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La surprise, un outil précieux pour les managers et les recruteurs ?

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Bien maniée, la surprise peut servir à déstabiliser les collègues toxiques, à révéler le potentiel des candidats lors d’un entretien, ou encore à “booster” la motivation des équipes.

Imaginez un lieu de travail où la routine se brise, où l’innovation jaillit de l’inattendu, où chaque individu se sent stimulé et amené à révéler son plein potentiel. C’est ce que nous promet le pouvoir de la surprise.

C’est la surprise qui permet la renaissance, la catharsis. Nos cerveaux humains sont câblés pour vivre de nouvelles expériences et apprendre de nouvelles choses. Et comme tout souffle s’essouffle, il nous faut constamment remettre une pièce dans la machine. La surprise est cette pièce qui permet d’insuffler de l’énergie, d’entretenir la flamme, le souffle vital. Et cela vaut autant dans notre sphère professionnelle que personnelle.

Un sondage mené sur le concept de surprise révèle quelques chiffres clés intéressants :

  • 70% des sondés sont d’accord avec cette phrase du sociologue Edgar Morin : « C’est la surprise, l’étonnement qui nous oblige à évoluer. »
  • 80 % semblent avoir besoin d’un « certain coefficient de surprise » dans leur vie, pour reprendre l’expression du psychiatre António Lobo Antunes.
  • 90 % pensent que la surprise est une émotion réellement utile pour l’humanité.

Il peut dès lors être intéressant, pour les managers comme pour les recruteurs, d’intégrer la surprise dans leur gestion des équipes et leurs processus de recrutement

La surprise et ses bénéfices

La surprise a commencé à être étudiée sérieusement dans les laboratoires de neurosciences dans les années 1980. Cette émotion primaire (au même titre que la peur, la colère ou la joie), la plus brève en termes de durée, survient face à des événements soudains et inattendus, quand le sujet quitte sa routine. Son rôle principal est d’attirer notre attention et d’accroître notre vigilance. Face à l’imprévu, elle nous incite à comprendre la situation et à trouver des solutions d’adaptation rapidement.

La surprise stimule également notre apprentissage et notre soif de connaissance, nous poussant à explorer et à mieux cerner l’inconnu. A ce sujet, une étude menée par des chercheurs du MIT montre que la noradrénaline, une hormone libérée en cas de surprise, modifie l’activité cérébrale et le comportement ultérieur de l’animal. Face à une « mauvaise » surprise, ce surplus de noradrénaline permet au cerveau de la souris de focaliser son attention sur l’événement inattendu, favorisant un apprentissage plus rapide et plus efficace (« Spatiotemporal dynamics of noradrenaline during learned behaviour », de Breton-Provencher, V., Drummond, G. T., Feng, J., Li Y, et Sur, M., Nature, 2022).

Les chercheurs en concluent que la surprise, en particulier les surprises négatives, aide l’animal à adopter le comportement adéquat face à une situation inattendue. Étant donné les similitudes entre les circuits de la surprise chez la souris et ceux de l’homme, il est plausible qu’un phénomène similaire se produise chez l’être humain. Des recherches plus approfondies sont toutefois nécessaires pour confirmer cette hypothèse (« Unexpected Brain Chemistry Is behind the Element of Surprise: Animals learn especially well from surprising events, and the hormone noradrenaline may be one reason why », de S. Hussain, Scientific American, 2022).

Continuons avec la surprise : cette dernière ne reste jamais isolée. En effet, dès son apparition, elle s’entoure d’un cortège d’émotions « enquêtrices » qui nous aident à mieux cerner la situation. Face à une « mauvaise surprise », notre corps se met en mode action, prêt à combattre ou à fuir. Le rythme cardiaque et respiratoire s’accélère, la tension artérielle augmente. Ces réactions physiologiques nous préparent à affronter le danger potentiel. En revanche, une « bonne surprise » déclenche une réaction de relaxation. Le rythme cardiaque et respiratoire ralentissent, la tension artérielle diminue. La digestion et la libido s’en trouvent favorisées.

