Eau & Terre

Exploitation de l’or à Kedougou : De l’espoir des populations à la désillusion (Acte 1)

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L’espoir suscité par l’exploitation de l’or chez les populations de Kédougou vire à la déception. En effet les populations locales commencent à penser que le métal précieux constitue une malédiction. Les grandes quantités d’or qui se trouvent dans les montagnes de Kédougou et qui sont exploitées par les sociétés minières, ne profitent pas aux populations locales selon plusieurs habitants. Certes certaines populations estiment que les entreprises minières font quelques réalisations qui sont en deçà des espérances.

Dossier réalisé par Massaër DIA

Après une nuit de pluie, Kédougou se réveille avec un doux climat qui donne envie de mettre le nez dehors pour contempler la belle nature verdoyante. Avec des montagnes couvertes de verdures à perte de vue, Kédougou étale ses atouts touristiques. C’est parti, pour une visite à Khossonto dans les villages de Mama Khono, Bambrayading, Bambraya- Bah. Pour accéder à ces villages, il faut quitter la route goudronnée pour affronter la piste de latérite rouge avec les différents obstacles à franchir. C’est à cause de la pluie qu’il n’y a pas eu de poussière. Tout le long de pistes, les habitants circulent en moto et en moto tricycle pour vaquer à leurs occupations. Dans cette immense forêt, le constat est là, des habitations de fortune, des huttes, des petites cases, sont occupées par diverses nationalités venues de la sous-région à la recherche de l’or. Parmi eux, on peut citer les Burkinabés, les maliens, les guinéens, les Ghanéens pour ne citer que ceux-là. Dans cette forêt à perte de vue, ces gens vivent sans électricité, ni eau potable, ni sanitaire, c’est dans la nature qu’ils font leurs besoins.

Après des heures de route, on commence à apercevoir les villages, avec les habitants qui vaquent à leurs occupations.

Dans cette forêt immense constituée de montagnes verdoyantes à perte de vue, on se croyait ailleurs, hors du Sénégal. Ici la vie n’est pas du tout repos, chaque jour, les habitants et les étrangers vivent parmi eux, sont sur le qui-vive, dans l’espoir de trouver quelques pépins d’or. Parfois le visiteur peut se poser la question à savoir comment ces montagnes contiennent beaucoup d’or alors que les populations manquent beaucoup d’infrastructures de base. Il n’y a même pas de route goudronnée dans la forêt, rien que des pistes latéritiques avec des difficultés d’accès dans certaines zones.

Plus qu’on avançait dans la forêt, plus qu’on rencontre des hommes et des femmes qui se déplaçaient en moto pour soit aller aux champs ou aux lieux d’exploitation de l’or. Dans certains points d’eau situant dans la forêt, les femmes lavent leurs vaisselles et leurs habits. Toutes ces pratiques font le charme de cette localité qui offre tous les atouts touristiques.

La Falémé menacée avec l’usage du cyanure

Aujourd’hui, l’eau de la Falémé est menacée de pollution avec l’utilisation par les chinois et les orpailleurs du cyanure et du mercure pour laver l’or.

Dans la localité Kolia, plus précisément à Faranding les rebords du fleuve toujours exploités par ls chinois malgré le décret présidentiel interdisant les activités de l’exploitation de l’or aux abords de la Falémé. En effet les orpailleurs traditionnels et les chinois continuent à utiliser l’eau de la Falémé pour laver l’or.

  1. Kama Dansokho, président des jeunes de Kolia, estime que l’eau qu’ils boivent, est contaminée et la nappe est polluée par l’eau de la Falémé.

« Nous buvons de l’eau contaminée et les enfants tombent malade. Parfois cette eau est l’origine d’avortement de beaucoup de femmes », dira un habitant de la localité.

