L’embellie économique observée dans nombre de pays ouest-africains favorise l’émergence d’une classe sociale aisée, demandeuse de nouveaux services tels que la gestion de fortune. Forbes Afrique a rencontré Orphée Monnet Kébé, directrice générale de Gabriel Wealth Management, qui nous explique dans cet entretien en quoi consiste l’activité de ce secteur encore peu connu.
« Nous ambitionnons de construire un écosystème de familles fortes, d’entrepreneurs champions et de fortunés établis qui feront rayonner notre région en ayant un impact indéniable sur son développement »
Forbes Afrique : Gabriel Wealth Management (GWEM) est le premier cabinet indépendant de gestion de fortune (private banking) et multi-family office dans l’espace UEMOA. Comment l’évolution de l’environnement économique et du cadre légal a-t-elle facilité l’offre de services que propose Gabriel Wealth Management ? Cela signifie-t-il qu’il y a plus de riches dans nos pays ?
Orphée Monnet Kébé : Être précurseur dans un métier, c’est aussi accepter de devancer les règles, ou du moins de les susciter. Pour ainsi dire, il n’y a pas eu d’évolution majeure du cadre légal qui ait facilité le déploiement de nos offres. De façon générale, on observe de grands changements – par exemple en Côte d’Ivoire – dans le droit des successions et aussi dans le droit civil, notamment sur les questions touchant à la famille (régimes matrimoniaux). Ces changements ont pour impact de nous faire structurer autrement, en tant que gérants de fortune et family officer, les stratégies patrimoniales adaptées aux situations individuelles de nos clients. Enfin, ce qu’il faut retenir, c’est que notre offre répond à de réels besoins de notre clientèle cible pour de l’accompagnement professionnel dans les choix stratégiques de sa vie : investir (se créer ou développer un patrimoine), organiser sa fortune (répartition des actifs, optimisation de l’endettement), assurer l’avenir de chaque membre ou des biens de la famille, préparer la succession (un réel sujet de société qu’il faut aujourd’hui adresser), assurer le passage transgénérationnel sur la ou les entreprises de la famille ou de l’individu, vivre ses passions, et/ou causes défendues… En réalité, fournir une vision à 360⁰ du présent et de l’avenir.
Qu’est-ce qui différencie Gabriel Wealth Management d’une société de gestion et d’intermédiation (SGI) ?
O.M.K : Je comprends que l’image de la fondatrice de Gabriel Wealth Management est restée jusque-là, adossée au marché financier, du fait de notre très longue expérience sur les métiers d’intervenant du marché financier. La SGI est un intervenant en bourse dont le métier principal est le courtage en bourse, auquel il faut ajouter les services financiers spécialisés et variés. Gabriel Wealth Management est un cabinet indépendant fournissant une offre de services de banque privée et de family office. Pour le dire simplement, nous conseillons et gérons les intérêts patrimoniaux des personnes et des familles. En tant que gérants de fortune, nous avons plusieurs partenaires spécialisés dont les SGI font partie, notamment, par exemple, pour assurer des offres de services financiers relatives aux portefeuilles-titres de nos clients ou autres opérations financières spécifiques.
Pouvez-vous nous parler plus en détail de vos prestations et du type d’interventions que vous effectuez pour le compte de vos clients ?
O.M.K : Nous adoptons une approche patrimoniale qui donne à nos clients une vision à 360⁰ du patrimoine à tout moment et sur tous types d’actifs et passifs sans exception. Tout commence par l’établissement du bilan patrimonial. Nous définissons une approche patrimoniale appropriée, et en fonction des besoins spécifiques relevés, fournissons une assistance dans la proposition de supports de placements et d’investissement, la structuration financière, l’optimisation fiscale, la recherche de financement et levée de fonds, la retraite, la planification de la succession, la conciergerie de luxe et, s’agissant plus spécifiquement des entreprises, dans la revue organisationnelle et stratégique. Nous mettons un point d’honneur à préserver la confidentialité de nos clients tout au long de notre accompagnement, et avons également mis un fort accent sur l’innovation technologique à travers un système d’information dédié à la gestion de fortune, structuré conformément aux réalités d’Afrique subsaharienne francophone et à nos réglementations.
« Nous acceptons d’accompagner à partir de 1 milliard de francs CFA de patrimoine valorisé »
À combien s’évaluent aujourd’hui les fonds gérés par Gabriel Wealth Management ?
O.M.K : Gabriel Wealth Management accompagne à ce jour plusieurs personnes et familles dont les patrimoines nets sont très importants, raison pour laquelle nous nous sommes assurés d’avoir une équipe expérimentée capable de fournir les meilleurs services à notre clientèle.
