ma gratitude et ma contribution à la RDC, le pays qui m’a vu grandir ».

Enfance au Congo

En effet, en RDC, Khalil Al Americani, 49 ans, français d’origine jordano-libanaise, est en terrain connu. Il a passé 28 ans de sa vie dans ce pays, depuis son enfance jusqu’à l’obtention de son baccalauréat en 1991, avant de revenir y poursuivre une fructueuse carrière professionnelle, d’abord avec Celtel, puis avec Vodacom. Cette connaissance du marché congolais, en plus de ses compétences, a sans doute pesé dans la décision de Vodacom de le recruter en 2015 comme directeur commercial, avant de lui confier les commandes la filiale congolaise, six ans après. Au début des années 1970 (1974 exactement), alors que le gouvernement zaïrois de l’époque recrutait des professeurs dans le monde entier pour renforcer le système éducatif du pays, les parents de Khalil Al Americani foulent le sol congolais pour la première fois. Khalil Al Americani, né au Liban, n’est alors même pas âgé d’un an. Le papa, Jordanien, devient professeur de mathématiques, tandis que la maman, Libanaise, occupe le poste de professeure de français et continuera à former des professeurs de pédagogie à l’Institut supérieur pédagogique de la Gombe, à Kinshasa, jusqu’en 1997. Khalil Al Americani grandit ainsi dans cette triple culture. « La RDC est un pays qui a une valeur particulière pour moi. Le lingala est une de mes langues maternelles, avec l’arabe et le français. J’ai appris le lingala dès mon jeune âge », explique le CEO de Vodacom RDC, grand fan de plats locaux comme la viande de chèvre, la moambe et surtout le pondu (plat à base feuilles de manioc pilées puis bouillies). « Je pourrais en manger tous les jours avec du riz. Je fais parfois un mélange assez bizarre avec le fumbwa (autre plat congolais, NDLR). Certains disent que c’est une hérésie », explique-t-il en riant.

Khalil Al Americani indique éprouver une grande fierté de voir son pays d’adoption se transformer grâce à la téléphonie mobile et aux autres services proposés par les entreprises de télécommunication, particulièrement Vodacom Congo, qui célèbre ses 20 ans de présence dans le pays cette année. « Quand je grandissais ici, nous n’avions que quelques numéros fixes. J’ai encore en tête le numéro de téléphone de mes parents de l’époque. Et aujourd’hui, se dire qu’il y a, rien que chez Vodacom, 21 millions d’abonnés, c’est à la fois une fierté professionnelle et personnelle », se réjouit le directeur général, dont le parcours renferme tous les ingrédients du succès.

Ingénieur civil

En effet, après l’obtention de son baccalauréat au lycée français Renée Descartes de Kinshasa en 1991, il s’envole pour la France, afin d’effectuer des études de génie civil. Il y obtient une maîtrise en génie civil et un diplôme d’ingénieur maître de l’Université Paul Sabatier de Toulouse, ainsi qu’un diplôme d’études approfondies (DEA) en génie civil de l’Université de La Rochelle. Après ses études supérieures, l’ingénieur civil ne baigne pas directement dans le secteur des télécommunications, puisqu’il fait ses premières armes en Guyane française, pendant un an et demi, en travaillant pour le bureau d’études SECOTEC en tant qu’ingénieur civil en charge de la maîtrise d’ouvrages liée aux travaux de voirie, de réseau et d’assainissement.

Début de carrière dans les télécoms

Repéré par une société dénommée MSI à l’époque et qui deviendra Celtel, Khalil Al Americani rejoint l’entreprise comme consultant, alors que celle-ci est en phase d’acquisition d’une licence de construction d’un réseau en Afrique. Le groupe est alors fondé par l’emblématique Mo Ibrahim, célèbre homme d’affaires d’origine soudanaise, qui sera l’un des mentors de l’actuel CEO de Vodacom RDC. « J’ai travaillé sur plusieurs projets comme consultant sur la construction des sièges, des sites et des centres techniques », se rappelle ce dernier.

La collaboration avec Celtel débute en Guinée-Conakry, où Khalil Al Americani travaille pendant quelques mois, avant que le projet soit abandonné suite à des problèmes de licence. Son travail de consultant avec Celtel se poursuit au Burkina Faso en 2001, où il supervise et participe à la construction des pylônes de transmission qui ont servi à relier Ouagadougou à Bobo-Dioulasso, afin de permettre l’extension du réseau burkinabè. Il travaille également sur les centres de commutation, toujours dans la construction et dans le génie civil.

