La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a soufflé ses cinquante bougies dans un contexte de défis multiples, mais aussi d’espoirs renouvelés. Pendant trois jours, du 17 au 20 juin, la capitale sénégalaise a été le théâtre d’intenses échanges entre intellectuels, acteurs de la société civile, responsables politiques, étudiants et partenaires internationaux. Réunis à l’initiative de l’Afrika Jom Center, les participants ont porté une exigence commune : repenser la CEDEAO pour en faire une organisation véritablement au service des peuples.
Sous le mot d’ordre « Pour une CEDEAO des peuples », la conférence a mis en lumière les failles mais aussi les opportunités de transformation de l’organisation régionale. Dans son discours de clôture, Alioune Tine, président de l’Afrika Jom Center, a souligné les lacunes majeures de la CEDEAO : un déficit de communication, un retard dans le numérique, et une fragmentation face aux crises sécuritaires. Pour lui, une réforme en profondeur de la gouvernance et une nouvelle stratégie d’unité régionale sont devenues des urgences.
Sécurité, gouvernance et inclusion : les trois piliers de la refondation
Parmi les recommandations phares, les participants ont proposé la tenue d’une conférence régionale des ministres de la Défense et de la Sécurité, élargie à des partenaires internationaux comme l’Union européenne. Objectif : développer une réponse collective et proactive face aux menaces sécuritaires croissantes dans la région.
L’état de fragilité de la CEDEAO a également été au cœur des discussions, marqué notamment par le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Une situation qualifiée de préoccupante par Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre de la Justice du Mali, qui a lancé un appel à la réconciliation :
« Ce n’est pas une victoire que ces États quittent la CEDEAO. Notre défi est de leur dire que leur place est ici, parmi les 15. »
Konaté a aussi insisté sur le rôle central que doivent jouer les citoyens et la société civile dans la gouvernance régionale. Il a plaidé pour une démocratie participative à l’échelle ouest-africaine : « Aujourd’hui, nous voulons exercer un contrôle citoyen sur la CEDEAO, pour qu’elle soit véritablement au service des peuples. »
Une jeunesse mobilisée, des frontières à repenser
La jeunesse n’a pas été oubliée. Les recommandations ont d’ailleurs mis en avant la création d’universités régionales, l’inclusion systématique des jeunes et des femmes dans les politiques publiques, ainsi qu’une libre circulation effective des personnes et des biens, souvent entravée sur le terrain.
Un autre appel symbolique a été lancé : la décolonisation des frontières héritées du Congrès de Berlin. Jugées artificielles, ces frontières sont perçues comme des obstacles à l’intégration. Les participants ont appelé à une refondation du cadre géopolitique ouest-africain, à l’aune des réalités socioculturelles et économiques actuelles.
Vers une CEDEAO plus démocratique
Pour David Dosseh, coordinateur de Tournons la page Togo, la CEDEAO doit devenir une institution transparente, démocratique et respectueuse des droits humains. Il a plaidé pour une gouvernance régionale fondée sur la limitation des mandats présidentiels et la fin de la confiscation du pouvoir.
« Une CEDEAO où aucun chef d’État ne peut s’arroger le droit de parler au nom des peuples sans les consulter. »
Les travaux se sont conclus par l’adoption de l’Appel de Dakar, un document stratégique qui rassemble quinze recommandations-clés. Ce texte sera présenté au Sommet des chefs d’État de la CEDEAO prévu le 22 juin à Abuja, avec l’ambition de faire entendre la voix des peuples au plus haut niveau.
Un tournant citoyen
La conférence marque une volonté forte de changement. Comme l’a résumé Alioune Tine :
« Si nous voulons une CEDEAO des peuples, alors il faut que les peuples s’approprient la CEDEAO. »
À l’heure du cinquantenaire, l’heure n’est plus au bilan nostalgique, mais à l’invention collective d’un nouveau contrat régional, ancré dans la démocratie, la solidarité et l’inclusion. Une aspiration qui résonne désormais avec force dans toute l’Afrique de l’Ouest.
Par Babou Landing Diallo
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