À Dakar, le 11 juin 2025, le Conseil des ministres sénégalais s’est tenu dans un contexte de reconfiguration stratégique de la politique économique nationale, sous les directives du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko. Le cap est clair : faire de la souveraineté alimentaire un pilier de la souveraineté économique, et replacer l’agriculture au centre de l’architecture de transformation du Sénégal dans le cadre de l’Agenda de Transformation Nationale Horizon 2050.
Avec un budget 2025 s’élevant à 6 395 milliards de FCFA, dont plus de 1 070 milliards sont spécifiquement affectés aux secteurs de la souveraineté alimentaire et énergétique, l’exécutif incarne une rupture assumée en matière de priorités. Alors que le pays prévoit une croissance de 8,8 %, notamment soutenue par les premières retombées de l’exploitation pétrolière et gazière, l’État sénégalais investit massivement dans la préparation de la campagne agricole 2024-2025, considérée comme une étape critique dans la relance de la production nationale.
Un montant de 120 milliards de FCFA a été alloué pour soutenir cette campagne agricole, avec des mesures phares telles que la distribution gratuite de phosphate et une subvention de 22 % sur les engrais. Ces décisions, saluées par les acteurs du secteur, visent à maximiser les rendements dans un contexte de pluviométrie favorable dans plusieurs zones agroécologiques. À l’instigation directe du président Diomaye Faye, l’accélération de la mise à disposition d’intrants, semences et équipements agricoles sur l’ensemble du territoire a été exigée, avec une implication renforcée des coopératives communautaires dans la distribution.
La montée en puissance du programme de reconstitution du capital semencier est également au cœur des priorités du gouvernement. L’Institut sénégalais de Recherches agricoles (ISRA) est repositionné comme bras scientifique de cette révolution agricole. Son mandat est élargi, ses moyens appelés à être significativement augmentés, avec pour mission la recherche de variétés plus résilientes aux aléas climatiques et plus productives sur les sols appauvris de certaines régions du pays.
Sous la houlette du Premier ministre Sonko, fervent défenseur de l’agriculture souveraine, le gouvernement a également mis l’accent sur la professionnalisation de la jeunesse agricole. Les lycées agricoles et centres de formation seront renforcés, avec en ligne de mire la valorisation de l’École nationale supérieure d’Agriculture comme référence régionale pour la formation d’ingénieurs agronomes. Le lien entre formation, entrepreneuriat rural et autonomie économique est au cœur de cette stratégie.
Le gouvernement a aussi ordonné la révision des lettres de mission des principales agences de développement rural – SAED, SODAGRI, SODEFITEX – afin d’optimiser la planification et la spécialisation des productions rizicoles, céréalières et cotonnières, ainsi que des cultures à forte valeur commerciale. Le développement des Domaines agricoles communautaires (DAC), relancés avec le soutien de la Banque Islamique de Développement à hauteur de 52 milliards de FCFA, et la mise en œuvre effective des Agropoles dans les zones économiques ciblées, s’inscrivent dans cette dynamique de structuration des filières agricoles.
Dans le prolongement de cette stratégie, Dakar accueillera du 30 août au 5 septembre 2025 la 19ᵉ édition du Forum africain des systèmes alimentaires, sous le thème « Jeunesse africaine : fer de lance de la collaboration, de l’innovation et de la transformation des systèmes alimentaires ». Le chef de l’État a appelé à une forte mobilisation autour de cet événement qui s’annonce comme une vitrine de la nouvelle vision agricole sénégalaise.
Selon les chiffres actualisés de la Commission nationale de développement (CND), le secteur agricole emploie encore 29 % de la population active, et près de 63 % de la population totale est âgée de moins de 25 ans. Dans ce contexte démographique particulier, la stratégie Diomaye–Sonko consiste à faire de la jeunesse un acteur central de la relance agricole et du développement rural durable.
Le président effectuera, les 12 et 13 juin, une visite économique dans la région de Saint-Louis, afin de rencontrer producteurs, industriels, chercheurs et jeunes porteurs de projets. Cette immersion sera suivie, le 10 juillet, par la tenue du Conseil supérieur d’orientation agrosylvopastoral, organe stratégique destiné à fixer les grandes lignes de la politique de développement rural intégrée.
Cette approche incarne une rupture méthodique avec les pratiques du passé. Elle articule planification territoriale, innovation agricole, gouvernance coopérative et montée en compétences. Si les objectifs fixés sont atteints, le Sénégal pourrait, d’ici 2035, non seulement atteindre l’autosuffisance alimentaire, mais aussi s’imposer comme un pôle d’exportation agricole en Afrique de l’Ouest, tourné vers la transformation industrielle et l’innovation verte. Le pari est audacieux, mais à la hauteur des ambitions de la nouvelle équipe dirigeante.
Par Zaynab SANGARÈ
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