Le plan stratégique de développement 2022-2025 de l’Agence nationale de conseil agricole et rural (ANCAR) constitue l’un des leviers techniques et opérationnels du Plan Sénégal Émergent, dans sa seconde phase. S’inscrivant dans la dynamique du PAP2A, ce plan ambitionne d’apporter une réponse structurée et multisectorielle aux défis de l’emploi des jeunes, de l’autonomisation des femmes et de la résilience des filières agro-sylvo-pastorales et halieutiques.
Dans un contexte post-pandémie marqué par des vulnérabilités croissantes, la croissance du PIB réel du Sénégal atteignait 6 % en 2018, avant un ralentissement en 2020. Le secteur agricole reste un pilier de l’économie nationale, concentrant 45 % de la population active et contribuant à hauteur de 15,1 % au PIB. L’élevage, moyen de subsistance pour 30 % des ménages ruraux, concerne 60 % des ménages agricoles, tandis que la pêche et l’aquaculture représentent 3,2 % du PIB et soutiennent plus de 600 000 acteurs, dans un pays où la consommation annuelle de poisson par habitant atteint 29 kilogrammes.
Le défi de l’emploi des jeunes est considérable. En 2020, 76 % des 16,7 millions d’habitants avaient moins de 35 ans, soit environ 12,7 millions de personnes. Pourtant, en 2018, les jeunes de 15 à 34 ans ne représentaient que 35,3 % des actifs en emploi, bien qu’ils constituent plus de la moitié de la main-d’œuvre nationale. Le chômage des jeunes s’établissait alors à 62,6 %, malgré des investissements publics de 544 milliards de FCFA sur une décennie pour soutenir leur insertion professionnelle.
Face à ces enjeux, l’ANCAR, société anonyme de droit privé à participation publique minoritaire, opérant sur 73 % du territoire, s’est dotée d’un plan stratégique ambitieux. Celui-ci repose sur trois piliers : l’appui à l’entrepreneuriat rural des jeunes et des femmes, la digitalisation du conseil agricole, et l’ancrage territorial des agropoles.
Dans le volet emploi et entrepreneuriat, l’ANCAR projette d’élaborer au moins 25 projets par Zone de Développement (DZ) en 2022, pour atteindre 50 projets annuels par DZ à partir de 2023. L’appui à la mise en œuvre de projets s’élève à 75 projets par DZ en 2022, puis 50 par an les deux années suivantes. L’objectif est que la proportion de jeunes agripreneurs utilisant effectivement leurs compétences managériales passe de 20 % (année de référence) à 50 % en 2023, et 80 % en 2024 et 2025.
Parallèlement, le plan accompagne la stratégie nationale de développement des agropoles. Le Sénégal ne transforme actuellement que 13 % de sa production agricole. Les agropoles prévues dans les zones Sud, Centre, Ouest et Nord devraient mobiliser un investissement cumulé de 700 milliards de FCFA, dont 250 milliards d’origine publique et 450 milliards de capitaux privés. Les Directions de Zones de l’ANCAR sont appelées à signer 14 conventions pluriannuelles entre 2022 et 2024 avec les entités intercommunales gestionnaires des agropoles. L’exécution effective est prévue pour 2 conventions en 2022, 3 en 2023, et 2 en 2024.
Sur le front agroécologique, l’ANCAR ambitionne de former 10 000 producteurs en 2022, 20 000 en 2023, puis 30 000 en 2024 et 2025 aux bonnes pratiques agroécologiques et agroforestières. Une montée en puissance structurée, qui répond à l’urgence climatique et aux engagements de transition écologique.
Le numérique occupe une place centrale dans le PSD. Déployée dans plus de 3 000 villages, la plateforme SAIDA mobilise déjà 1 000 agents et relais communautaires pour accompagner 84 000 petits producteurs. Ce dispositif diffuse 955 messages en six langues nationales, ainsi qu’en français et en anglais. L’objectif est de couvrir 50 % des zones ANCAR (année de référence), 80 % en 2023 et 100 % dès 2024. Le nombre de producteurs utilisateurs passera de 10 000 (année de référence) à 50 000 d’ici 2025.
Le volet nutrition, via une plateforme dédiée, vise une couverture de 30 % (année de référence), puis 60 % en 2023, 80 % en 2024 et 100 % en 2025. Tous les techniciens de l’ANCAR doivent être formés à ces outils numériques dès 2023, avec une utilisation effective par 100 % d’entre eux.
Les Champs-Écoles-Producteurs (CEP), instruments de formation participative, seront également renforcés. L’ANCAR prévoit de former 50 prestataires en 2022, 100 en 2023, 300 en 2024 et 800 en 2025. Les institutions publiques de recherche et d’enseignement agricole bénéficieront également d’un accompagnement, avec 10 structures formées dès 2022, et 20 supplémentaires chaque année jusqu’en 2025.
Le PSD prévoit aussi des partenariats renforcés avec les ministères sectoriels. Trois programmes spécifiques sont déjà engagés en 2022, et six autres seront lancés entre 2023 et 2025. Le partenariat avec le secteur privé est essentiel à la durabilité de l’action publique. Deux programmes de conseil numérique ont été co-développés en 2022 avec des entreprises privées, trois le seront en 2023, cinq en 2024 et dix en 2025.
Le budget global du PSD sur quatre ans s’élève à 24,9 milliards de FCFA. Il se répartit ainsi : 5,8 milliards en 2022, 5,9 milliards en 2023, 6,3 milliards en 2024 et 6,8 milliards en 2025. Un effort financier considérable est affecté à la communication, à raison de 300 millions FCFA sur la période. La formation à la conception de projets bénéficie du même montant. Le système de suivi-évaluation, doté de 100 millions FCFA pour l’étude de base, comprend aussi un suivi interne annuel de 20 millions FCFA et une supervision de 10 millions FCFA chaque année. La revue à mi-parcours coûte 20 millions FCFA, tandis que la consultance d’achèvement est évaluée à 30 millions FCFA.
Sur le plan de la communication, l’ANCAR entend développer une stratégie cohérente mêlant médias traditionnels, radios communautaires, réseaux sociaux, et outils numériques. Les canaux utilisés dépendront des cibles : producteurs, partenaires publics, investisseurs privés, et bailleurs internationaux.
En dépit de cette structuration exemplaire, les sources consultées ne permettent pas de retracer une couverture médiatique spécifique en termes d’articles d’investigation sur les performances de l’ANCAR. L’organisation gagnerait à documenter de manière plus systématique ses résultats pour renforcer sa visibilité et la redevabilité publique.
Avec ce plan, le Sénégal mise sur une montée en gamme de son agriculture, alliant équité territoriale, durabilité environnementale et innovation technologique. Le défi est immense, mais les ambitions sont claires pour faire de l’agriculture un moteur d’inclusion économique et sociale à l’horizon 2035.
Par Zaynab SANGARÈ
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