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Dossier-Sénégal/ Pêche, érosion, exploitation de pétrole : Quand les populations sont prises dans l’étau de l’insalubrité et de la destruction de biens

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L’installation d’une plateforme d’exploitation du pétrole de Sangomar est perçue par les pêcheurs de Djiffère, Dionwar et Niodior (Fatick) comme une menace pour les activités de pêche et les activités connexes. Devant les bruits qui enflent au sein de ces populations habitant ces îles à propos de l’avenir de la pêche, aucune assurance de la part des autorités. Les pêcheurs sont dans le désarroi et craignent plutôt une malédiction du pétrole qui se résume à une présence en mer d’un liquide toxique tuant les poissons, une accélération de l’érosion côtière et des craintes réelles sur l’activité de pêche, les activités connexes et l’aire maritime protégée. (1ère partie)

Dossier réalisé par Massaër DIA, Sénégal

Il est 15 heures à Djiffère et la chaleur est au rendez-vous. A la plage de Djiffère, à quelques encablures du quai de pêche de la localité, règne une insalubrité indescriptible. Des tas d’immondices, des déchets constitués en grande partie de filets de pêche, des restes de poissons pourris, une odeur nauséabonde, campent le décor. Les charognards survolent les montagnes d’ordures à la recherche de quoi manger. Du côté du lieu d’implantation des mareyeurs, les eaux usées et les saletés, empêchent de circuler librement. Tout visiteur est obligé de faire des détours pour éviter de patauger dans les eaux usées qui dégagent une odeur nauséabonde. De la mer, on ne voit que les vagues qui viennent mourir sur le rivage où l’érosion côtière est bien visible car beaucoup de maisons qui longeaient le long de la plage, sont englouties par la mer.

De par cette position faisant face à la mer, on aperçoit de très loin, les îles de Sangomar, Dionwar et Niodior avec un brouillard épais rendant la visibilité assez floue, ce qui prouve qu’il y a une distance considérable entre les îles. Malgré tout, les mareyeurs, vendeuses de poissons et clients ont l’œil rivé sur le large, scrutant l’arrivée des embarcations parties à la pêche.  Mais un regard jeté sur un coin de la plage, où nombre de pirogues sont parquées, renseigne sur une réalité : les pêcheurs n’ont pas été nombreux à braver les flots.

La prudence est de mise face aux intempéries. Ceux qui ont bravé la mer n’ont cependant guère été heureux car le poisson se fait rare. Tout au long de la plage, beaucoup de pirogues sont à l’arrêt.  Avec ces pirogues alignées à perte de vue, on se croirait dans un « cimetière de pirogues ». Ce qui est très étonnant, c’est le fait que les gens font leurs besoins à l’air libre entre les pirogues parquées. Ce qui renseigne sur l’absence de toilettes aux abords du quai. Les cris des oiseaux marins viennent s’ajouter aux bruits des vagues. Cette journée de pêche infertile, est loin d’ébranler les pêcheurs, mareyeurs qui se retrouvent autour de la théière pour savourer le thé, une question de s’armer de courage. Les vendeuses qui attendent sur la plage ont toujours les yeux tournés vers le large, le visage ‘‘mangé’’ par l’inquiétude.

Au bout de leurs bras, les bassines et seaux vides pèsent de plus en plus. Dans le silence, rompu de temps à autre par les cris des oiseaux marins, un murmure d’un pêcheur : « On dirait que les changements climatiques et la découverte du pétrole à Sangomar ont commencé à faire notre malheur ». Ici l’incertitude face à l’avenir habite aussi bien les jeunes que les vieux. Le pétrole, tout le monde en parle et nul ne sait de quel côté le vent va tourner. Des craintes sont soulevées notamment pour l’aire marine protégée, l’érosion côtière, la présence de liquide toxique tuant les poissons et la menace sur l’activité de pêche et les activités connexes.

Ici à Djiffère, beaucoup d’activités connexes tournent autour de la pêche. On note la présence des menuisiers métalliques qui fabriquent les cages en fer pour capturer les poulpes, les peintres qui décorent les pirogues, les charretiers qui vendent de l’eau et transportent le poisson et les camions frigorifiques pour transporter les produits d’une localité à une autre. A côte de ça, il y a des vendeuses d’eau fraîche, de cacahuètes, des restauratrices, les tenants de boutiques, c’est toutes ces activités qui gravitent autour de la pêche.

Réelle crainte pour l’Aire marine protégée (AMP)

Aujourd’hui l’Aire Marine protégée (AMP) de Sangomar est la plus grande et elle fait environ 87 000 hectares. Elle est à cheval sur deux communes notamment la commune de Dionwar situé dans le département de Foundiougne et la commune de Palmarin dans le département de Fatick.

