Au sommaire
- Un millier de sursauts radio rapides déjà détectés
- Les FRB et la piste des magnétars
- Des collisions monstrueuses d’ondes magnétosoniques
Parmi les nombreuses énigmes sans véritables solutions de l’astrophysique, il en est une qui revient périodiquement dans l’actualité scientifique depuis 2007. Un nouvel épisode de la saga qui lui est associée se trouve dans une publication de Physical Review Letters, dont une version se trouve en accès libre sur arXiv.
On le doit à Arno Vanthieghem, de l’Université de la Sorbonne et de l’Observatoire de Paris, et son collègue Amir Levinson de l’Université de Tel Aviv, en Israël. Il concerne les fameux sursauts radio rapides (Fast Radio Bursts, ou FRB en anglais), encore appelés « sursauts Lorimer », du nom de leur découvreur. Il s’agit de courtes explosions d’ondes radio mises en évidence en radioastronomie et dont l’origine reste mystérieuse. On estime qu’il s’en produit environ 5 000 par jour sur toute la voûte céleste.
Une vidéo de présentation du radiotélescope Chime. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais apparaissent alors. Cliquez ensuite sur la roue dentée à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © McGill University
Un millier de sursauts radio rapides déjà détectés
Cette estimation découle du fait que depuis presque 20 ans, un millier de ces FRB ont été observés dont beaucoup depuis 2018, avec l’inauguration d’un nouveau radiotélescope d’envergure à l’Observatoire fédéral de radioastrophysique, en Colombie-Britannique, au Canada. Il a été appelé « Expérience canadienne de cartographie de l’intensité de l’hydrogène », en anglais, Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment, et donc, en abrégé, Chime.
Les FRB ne sont pas aussi spectaculaires que les sursauts gamma dont on a fini par être raisonnablement sûr qu’une partie d’entre eux sont des collisions d’étoiles à neutrons, mais ce sont tout de même des signaux transitoires où l’équivalent de toute l’énergie rayonnée par le Soleil dans le visible pendant une année semble libérée en quelques millisecondes tout au plus dans le domaine radio.
Lors de leur découverte grâce à de nouvelles analyses d’archives de données collectées par le radiotélescope de Parkes, en Australie, il n’était pas encore certain qu’il s’agissait de quelque chose de nouveau ou simplement de signaux parasites. Cette hypothèse a finalement été réfutée et les premières estimations fiables des distances des sources des FRB en faisaient clairement des phénomènes extragalactiques. Cela impliquait donc que l’énergie dégagée en un temps aussi court devait être énorme pour être repérable d’aussi loin.
Impression d’artiste d’un magnétar avec champ magnétique et jets puissants. L’audio est une traduction de données radio. © Faculty of Science, University of Sydney, CSIRO
Les FRB et la piste des magnétars
Parmi les hypothèses souvent avancées concernant la nature des sursauts radio rapides, il y a celle qui fait intervenir des étoiles à neutrons, ces astres compacts que l’on a découvert d’abord sous la forme des pulsars, là aussi grâce à l’essor de la radioastronomie, mais en 1967. Toutefois, il s’agirait de pulsars avec des champs magnétiques particulièrement forts, que l’on appelle pour cette raison des magnétars.
Là aussi, on est en présence de corps célestes de quelques dizaines de kilomètres de diamètre avec un intérieur riche en neutrons, parfois formant un superfluide supraconducteur avec un cœur, dont la composition est encore quelque peu mystérieuse, et avec une croûte faite essentiellement de noyaux de fer.
Extrait du documentaire Du Big Bang au vivant, associé au site du même nom, un projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine. Jean-Pierre Luminet parle de la mort des étoiles massives, leur explosion en supernova et la formation de pulsars. Point final de l’évolution de certaines étoiles d’au moins 8 à 10 masses solaires qui ont explosé en supernova SN II tout en s’effondrant gravitationnellement, les étoiles à neutrons, dont la masse est de l’ordre de celle du Soleil, possèdent un diamètre de quelques dizaines de kilomètres tout au plus et ressemblent à un gigantesque noyau d’atome. La densité (un cm3 pèse environ un milliard de tonnes), le champ de gravitation et le champ magnétique y sont extrêmes et presque toute la physique est nécessaire pour comprendre les propriétés d’une étoile à neutrons : la relativité générale bien sûr, mais aussi la magnétohydrodynamique, la théorie de la superfluidité et celle de la supraconductivité. © ECP Productions, YouTube
Comme l’explique un communiqué de l’Observatoire de Paris, le nouveau mécanisme impliquant la production d’émission cohérente d’ondes radio proposé afin d’expliquer l’origine des FRB avance que lorsque la croûte d’un magnétar tremble, une énergie considérable est transférée à sa magnétosphère sous forme d’ondes magnétiques dans le plasma de particules chargées, plongé dans un champ magnétique et qui le constituent.