La surprise est ainsi une émotion complexe qui déclenche une cascade de réactions physiologiques et émotionnelles, nous permettant de réagir de manière adaptée aux situations.

La surprise, un exhausteur

La surprise agit aussi comme un « exhausteur » d’émotions, les intensifiant considérablement. En d’autres termes, si un événement heureux survient de manière inattendue, le cerveau le perçoit comme encore plus positif. Inversement, un événement triste vécu de manière surprenante sera ressenti comme encore plus douloureux. La surprise amplifie également les sentiments de fierté, les rendant d’autant plus intenses.

La surprise permet donc d’augmenter la « réalité émotionnelle ». Elle agit comme un amplificateur de nos émotions, les faisant passer d’une perception en « 2D » à une expérience en « 3D » – rendant ainsi nos émotions plus intenses. À ce sujet, une étude menée par des chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley a mis en lumière le lien entre l’émerveillement, une forme intense de surprise, et le bien-être. Les individus qui cultivent l’émerveillement dans leur quotidien, ceux qui s’émerveillent face à la beauté du monde, présentent des niveaux inférieurs d’interleukine-6 (IL-6) dans leur sang. Or, un taux élevé chronique d’IL-6 fragilise le système immunitaire et augmente les risques d’inflammation et de maladies chroniques, y compris le cancer.

Ainsi, la surprise nous procure non seulement des émotions plus intenses, mais contribue également à notre santé physique et mentale.

La surprise vs la routine au travail

A l’instar de David Dunn affrontant le maléfique Elijah Price, de Batman luttant contre le Joker infâme, ou de Superman défiant l’odieux Lex Luthor, la surprise se doit de combattre son propre super-vilain : l’ennui chronique. Cette émotion tenace, véritable ennemi juré de la surprise, est combattue sans relâche par cette dernière.

Des études montrent que dans nos sociétés modernes, le cerveau humain semble avoir une réelle préférence pour la surprise au détriment de la routine (propice à l’ennui) et pour l’imprévu plutôt que le prévisible (à condition que cela ne concerne pas des aspects fondamentaux de la survie). À noter que les individus sujets à l’ennui fréquent sont plus susceptibles de souffrir de dépression, de troubles hypocondriaques et narcissiques. Ils se sentent souvent mal à l’aise en société, insatisfaits et peu performants au travail ou à l’école pour les plus jeunes. Mêlé à de la frustration, l’ennui chronique peut engendrer des troubles alimentaires (manger pour compenser l’inaction) et des manies telles que s’arracher compulsivement les cheveux ou la peau, ou se ronger les ongles.

Comme le souligne le neurobiologiste Pierre-Marie Lledo, l’ennui chronique (et sa forme extrême prolongée, le bore-out) et la routine ralentissent la production de nouveaux neurones : la fameuse neurogenèse ne fonctionne pas à plein régime dans ces conditions. Nous stagnons sur le plan neuronal. La surprise, quant à elle, stimule la croissance neuronale.

Ainsi, la surprise se profile un antidote à l’ennui chronique, permettant de stimuler notre cerveau, d’améliorer notre bien-être et potentiellement d’accroître nos performances.

La surprise face à l’enflure toxique

Qu’est-ce qu’une « enflure toxique », exactement ? Un agent pathogène d’émotions toxiques qui place le « récepteur », le destinataire de ces émotions sombres, en position d’infériorité, de faiblesse, de gêne, causant chez sa victime des troubles psychosomatiques (“La contagion émotionnelle”, de Christophe Haag, Albin Michel, 2019).

Le degré « d’enflurie toxique » dépend de trois facteurs :

  1. La durée de l’exposition: Plus la personne est exposée à la toxicité sur une longue période, plus les effets sont néfastes.
  2. Le nombre de victimes: Un individu toxique qui s’attaque à plusieurs personnes cumule les dégâts psychologiques.
  3. L’impact sur les victimes: Les troubles peuvent aller de la dépression aux tendances suicidaires.

Comment, concrètement, contrecarrer ces “enflures toxiques”, que l’on croise souvent au travail ? En créant un effet de surprise.