Capitaine Cheikh Amadou Diallo, conservateur de l’Aire marine protégée de Sangomar souligne : « C’est une Aire maritime protégée (AMP) très riche en termes de biodiversité aussi bien animale que végétale. Par exemple pour la biodiversité animale, on rencontre tout ce qui est oiseaux, les tortures marines, les singes, les baleines, les dauphins et énormément d’autres espèces de poissons notamment les sardinelles aussi et pleins d’autres d’espèces de qui valeurs qui sont rencontrés comme les thiofs au niveau de la zone. En plus de ça en termes d’écosystème, il y a l’écosystème mangrove qui joue un rôle fondamental dans la reproduction des espèces de poissons ».

Aujourd’hui avec le pétrole, les populations nourrissent des craintes pour l’aire maritime protégée.

« Sans nul doute, il y a une crainte qui est exprimée par les communautés dès l’instant qu’on a entendu la découverte, l’exploration et l’exploitation du pétrole en termes de perspectives au niveau de Sangomar. Ce qu’il faut savoir c’est que l’exploitation est en pleine mer plus de 80 km environ des villages. Mais, néanmoins il y a des craintes quand même. Mais les gens ont tendance à vouloir dire que toutes les mesures sont prises pour sécuriser les écosystèmes pour sécuriser les populations, pour sécuriser donc les systèmes de production au niveau du delta du Saloum. Dans le cadre des rencontres qu’on a avec les autorités, même les sociétés qui ont en charge l’exploitation, ils assurent juste, Woodside, Sub -Seeven, ils ont assuré la garantie, ils ont pris toutes les dispositions nécessaires pour parer à ces éventualités-là », dira le conservateur de l’AMP, Capitaine Cheikh Amadou Diallo.

Accélération de l’érosion côtière

Aussi bien à Djiffère, Dionwar et Niodior, l’érosion côtière est une réalité que les populations de ces localités vivent au quotidien. Certaines populations assimilent les causes aux changements climatiques, d’autres évoquent la présence du pétrole avec l’implantation de Woodside en mer pour l’exploitation du pétrole.

« L’exploitation du pétrole souvent on en parle. Mais, nous commençons à voir les impacts. Parce que dans ce village, il était très rare de voir l’avancée de la mer (…) La mer a avancé de plus de 300 mètres, emportant beaucoup de maisons. Ce sont les conséquences de l’implantation de Woodside Energy en haute mer », souligne M. Pape Ousmane Samb, enseignant à l’école élémentaire de Djiffère, président du club environnement mangrove.

Et M. Samb de poursuivre : « Djiffère est un village de pêche, toutes les couches ont été bien représentées. Vous venez à Djiffère, vous trouverez toutes les ethnies même des étrangers. Il y a l’avancée de la mer. Si nous pouvions avoir des actions au niveau de la mer, par exemple des digues de protection pour protéger les communes de Palmarin et de Dionwar (…) »

Des tas d’immondices, des déchets constitués en grande partie de filets de pêche, des restes de poissons pourris

Quant à M. Moussa Kaïré, mareyeur à Djiffère, il témoigne : « Nous pointons du doigt l’exploitation du pétrole concernant l’érosion côtière. Actuellement notre plage est menacée par l’érosion côtière. Beaucoup de maisons sont détruites sans l’intervention de l’État. La mer a tout ravagé. Je ne vois même pas les agents de Woodside pour nous aider à construire une digue de protection ».

Pape Dione, pêcheur à Djiffère, abonde dans le même sens que Kaïré, le mareyeur : « Le quai de pêche de Djiffère est menacé par la mer et l’État ne fait rien. Cette érosion côtière est due en partie à l’installation de la plateforme ici ».

Mor Lô, pêcheur à Djiffère explique que « pour le moment, le pétrole est exploité en haute mer. Nous ne sentons pas les conséquences ». Cependant, poursuit-il « nous connaissons une érosion côtière sans répit. Nous risquons de perdre toutes les maisons aux alentours de la mer. Cependant, ils mettent dans la mer des produits qui tuent les poissons. Ce produit n’épargne pas les fruits de mer, c’est une véritable menace pour la pêche ».

Cherif Diakhaté dit « Zeum » dénonce : « Je pense que l’érosion côtière est due aux changements climatiques et à l’implantation de la plateforme qui a accéléré l’érosion côtière ».

Abdou Ndiaye, pêcheur à Dionwar se désole : « Aujourd’hui, nous assistons à une érosion maritime qui a ravagé beaucoup de maisons. Entre Sangomar et Djiffère, la mer est en train fractionner Sangomar en l’amenant du côté de Betenty. Cette situation constitue une menace pour Dionwar ».

Massaër DIA

(Afrik Management/ Mars 2024)

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