En Mésopotamie, l’empire assyrien a acquis une puissance sans précédent durant l’Antiquité. Son influence s’étendait jusqu’au Levant : les archéologues fouillaient récemment les vestiges d’un bâtiment ravagé lors d’un conflit opposant les forces impériales à la cité de Jérusalem.
Au cœur du Moyen-Orient, aux portes de l’Asie, l’empire assyrien a eu une importance capitale dans l’histoire de la région durant l’Antiquité. L’Assyrie s’étend de l’actuelle Irak jusqu’au sud de l’Anatolie et les rives de la Méditerranée à partir de 1500 avant J.-C., à une ère durant laquelle Jérusalem et plusieurs villes du Levant, telles qu’Ascalon, gagnent en puissance. Et la présence assyrienne dans la région semble avoir eu un impact prégnant sur ces cités anciennes. C’est le postulat défendu par l’archéologue Israel Finkelstein, dans un article publié dans le journal Revue Biblique. L’universitaire s’est penché sur la découverte de deux structures exhumées dans la banlieue sud de Jérusalem, illustrant le climat politique complexe et délicat dans la ville du Levant au cours du VIIIe siècle.
Le rouleau compresseur assyrien
À presque cent-cinquante kilomètres au sud-ouest de la ville irakienne d’Erbil, sur les rives du Tigre, s’étendent les ruines d’Aššur. De cette cité, l’empire assyrien commençait à prospérer et s’étendre à partir du XVIe siècle avant J.-C. Sous l’impulsion des rois d’Aššur, la situation géographique de l’empire va évoluer au fil des siècles. Dès le IXe siècle, cette zone d’influence s’approche des portes du Levant et s’ancre dans certaines provinces hittites. Mais c’est le règne de Salmanazar III, entre 858 et 824 avant J.-C., qui va permettre à l’empire de se projeter vers l’ouest. Après plusieurs batailles décisives remportées par les troupes de Salmanazar III, de nombreuses provinces bordant la Méditerranée commencent à payer le tribut à Aššur.
Des dizaines de sceaux administratifs ont été retrouvés dans la banlieue du sud de Jérusalem, témoignant des rapports de force durant l’Antiquité. © Yoli Schwartz, Antiquities Authority
Dans un ouvrage centré sur l’histoire de la Mésopotamie, Bertrand Lafont, Aline Tenu, Francis Joannès et Philippe Clancier expliquent que les royaumes conquis deviennent des vassaux de l’empire. Les forces armées de l’Assyrie assurent une protection relative, tandis que ces terres annexées versent un tribut annuel. En parallèle, les populations locales subissent aussi les bouleversements politiques et militaires. De nombreux villages sont rasés, les habitants régulièrement exécutés ou déportés. Aššur voit ainsi une opportunité de mobiliser de la main-d’œuvre, qui est redirigée vers d’autres cités à travers la Mésopotamie. Durant la période néo-assyrienne, entre 935 et 609 avant J.-C., les sources écrites attestent d’au moins un million et deux-cent mille déportés.
La campagne de Judée et le siège de Jérusalem
Le roi Sennachérib fit face à de nombreuses rebellions en Phénicie ou en Palestine dès le début de son règne en 704 avant J.-C. En 701, les troupes assyriennes lancent le siège de Jérusalem, lors d’une guerre opposant Sennachérib au roi de Judée Ézéchias. Ce violent événement est raconté dans La Bible de Jérusalem, dans 2 Rois 19, 35-36. Dans le quartier de Mordot Arnona, au sud de la ville, les récentes fouilles démontrent que les soldats assyriens ont détruit un bâtiment administratif, centralisant une partie de la trésorerie de la ville. Le site abritait la recette des taxes appliquées par le roi Ézéchias, les fragments de certains contenants affichant que les taxes étaient une propriété royale. Difficile, toutefois, de déterminer ce que pouvait contenir ces jarres. Les archéologues estiment qu’elles auraient pu abriter des produits tels que de l’huile, des épices ou des céréales, les productions agricoles étant comptabilisés dans les perceptions du royaume.
Sous les strates inférieures du quartier de Mordot Arnona, des bâtiments vieux de plus de 2 500 ans témoignent de la violence des conquêtes assyriennes. © Assaf Peretz, Antiquity Authorities
Ces structures ont littéralement été réduites à néant par les Assyriens. En assiégeant Jérusalem et en détruisant l’un de ses centres économiques, Sennachérib envoyait un signal : celui de la puissance militaire de son empire et de ses capacités de destruction élevée. Les assyriologues estiment par ailleurs que la cité ancienne a été sauvée et le siège levé grâce à un arrangement financier entre les deux belligérants. Vingt-quatre tonnes d’argent et neuf-cent kilos d’or auraient été retirés du trésor du Temple de Jérusalem, pour être « offerts » à Sennachérib.
Le bâtiment aurait été reconstruit, mais les taxes auraient désormais été payées non pas au roi de Judée, mais à l’empire assyrien. Cette enquête passionnante à travers l’histoire permet ainsi de mieux appréhender les intrications complexes du Proche et Moyen-Orient durant l’Antiquité.
Par FUTURA
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