Prenez ce cas de figure. Quand un collègue ou un supérieur toxique vous lance des petites piques régulières, qui font mal sans forcément être spectaculaires, ce dernier s’attend à ce que vous lui répondiez, à ce qu’il y ait de l’opposition de votre part.  Mais c’est tout l’inverse qui fonctionne, selon David Corona, un ancien négociateur du GIGN.

David Corona préconise plutôt une approche inspirée de l’aïkido. Il s’agit de retourner l’énergie de l’agresseur à son avantage en adoptant une attitude inattendue – ici, en allant dans son sens.

Si par exemple l’enflure toxique vous interpelle en vous disant : “Ah, tiens, ton bureau est mal rangé!”, vous devriez lui répondre quelque chose du genre : “Ah, oui, oui, c’est sûr, il est mal rangé. Et encore, là je trouve qu’il est bien rangé par rapport à d’habitude. Je suis capable de faire pire. Je suis une espèce de bordélique. C’est horrible.”

Les “enflures toxiques” sont souvent déstabilisées par des réactions calmes et respectueuses. Ils s’attendent généralement à de l’opposition, de la confrontation ou de la peur. Plus on appuie leurs propos, pourtant déplaisants, plus ils sont déconcertés. Ainsi, plutôt que de vous confronter directement à un collègue toxique, il est souvent plus efficace d’adopter une approche désarmante, en évitant l’opposition, voire en allant dans son sens. Tout en adoptant une attitude d’apparence respectueuse.

Autre stratégie face à un collègue toxique

Certains d’entre vous se souviennent peut-être de ce jeu sans queue ni tête imaginé par les humoristes Kad et Olivier : le Kamoulox. Un jeu de plateau diffusé, fut une époque, sur Canal+ où deux adversaires s’affrontaient en se lançant du tac au tac des phrases incohérentes, incompréhensibles, les unes plus délirantes que les autres et qui leur rapportaient des points, sans que personne ne comprenne rien aux règles.

Eh bien, figurez-vous qu’utiliser des stratégies « kamouloxiennes » pour contrer une personne toxique peut s’avérer être une stratégie gagnante. Car en adoptant des comportements surprenants, on désarçonne souvent l’autre en venant “hacker” son cerveau. C’est la « mécanique de confusion » ou de déstabilisation, utilisée par les négociateurs du GIGN comme David Corona. En surchargeant cognitivement l’autre avec des propos incohérents, on le perturbe et le force à se recentrer, ce qui lui fait perdre son emprise.

La surprise crée l’ouverture. Cela se voit même physiquement quand vous surprenez l’autre. Dès lors que votre interlocuteur est déstabilisé par des propos incohérents, qu’il manque d’informations, tout chez lui s’ouvre. Ses yeux sont grands ouverts, sa bouche et ses écoutilles auditives (oreilles) aussi. En somme, toutes les portes et les fenêtres de la prise d’information sont “ouvertes”. Pourquoi ? Car le cerveau a un besoin irrépressible de “comprendre” pour se stabiliser et retrouver ses repères.

Ces moments fugaces où les défenses mentales s’affaiblissent, semblables à des « portes ouvertes cérébrales », constituent précisément des opportunités uniques pour introduire des suggestions directes. L’esprit, momentanément réceptif, est enclin à accueillir ces idées comme des vérités absolues, les absorbant sans discernement, tel un poisson appâté par un hameçon savamment dissimulé.

Confronté à l’incertitude et à la confusion, le cerveau humain ne se résigne pas à l’incompréhension, et cherche du sens. Telle une tête chercheuse, il se lance dans une quête acharnée de sens, scrutant chaque élément à sa disposition pour tisser une narration cohérente. Cette soif d’explication le pousse à interpréter et à spéculer sur les propos de son interlocuteur, cherchant à combler les lacunes et à déchiffrer le message caché derrière les mots. Ce phénomène s’apparente, comme le souligne le neurobiologiste Pierre-Marie Lledo, à l’effet « cocktail party » décrit en neurosciences sociales. Dans un environnement bruyant et chaotique, où l’attention est fragmentée, le cerveau humain déploie des capacités remarquables pour se focaliser sur la voix d’un interlocuteur précis. Il isole cette voix du brouhaha ambiant, lui permettant de suivre la conversation et de saisir les nuances du discours (« Le pouvoir de la surprise (même mauvaise) », de Christophe Haag, Albin Michel, 2024).

