Dans la continuité du «New Deal technologique» porté par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, la deuxième édition de la Semaine de l’Agritech Tunisie-Sénégal s’affirme comme un catalyseur de coopération sud-sud autour de l’innovation agricole. Cet événement intervient dans un contexte continental où la souveraineté alimentaire, inscrite au cœur de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, devient un axe structurant des stratégies de croissance.
Organisée à Dakar par Stecia International dans le cadre du programme Digital Tunisia — avec l’appui financier de l’Agence Française de Développement via le fonds Qawafel — la manifestation réunit six entreprises tunisiennes proposant des solutions technologiques appliquées à l’agriculture : capteurs intelligents, systèmes d’irrigation laser, plateformes numériques ou encore bioénergies issues de la valorisation des déchets agricoles. Ces innovations visent à accroître la productivité et la résilience des exploitations africaines face aux perturbations climatiques, à la volatilité des marchés et à la pression démographique sur l’emploi rural.
La conférence de lancement, tenue à Dakar en présence de l’ambassadeur de Tunisie au Sénégal et des partenaires institutionnels sénégalais — dont l’ADEPME et Sénégal Digital — a mis en lumière un modèle de collaboration fondé sur le transfert de compétences, le co-développement technologique et la mise en réseau des écosystèmes d’innovation.
Pour Sénégal Digital, l’événement s’inscrit pleinement dans la stratégie nationale de digitalisation des chaînes de valeur agricoles, avec une priorité donnée à la connectivité rurale, à l’exploitation des données agricoles, et à la formation des jeunes dans les métiers du numérique appliqué au secteur primaire. L’ADEPME, pour sa part, a salué une initiative qui “matérialise la convergence entre agriculture, technologie et entrepreneuriat local”, réaffirmant son soutien aux startups à fort potentiel dans l’agro-technologie.
Cette initiative s’intègre dans une ambition plus large du gouvernement sénégalais : repenser la transformation du secteur primaire à l’aune de l’innovation, de la souveraineté productive et de l’industrialisation locale. Avec près de 60 % des Africains toujours dépendants de l’agriculture à l’horizon 2035, selon l’Union africaine, la modernisation du secteur constitue un impératif stratégique.
La Banque Africaine de Développement estime à plus de 80 milliards de dollars par an les besoins en infrastructures et technologies agricoles pour accompagner cette mutation d’ici 2030. Dans ce contexte, les jeunes entreprises comme Bio Heat, Smart Farm ou NextAV incarnent une réponse adaptée aux réalités africaines, mêlant innovation frugale et ancrage territorial.
Le Sénégal positionne clairement l’agritech comme un pilier de sa stratégie de développement. Le ministère de l’Économie prévoit ainsi de faire passer les investissements publics dans l’agriculture numérique de 220 à 550 milliards de FCFA entre 2024 et 2026 — une progression de 150 % en deux ans. Ces efforts sont accompagnés par des bailleurs internationaux comme l’AFD, qui soutient actuellement 47 projets liés à la transition agroécologique en Afrique de l’Ouest, dont 12 au Sénégal.
Sur le plan bilatéral, la Tunisie et le Sénégal renforcent leurs échanges économiques, avec un commerce bilatéral ayant atteint 158 millions d’euros en 2023. Une croissance soutenue par des missions économiques, des accords techniques et une stratégie commune de valorisation des talents africains.
Des démonstrations technologiques auront lieu dans les régions de Dakar et Thiès, avec notamment le test de l’irrigation laser développée par Laboratoire Laser Afrique ou la plateforme Weefarm de Verdanova Solutions, spécifiquement conçue pour les conditions sénégalaises.
À l’issue de cette semaine, les partenaires ambitionnent d’institutionnaliser leur coopération à travers un cadre bilatéral de co-développement en agritech, incluant des volets formation, recherche appliquée, financement et interopérabilité numérique. Ce partenariat illustre une dynamique continentale où l’innovation devient un moteur de souveraineté économique, pilotée par les pays africains eux-mêmes.
Par Zaynab SANGARÈ
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