Après ce projet, Khalil Al Americani est envoyé au Niger où, entre 2001 et 2002, il dirige le lancement du premier réseau de télécommunication mobile du pays. Un évènement historique pour le Niger. « Cela a été une expérience magnifique. On était le premier opérateur à lancer un réseau de télécommunication. J’ai eu la chance et cette opportunité unique de voir la société changer, entre l’avant et l’après-mobile. Cela a été pour moi un moment extrêmement fort, après beaucoup de pression et beaucoup de travail », se rappelle le dirigeant. Ce dernier a également contribué à la construction du siège, du centre d’appel, du centre technique de Celtel au Niger. En outre, en tant que membre de l’équipe pionnière de la téléphonie mobile au Niger, Khalil Al Americani a également travaillé avec le régulateur nigérien sur tous les contrats d’interconnexion et toute la numérotation.

De consultant à directeur de projet

Après avoir mené de front cet éclatant succès au Niger, Khalil Al Americani, alors toujours consultant, poursuit sa collaboration avec Celtel au Gabon, où il travaille, de 2002 à 2003, sur le projet de relier Libreville à Franceville et Oyem avec un réseau de micro-ondes à travers la forêt équatoriale. « On a construit des tours Eiffel au milieu de la forêt et c’était vraiment une expérience incroyable et très riche en émotions. Sur le site, on s’est fait attaquer par des abeilles, des éléphants… Ce sont des souvenirs incroyables. J’ai également travaillé un peu sur le génie civil, la zone des équipements et la refonte complète du département logistique de Celtel », se rappelle le CEO de Vodacom Congo.

Au Gabon, la trajectoire professionnelle de ce dernier prend un nouveau tournant. Devenu un pilier de l’entreprise et anticipant les tendances du marché, Khalil Al Americani prend du galon. Il est officiellement recruté par Celtel pour endosser le costume de directeur des projets de l’entreprise, délaissant ainsi son statut de consultant de l’opérateur mobile pour occuper un poste à la hauteur de l’excellent travail accompli jusque-là.

Après le Gabon, Khalil Al Americani fait son retour en République démocratique du Congo. Dans ce pays qui l’a vu grandir, il occupe, entre 2003 et 2006, le poste de directeur des projets de Celtel, avec pour objectif de lancer des centaines de sites de l’entreprise et de nouvelles couvertures en RDC. « On a augmenté la couverture de l’opérateur Celtel qui était en concurrence avec Vodacom à l’époque », se rappelle-t-il.

Après 3 ans comme directeur de projets de Celtel RDC et sur la fin de son mandat, Khalil Al Americani est également promu directeur ad intérim du département technique de l’entreprise, en charge de la planification du réseau.

Lorsqu’en 2008, Celtel est racheté par le groupe Zain, Khalil Al Americani est muté au Nigéria en tant que directeur de la planification et de l’optimisation du réseau. Il y travaille pendant 3 ans à l’extension du réseau de Zain, pour lequel l’entreprise investit 2,5 milliards de dollars (environ 2,3 milliards d’euros). « C’était une expérience absolument incroyable. J’ai énormément appris sur la technique et le management d’équipes puisque je me suis retrouvé, en tant qu’ingénieur de génie civil, à manager des équipes d’ingénieurs télécommunication de très haute facture. Mon travail consistait à m’assurer qu’ils avaient tous les bonnes conditions, les bons outils et le budget pour faire le travail, et m’assurer également qu’entre les uns et les autres, le lien était cohérent, afin d’avoir un plan intégré pour être mesure de mettre à jour et d’augmenter la capacité de ce réseau. Cela a été trois années absolument magnifiques », indique-t-il.

Parcours au Moyen-Orient

Après le Nigéria, Khalil Al Americani débute son expérience dans les télécommunications au Moyen-Orient, lorsqu’il est transféré au siège social de Zain, qui se trouvait au Bahreïn à l’époque. Il y occupe le poste de directeur de la transformation commerciale et des initiatives stratégiques chez Zain Group MEA, supervisant ainsi une unité particulière dénommée « Business Transformation Unit », chargée d’accélérer la pénétration du mobile broadband, c’est-à-dire l’Internet mobile à haut débit. Ainsi qu’à refondre et intégrer de nouvelles opérations dans l’écosystème de Zain.

