Le Sénégal devra patienter au moins jusqu’en juin 2025 pour espérer une résolution de son programme de prêt avec le Fonds monétaire international (Fmi), a confié une source proche du dossier. Une situation qui met à l’épreuve le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye, en quête d’un soutien financier rapide pour faire face à une conjoncture budgétaire de plus en plus fragile. Le ministère des finances n’a pas encore officiellement réagi à cette éventualité.
Par Zaynab SANGARÈ, Sénégal
En juin 2023, le Sénégal avait obtenu un programme d’assistance du Fmi d’un montant de 1,9 milliard de dollars, mais celui-ci est suspendu depuis qu’un audit gouvernemental, mené trois mois après l’accord, a révélé un endettement et un déficit budgétaire bien supérieurs aux chiffres communiqués par l’administration précédente. Cette révélation a entraîné une envolée des rendements des obligations sénégalaises en devises étrangères, tout en provoquant des dégradations des notes de crédit par les agences de notation.
Dakar cherche désormais à renégocier un nouveau programme avec le Fmi, mais la source indique que le Fonds ne prendra pas de décision avant l’examen des conclusions de l’audit, dont la certification par la Cour des comptes du Sénégal est attendue pour mi-décembre. « Le gouvernement doit d’abord résoudre les problèmes identifiés dans l’audit », a précisé la source. Après cette certification, le conseil d’administration du Fmi devrait déterminer les prochaines étapes, un processus qui pourrait s’étendre sur six mois supplémentaires.
Le programme initial, signé en juin 2023, prévoyait un financement de 1,526 milliard de dollars sur trois ans via la Facilité élargie de crédit et la Facilité de crédit stand-by, auxquels s’ajoutaient 371,1 millions de dollars provenant de la Facilité de résilience et de durabilité, destinés à financer des initiatives climatiques. Le Sénégal avait déjà bénéficié de deux décaissements : 216 millions de dollars lors de la signature de l’accord, puis 279 millions de dollars en décembre 2023, suite à l’approbation de la première revue par le conseil d’administration du Fmi. Cependant, les examens suivants n’ont pas été achevés, retardant ainsi d’éventuels nouveaux versements.
Face aux révélations du Premier Ministre sur la falsification des données économiques, le conseil d’administration du Fmi envisage plusieurs mesures correctives, y compris la possibilité de réclamer le remboursement des prêts déjà débloqués sur la base des données erronées. Une autre source a confirmé que la résolution de cette situation prendrait encore « quelques mois ». En octobre, l’institution financière internationale avait déclaré qu’elle évaluait les implications des révisions des données transmises par le Sénégal. Le pays faisait déjà face à une croissance plus lente que prévu et à un creusement du déficit budgétaire avant même la publication des chiffres révisés sur la dette et le déficit.
Lire aussi: Évaluation économique : Le Fmi pointe du doigt les défis financiers du gouvernement Sonko – AFRIK Management
Le Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a récemment lancé une émission obligataire internationale privée, levant ainsi 300 millions de dollars pour renforcer les finances publiques. L’audit a révélé que la dette publique moyenne représentait 76,3% du Pib, contre 65,9% selon les chiffres précédemment déclarés. De plus, le déficit budgétaire de fin 2023 s’élève à plus de 10%, soit plus du double des prévisions initiales.
« Les révélations du Premier Ministre sur les coûts budgétaires cachés par l’ancienne administration ont exacerbé les inquiétudes des marchés quant à la viabilité de la dette sénégalaise », a souligné une note de recherche de JPMorgan.
Suite à la publication des premiers résultats de l’audit, le rendement de l’obligation sénégalaise échéance 2048 a franchi la barre des 10%, un niveau jamais atteint depuis août 2024.
Zaynab SANGARÈ
(Afrik Management/ Novembre 2024)
Comments