  1. Bamba Diango, président des jeunes de Dawourla, témoigne : « Actuellement si vous voyez il n’y a pas vaches. Les populations de Faranding ont des vaches mais ils étaient obligés de déplacer leurs troupeaux ailleurs, parce que l’eau que vous voyez comme ça il y a du mercure et du cyanure. Si le bétail voit ça, c’est fini il va mourir. Encore pire, il y a des mamans qui vont dans le fleuve qui font la Vaisselle avec cette eau-là, elles mettent le repas dans le même bol et les gens mangent. Il y a du long de la Falémé des maladies on ne sait même pas d’où elles viennent ». Il poursuit que l’eau est dangereuse dans les mesures où ça donne des maladies graves.

L’exploitation de l’or le long de la Falémé, n’est pas sans conséquence, elle a provoqué une inondation dans le village situé aux abords du cour d’eau mais aussi des désagréments aux populations. Aujourd’hui les populations de la localité se tournent vers le Mali voisin pour se soigner par manque de case de santé fonctionnelle mais aussi pour s’approvisionner en nourriture.

Diatiba Cissokho, chef de village, affirme : « Avec l’exposition des mines du côté malien, cela provoque des fissures des murs de nos maisons. Ils ont arrêté la construction de l’hôpital. Nous nous ravitaillons au Mali pour pouvoir vivre.

Quant à M. Kama Dansokho, président des jeunes de Kolia de témoigner : « La population dans le long de la Falémé est en train de vivre un calvaire avec la situation semi-mécanique de l’exploitation de l’or. Avec la pluie, l’eau du fleuve est remontée jusqu’à ce qu’on cesse de le dénoncer mais jusqu’à présent il n’y a pas de réaction. Il y a l’exploitation de l’orpaillage traditionnel, le plus souvent ça se fait en brousse où on cherche du sable on l’amène à la maison et on le traite. Au-delà du semi-mécanique, il y a le dragage qui est pratiqué par les Maliens ».

Il estime qu’en saison des pluies, ils sont détachés des autres localités et ils vivent dans un enclavement total. Et avec la latérite, c’est très difficile d’aller une localité à une autre.

Il poursuit : « Les femmes le plus souvent se soignent au Mali, parce qu’il n’y a pas de case de santé. La case de santé que les populations se sont mobilisés pour construire n’est pas toujours fonctionnelle. C’est le même problème le long de la Falémé. Toutes les populations se soignent au Mali. A Moussala il y a un poste de santé là-bas. Mais parfois la demande est forte par rapport à l’offre. Donc les gens sont obligés de traverser le fleuve et aller se soigner au Mali surtout les femmes enceintes. A Dawourla ils ont fait une case de santé. Plus de 11 millions de francs CFA, ont été investis dans la construction de cette case par les populations. Mais jusqu’à présent, la case n’est pas équipée ».

Dans cette localité, les routes sont impraticables et pour aller d’un village à un autre, c’est la croix et la bannière. Il faut aussi noter que les populations ont du mal à se connecter dans le réseau Sonatel du Sénégal, c’est le réseau malien qui domine dans cette localité de notre pays.

« Quand j’arrive chez moi, je suis obligé d’enlevé et mettre une puce Malienne pour me connecter. J’ai décrié ça ici. Je suis parti au niveau de la Sonatel à la VDN Dakar. J’ai rencontré le Directeur. Je lui ai exposé le problème d’antenne. Il m’a promis et m’a même envoyé une notification pour me dire c’est confirmé depuis trois ans. On se connecte via le réseau malien dont la puce coute 10 mille francs. Si l’Etat ne veut ne pas nous aider, vaut mieux qu’on change de nationalité. C’est comme si nous ne sommes pas des sénégalais », a laissé entendre M. Kama Dansokho.

Présence massive d’étrangers dans la zone

Dans cette localité, il y a une forte présence d’étrangers, venus spécialement pour l’exploitation de l’or. Ces gens-là s’installent tout au long du fleuve dans les habitations de fortune. Et parfois, on note des cas d’agressions dans la localité.

Et un habitant de la localité de dire : « On achète tout au Mali, on achète de l’essence au Mali, la nourriture et on se soigne au Mali. Il y a des vols, des agressions. On ne peut même pas capter Radio Sénégal ici. On note une présence massive d’étrangers, Burkinabé, Guinéens, maliens. L’exploitation semi-mécanique et le dragage du fleuve par la partie malienne causent beaucoup de dégâts. C’est à cause de ces activités sur le fleuve qu’il y a eu des inondations ici au niveau de notre localité ».

