Un appât commercial, le gratuit ? Né avec le développement du marketing, il atteint son apogée au début du xxe siècle à travers l’un des pionniers du genre : la marque Gillette, qui offre ses rasoirs… pour mieux vendre ses lames. La gratuité, dans la sphère économique, est ainsi devenue l’adage d’industries entières, écrit Chris Anderson*, journaliste américain et spécialiste du phénomène.
« Donner le téléphone portable et vendre le forfait mensuel, casser le prix de la console et vendre des jeux… », égraine celui qui, en 2009, décrypta le premier la nouvelle « économie du gratuit ». Autrement dit, avec Internet, l’avènement d’une société du libre accès, qui concernera en particulier l’offre culturelle : musique, cinéma, médias… « Je n’achète plus de journaux depuis des années », explique Alain, 58 ans, qui, chaque matin, attrape le quotidien gratuit sur son présentoir à l’entrée du métro et parcourt le reste de la presse sur son écran gratuitement, parce que c’est inclus dans son abonnement Internet.
Ce qui est offert… se perd
« “Gratuit” est devenu le cri de ralliement de l’homme de marketing moderne, le consommateur ne manquant jamais d’y réagir », décrypte Chris Anderson. Or, à l’ère du numérique, le coût de l’« hameçon » est négligeable, voire nul, à l’instar de Google, dont nous utilisons « à l’œil » les innombrables logiciels en enrichissant leur inventeur… « Qu’importe, puisque c’est gratis », rétorque Emile, 22 ans. Chris Anderson lui répondrait sans doute que, dans ce système, ce n’est plus la marchandise qui rapporte au vendeur mais le consommateur lui-même, souvent à son insu (« Si un produit est gratuit, c’est que vous êtes le produit ! »).
Et pendant que nos données personnelles prennent de la valeur pour les publicitaires, le produit offert, lui, en perd. « Regardez tous les échantillons et autres petits cadeaux commerciaux qu’on laisse souvent au fond de son sac et que l’on finit par jeter », fait remarquer Valérie Gaillard**, enseignante et chercheuse, dont les études portent sur le comportement du consommateur. « On n’y accorde pas d’importance parce qu’on ne les a ni payés ni même demandés », observe-t-elle.
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