Cayar, Sénégal — Lundi 28 avril 2025, sur les rives battues par l’Atlantique à quelque 60 kilomètres au nord de Dakar, le silence a été rompu par une découverte inhabituelle, le corps massif d’un jeune rorqual de Bryde, long de plus de dix mètres, échoué sur la plage. L’événement, rare sur ce segment du littoral sénégalais, a immédiatement mobilisé les équipes du Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT), déterminées à percer les mystères de cette mort inexpliquée.
Identifiée comme un spécimen de Balaenoptera brydei, l’animal présentait un corps intact, mais des signes inquiétants : du sang coagulé autour de la bouche, indiquant un possible traumatisme interne ou une détresse physiologique aiguë. Les scientifiques sur place ont prélevé des échantillons de chair afin de mener des analyses plus poussées dans leurs laboratoires. La position exacte du cadavre — 14°56,026’N, 17°54,685’O — a été enregistrée avec précision, tandis que les conditions climatiques observées au moment de l’échouage signalaient une marée montante et un vent modéré soufflant du nord vers le sud.
Cet échouage soulève des interrogations plus vastes sur l’état de la biodiversité marine dans la région. Le dernier rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), publié en mars 2025, alerte sur un déclin global inquiétant des populations marines. Selon ce document, plus d’un tiers des espèces de mammifères marins sont aujourd’hui menacées d’extinction, principalement en raison de la pollution plastique, de la surpêche, du réchauffement des eaux et du bruit sous-marin provoqué par les activités industrielles. L’Afrique de l’Ouest, bien qu’encore riche en biodiversité côtière, n’échappe pas à ces tendances mondiales, avec une réduction de 21 % des populations de cétacés enregistrée depuis 1990.
Mbacké Seck, environnementaliste sénégalais basé à Dakar, souligne que « l’échouage d’un jeune rorqual sur cette côte n’est pas seulement un incident isolé. Il s’inscrit dans un tableau plus large d’altérations écologiques invisibles à l’œil nu mais profondes ». Le CRODT, en collaboration avec des partenaires régionaux, poursuit ses investigations pour déterminer si l’animal a pu être victime de contaminants chimiques, de parasites, ou d’interférences acoustiques provoquées par la pêche industrielle.
Face à cette situation, les scientifiques appellent à renforcer les efforts de surveillance des écosystèmes marins dans le golfe de Guinée. Car derrière la carcasse d’un géant des mers échoué sur le sable de Cayar, c’est tout un système océanique qui semble appeler à l’aide.
Par Zaynab SANGARÈ
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