Dans le cas d’une “enflure toxique”, les bribes d’informations cohérentes que vous laissez échapper çà et là, au milieu de ce brouhaha verbal, seront rapidement captées et interprétées par votre interlocuteur. Son cerveau s’en servira alors pour construire sa propre version de l’histoire. En contrôlant savamment ces éléments cohérents, disséminés au fil de votre discours, vous avez le pouvoir d’orienter le scénario que se construit votre interlocuteur. Ainsi, en maniant habilement le langage, vous pouvez apaiser une situation conflictuelle avec ce collègue toxique.

La lucidité terminale/vitale

Face à un enjeu majeur qui se dessine à l’horizon, il est fréquent que nos facultés s’embrouillent. Illustrons cette idée par l’exemple suivant. Lors des concours d’admission aux grandes écoles, les jurés peuvent chercher à surprendre les candidats. Non pas pour les piéger, mais plutôt pour les inciter à se dévoiler et à donner le meilleur d’eux-mêmes.

Un jour, un jeune candidat taciturne, titulaire d’un master en mathématiques, se présente aux oraux d’une grande école de commerce. Il ne répond aux questions du jury que par oui ou par non, la tête baissée, fixant du regard les lacets de ses mocassins à glands. Autant dire qu’après cinq minutes, une vingtaine de questions posées et autant de réponses monosyllabiques invariables, le jury a fait le tour de la question.

Mais dans une dernière tentative, l’un des examinateurs lui lança : « Écoutez, soit nous nous arrêtons là et vous risquez de le regretter toute votre vie. Soit vous vous livrez enfin et vous nous donnez un os à ronger pour nourrir la discussion. » Surpris par cette tournure inattendue, le candidat prend un temps de réflexion. Au bout d’une bonne minute, il ajuste ses lunettes avec l’index de la main droite et marmonne : « Euh… j’ai fait des choses mais je ne sais pas si cela peut vous intéresser… » Le président du jury l’encourage alors à poursuivre. Et soudain, le jeune homme se transforme. Il se redresse brusquement et, à partir de cet instant, en accord avec sa posture corporelle redressée, il enchaîne les réponses pertinentes. Son expression, hésitante quelques minutes auparavant, est désormais fluide. Il sourit et regarde les examinateurs droit dans les yeux. Il enchaîne les exemples, parvenant enfin à démontrer sa motivation et à  « vendre » qui il est. Son raisonnement est d’une clarté remarquable. On comprend rapidement qu’il était paralysé par le stress et qu’il avait juste besoin de prendre ses marques.

Le jeune homme, sous l’effet de la surprise, a réussi à se recalibrer émotionnellement. Sans doute a-t-il pu réévaluer cognitivement la situation en se disant que si le jury insistait tant pour qu’il s’exprime, c’était plutôt bon signe. Le signe que son profil pouvait « intéresser ». Le fait d’être poussé dans ses retranchements, contre toute attente, a déclenché chez lui une forme de « lucidité terminale ». Ce terme, emprunté au vocabulaire médical, désigne un phénomène singulier qui se produit à l’approche de la mort, lorsque la personne condamnée expérimente un regain d’énergie étonnant.

La surprise engendre une lucidité non pas terminale mais  « vitale » ; puisque  le candidat s’est vu attribuer la note de 19 sur 20. Il a ensuite intégré l’école ; et son parcours, même après l’obtention de son diplôme, fut brillant.

Cette expérience illustre bien le pouvoir de la surprise pour révéler le potentiel de chacun. Que ce soit dans le cadre d’un recrutement ou de la gestion d’équipe, le manager doit ainsi savoir susciter la surprise afin de permettre aux individus de s’exprimer pleinement. La surprise ouvre en effet toutes les portes et permet de repousser les limites.

Par Christophe Haag

 

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Cet utilisateur a eu une très désagréable surprise avec ChatGPT

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