En 2010, Zain, à son tour, vend toute sa division africaine à Bharti Airtel. Les employés du groupe Zain ont alors le choix soit de se redéployer dans les opérations de Zain dans d’autres pays, soit de rejoindre le groupe Airtel. Khalil Al Americani fait le choix de rejoindre Zain Arabie Saoudite, alors tout juste lancé. Il y supervise le segment entreprise, le segment Internet mobile, et occupe également le poste de responsable de l’innovation. Il y travaille pendant deux ans, avant de devenir conseiller principal pour le groupe Vodaphone qui avait un projet de joint-venture avec Saudi Telecom Company (STC), l’opérateur historique saoudien, afin de servir le segment entreprise. Mais, finalement, ce projet sera abandonné par STC.

Par la suite, pendant environ deux ans, Khalil Al Americani devient consultant senior pour Mobily, première société privée de télécommunication en Arabie Saoudite, dans le contexte du lancement de leur fibre optique, de la télévision sur fibre et des solutions smartphones. Ensuite, Zain Arabie Saoudite le recontacte afin de retravailler avec eux sur la partie Broadband, les terminaux et l’innovation. Khalil Al Americani y travaille de 2014 à 2015, avant de retourner en RDC, toujours en compagnie de sa femme et de ses deux enfants, pour rejoindre Vodacom, au moment où le géant des télécommunications du plus grand pays d’Afrique centrale préparait son rebranding et sa segmentation. Il est directeur commercial de l’entreprise de 2015 à août 2021, avant d’être promu CEO et membre du cadre restreint de l’équipe dirigeante du groupe Vodafone.

Il occupe ce poste avec un certain succès puisque, depuis lors, il a reçu plusieurs distinctions qui l’ont amené à rejoindre le programme Vodafone CEO Acceleration, un programme dédié au développement des CEO au sein de Vodafone. Il est également le fruit des programmes pour cadres dirigeants de la London Business School (Angleterre), de la Wits Business School (Afrique du Sud) et de l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD).

Management collaboratif

À ce poste de haut niveau, Khalil Al Americani privilégie les discussions avec ses équipes, ce qui lui permet « d’apprendre beaucoup ». Le mode de travail collaboratif où on se challenge est également sa marque de fabrique. « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Tel est son leitmotiv. Ce qui compte pour lui, ce sont les résultats et le respect des valeurs de l’entreprise.

Simple, méthodique, abordable, mais exigeant avec ses équipes, il est un manager apprécié par ses collaborateurs, comme le confirme Patricia Katshabala Kapenga, l’une de ses proches collaboratrices. « Khalil est très collaboratif et a impact transformateur. Il nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes et à nous surpasser. C’est ce qu’il a fait avec moi. Si j’occupe le poste que j’ai aujourd’hui c’est grâce à lui. Il veut que son équipe prenne conscience de ses propres capacités et de ses forces, pour que chacun apporte sa pierre à l’édifice. C’est magnifique », indique-t-elle.

Adepte de sports de combat, qu’il pratique depuis sa jeunesse à Kinshasa et encore aujourd’hui, Khalil Al Americani a fait du karaté, du kung-fu, du full contact, du taekwondo, de la boxe anglaise et de la boxe thaïe. La philosophie des arts martiaux, explique-t-il, l’aide à canaliser son énergie dans son travail. « Il y a aussi une dimension de respect de l’adversaire, d’humilité, de persévérance, d’efforts constants, de répétition, d’amélioration, ce que les Japonais appellent le Kaizen, c’est-à-dire faire tous les jours un petit peu mieux que la fois d’avant », analyse le CEO de Vodacom Congo.

Grâce à cet esprit d’équipe et à ce sens du combat, Khalil Al Americani ambitionne de faire évoluer Vodacom Congo vers de nouvelles sphères, dans un monde à l’aube de beaucoup de changements, que le dirigeant dit voir comme des opportunités pour l’entreprise plutôt que comme des menaces. Il compte également faire émerger la future génération des leaders au sein de Vodacom Congo ainsi qu’à l’extérieur, à travers notamment le mentorat des jeunes. L’esprit d’équipe… toujours.

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