Nous comptons aujourd’hui trois principaux paliers de clients, autant sur le pôle private banking que sur le multi-family office :
- Le medium high-Net-Worth-Individual : jusqu’à 10 milliards de francs CFA (15 millions d’euros) ;
- Le High-Net-Worth-Individual : 10 à 25 milliards de francs CFA (15 à 38 millions d’euros) ;
- Le top High-Net-Worth-Family : à partir de 25 milliards de francs CFA.
Nous acceptons d’accompagner à partir de 1 milliard de francs CFA de patrimoine (1,5 million d’euros) valorisé. Les sommes gérées par GWEM à ce jour s’évaluent à plusieurs milliards de francs CFA.
Vous avez récemment été à la tête de la Société Générale Capital Asset Management West Africa puis de Société Générale Capital Securities West Africa. Qu’est-ce qui, selon vous, explique encore la réticence des entreprises de l’espace économique à rejoindre la cote, malgré les réformes et innovations engagées au cours des dernières années ?
O.M.K : Il y a évidemment plusieurs facteurs et raisons, au-delà de la peur et de la transparence qui a été trop longtemps indexée et peut-être exagérément… Il faut comprendre que venir à la cote en bourse relève également d’une ambition stratégique de l’entreprise, et qui dit ambition, dit choix. Le marché financier de l’UEMOA peine à se développer : pour huit pays, nous comptons seulement une quarantaine de sociétés cotées. Cependant, autant le marché réclame des sociétés à la cote, autant il exige surtout des sociétés clairement préparées à s’introduire en bourse, avec une vision et des objectifs liés pour contribuer à la croissance et au développement du marché financier. Cela dit, notre combat premier doit être d’accompagner nos entreprises locales à tous les niveaux afin de leur donner toutes les capacités nécessaires pour s’inscrire à la cote, mais aussi à en tirer une expérience positive qui bénéficie à nos économies.
Pour revenir à votre activité, qu’en est-il de l’intérêt des fortunés locaux pour les services d’un gérant de fortune, ou du choix de recourir à un multi-family office pour un groupe ou une PME familiale ?
O.M.K : Il est indéniable que le besoin est là, puisque nous avons des clients qui montrent déjà un intérêt pour nos services, mais il y a une profondeur plus grande. En effet, on observe également un besoin de rassurer davantage sur notre capacité à leur offrir en local ces mêmes services que nos fortunés souscrivent en dehors de nos zones dans les marchés dits matures et développés.
Quelle est la proportion des investisseurs hors Côte d’Ivoire dans le portefeuille client de Gabriel Wealth Management ?
O.M.K : Cette proportion correspond actuellement à un peu moins du tiers de notre clientèle, et nous continuons à nous faire connaître en dehors du pays. Nous comptons notamment des clients dans d’autres pays de la zone UEMOA. Cela s’impose à nous en tant que pionnier dans la zone, et cabinet indépendant offrant des services sur mesure qui couvrent à 360⁰ le patrimoine et la fortune de la personne et de la famille, ce en toute indépendance et capacité à interagir avec les professionnels (avocats, banques, notaires, fiscalistes…). Nous comptons bien accompagner les clients au-delà de nos frontières et conquérir l’Afrique subsaharienne francophone où cette offre restait jusque-là muette.
Comment entrevoyez-vous l’évolution du private banking dans les prochaines années au sein de l’espace UEMOA ?
O.M.K : Nous sommes certains que plus l’offre sera intégrée, plus des besoins encore cachés ou ignorés se feront jour en forçant le développement des offres de CGP (conseil en gestion de patrimoine) et de family office telles que l’on peut en trouver en Occident et dans d’autres plus grands marchés. Clairement, il faut évoluer et rassurer ceux qui sont à ce jour obligés de sortir de la zone ou du continent pour trouver ce type de services : le simple priority banking – banques privées de nos banques commerciales – ne suffit évidemment pas pour répondre réellement aux sujets liés à la gestion de fortune. Enfin, l’État devra jouer sa partition en mettant en place des allègements fiscaux permettant l’émergence de certains secteurs et, par ricochet, des PME qui y opèrent. Cet effet domino positif contribuera inévitablement à faire naître de nouvelles fortunes dans nos pays.
Quelle est l’ambition de Gabriel Wealth Management en tant que précurseur sur ce segment financier ?
Gabriel Wealth Management se positionne présentement et dans sa vision comme un acteur de confiance capable, par son expertise, de répondre aux besoins des personnes, des chefs d’entreprises et des familles en matière de gestion de fortune. Notre objectif est d’être la référence incontournable de ce métier dans notre zone et au-delà. Cela reste en lien avec notre vision qui est de « construire à moyen terme un écosystème de familles fortes, d’entrepreneurs champions et de fortunés établis qui font rayonner notre région en ayant un impact indéniable sur son développement ».
Propos recueillis Par Michée Dare
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