En fait, il s’agit d’un nouvel avatar des fameuses ondes magnétosoniques découvertes théoriquement par le prix Nobel de physique Hannes Alfvén dans le cadre de ses travaux sur ce que l’on appelle les ondes de Alfvén, bien connues dans le domaine de la physique solaire et dont la description relève de la magnétohydrodynamique, ce domaine de la physique des plasmas dont le nom a été donné par Alfvén lui-même.
Illustration du mécanisme de formation d’un sursaut radio rapide par un choc monstre. Une onde magnétosonique rapide se propage au sein de la magnétosphère d’un magnétar. Son raidissement donne lieu à la formation d’un choc monstre émettant un signal dans le domaine radio. © Arno Vanthieghem (Observatoire de Paris)
Ces ondes magnétosoniques font vibrer les lignes de champs magnétiques dans un plasma et dans le cas de celui de la magnétosphère d’un magnétar, sa description demandait encore à être améliorée et c’est ce qu’ont fait Vanthieghem et Levinson au moyen de simulations numériques. Le communiqué précise d’ailleurs que, dans ce cas précis, on est confronté à des d’ondes magnétosoniques dites rapides et produisant des ondes de choc « qualifiées de monstres en raison de leur immense puissance, un terme inventé par un professeur de l’Université de Columbia qui a étudié pour la première fois leur dynamique à grande échelle en 2023. Si, à l’échelle macroscopique, on comprend le raidissement du front des ondes magnétosoniques, les ondes et leur dissipation en un choc, la description et la signature radiative de ce phénomène dissipatif fortement non linéaire aux échelles microscopiques restaient encore inconnues ».
Le communiqué se poursuit en expliquant que « le scénario proposé a été identifié grâce à des simulations numériques cinétiques de plasmas composés de paires d’électrons–positrons qui, pour la première fois, révèlent la structure multi-échelle détaillée de ces chocs monstres ».
Au final, on arrive à reproduire les caractéristiques des signaux radio observés avec des FRB.
Le saviez-vous ?
Rappelons que les pulsars ont été, en fait, étudiés théoriquement bien avant 1967, date de leur première observation sous forme d’impulsions radio périodiques par Jocelyn Bell. En effet, comme leur nom l’indique, les pulsars (contraction de pulsating stars en anglais, c’est-à-dire « étoiles pulsantes ») émettent des ondes radio à un rythme rapide et régulier, à tel point que l’on a pensé un temps qu’il s’agissait d’émissions d’une civilisation E.T. Mais, comme les travaux du prix Nobel de physique Riccardo Giacconi l’ont montré en 1971, il s’agit d’étoiles à neutrons, des astres dont l’existence avait été prédite en 1933 par Zwicky et Baade et dont une première description théorique détaillée a ensuite été donnée en 1939 par Oppenheimer et Volkkoff. C’est vers la fin des années 1960 que les astrophysiciens Franco Pacini et Thomas Gold, respectivement italien et britannique, découvrent un mécanisme théorique montrant comment ces objets peuvent se comporter comme des sources radio pulsantes.
Pour comprendre la raison de ce phénomène, il faut savoir que toutes les étoiles tournent sur elles-mêmes. Or, de même qu’une patineuse voit sa vitesse de rotation accélérer lorsqu’elle rassemble ses bras vers son corps, une étoile en effondrement voit sa vitesse de rotation augmenter. C’est une conséquence de la conservation du moment cinétique, l’une des lois les plus fondamentales de la physique. Surtout, une étoile possède un champ magnétique et il doit s’amplifier en raison d’une autre loi de conservation, celle du flux magnétique, lorsqu’elle se contracte.
Juste après sa formation par effondrement gravitationnel, le cœur chaud et dense d’une étoile devenue une étoile à neutrons doit donc tourner assez rapidement. Un mécanisme s’enclenche, lié au champ magnétique qui va arracher des électrons à la surface de l’étoile puisque ce champ se comporte comme un champ électrique pour un observateur à cette surface, qui conduit l’astre à rayonner puissamment en émettant un faisceau d’ondes radio collimatées à la façon d’un phare. Lorsque ce faisceau coupe l’orbite de la Terre, il se manifeste dans un radiotélescope comme une série régulière de « bips ».
Par FUTURA
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