Non-respect du décret présidentiel interdisant l’exploitation de l’or le long de la Falémé

Les populations se disent très inquiètes quant au non-respect du décret présidentiel interdisant l’exploitation de l’or le long de la Falémé.

  1. Kama Dansokho, président des jeunes de Kolia, souligne : « Nous sommes inquiets, ces exploitants chinois ont des moyens pour acheter le silence des populations. Ici malgré le décret présidentiel interdisant l’usage de la Falémé, ils continuent leur exploitation. Partout, c’est la même chose, tout au long de la Falémé, ils continuent l’exploitation. Les chinois, ils viennent avec des permis d’exploitation où vous pouvez voire la signature et le cachet des autorités. C’est l’ancien régime qui leur a attribué ces permis d’exploitation. A chaque fois, quand les populations veulent s’opposer, on envoie la Gendarmerie. Il faut noter aussi qu’il y a à côté des chinois, l’exploitation des orpailleurs traditionnels. Ils vont en brousse pour chercher du sable contenant de l’or qu’ils amènent ici au niveau de la Falémé pour traiter. Au-delà du Semi-mécanisme, il y a le dragage pratiqué par les maliens. Les maliens viennent avec des engins lourds et c’est qu’ils déposent les ordures. Le fleuve, c’est la frontière entre le Sénégal et le Mali. Pour sauver la Falémé, il faut avoir la collaboration des deux pays. J’ai entendu le Premier ministre Ousmane Sonko dit que si le Mali est d’accord, le Sénégal est prêt à envoyer des militaires sur le long de la Falémé mais je pense que ce n’est pas une bonne solution parce que cela peut créer des tensions, voire les militaires sénégalais quitter notre territoire pour aller faire des interventions au Mali, la population du Mali ne va pas l’accepter. Moi, j’aurai aimé que les maliens gèrent leur côté et les deux pays dialoguent.

Ce qui est très marquant, c’est la pollution sonore avec les bruits incessants des groupes électrogènes.

« L’inondation a fait d’énormes dégâts, il y a eu plusieurs cases qui sont tombées, il n’y a pas de perte en vie humaine, des champs ont été engloutis. Certains sont logés dans des écoles, beaucoup n’ont pas encore regagné leur domicile. C’est la première fois que l’inondation a atteint un tel niveau. Nous nous sommes dit que cette situation est causée par l’exploitation tout au long de la Falémé. C’est à cause de l’exploitation de l’or par les chinois et les sénégalais aux abords de la Falémé. Et il y a eu un débordement du fleuve », a souligné M. Dansokho.

Face à cette situation, les populations préconisent de monter un comité des villageois pour dénoncer le non-respect du décret.

« Il faut monter le comité villageois, parce que ces gendarmes-là sont au courant que les travaux continuent. C’est trop grave ce qui se passe. C’est plus profond. Nous avons alerté depuis très longtemps qu’il y a des sites exploités là où il n’y a pas de permis. On m’a arrêté l’année passée à pareille heure. J’ai fait dix jours à la Mac de Kédougou pour avoir dénoncé ces pratiques. C’est quelque chose où nous cherchons des solutions. Ensemble on n’a qu’à voir qu’est – ce qu’il faut faire pour que ces travaux arrêtent le plutôt possible », se désole M. Diango.

Un jeune habitant de témoigner : « Depuis que les chinois ont commencé à exploiter de l’or, nous avons connu cette année une inondation parce que le sable foré dans les puits, on les jette dans le fleuve. Et le fleuve est presque rempli de sable.  Ce qui fait qu’en période de crue avec l’hivernage, l’eau est montée et a ravagé nos maisons, des champs qui ont été envahie par l’eau. C’est la première fois que l’inondation atteint à ce niveau ».

(Afrik Management/ Septembre 2024)

admin
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