Cette année, le Sénégal et ses voisins ouest-africains célèbrent la 31ème édition de la Journée mondiale de la liberté de la presse sous le thème ‘‘la Presse au service de la planète : le Journalisme face à la crise environnementale’’. Cette thématique met en avant le rôle crucial de l’information dans la réponse globale, transfrontalière, locale et sectorielle au dérèglement climatique.
Par Guy René EKANI, Sénégal
La convention-cadre des Nations-unies sur les changements climatiques définit le changement climatique comme des variations de température et des conditions météorologiques sur le long terme, principalement causées par l’activité humaine. L’utilisation des combustibles fossiles a un impact dévastateur sur notre planète, qui perturbe l’équilibre climatique et augmente la fréquence des événements climatiques extrêmes tels que les vagues de chaleur et les inondations.
Dans ce contexte, l’information joue un rôle clé dans l’adaptation et la résilience des communautés face aux chocs climatiques. Lorsque la population est informée des problèmes climatiques, elle est plus susceptible de s’engager individuellement et collectivement dans la recherche de solutions durables. C’est dans cet esprit que la Déclaration de Rio en 1992 et la Convention d’Aarhus en 1998 ont été adoptées, encourageant l’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement.
L’objectif de développement durable 13 souligne également l’importance d’informer, de sensibiliser et de mobiliser tous les citoyens, en particulier les communautés les plus vulnérables, qui souvent n’ont pas accès à l’information nécessaire pour agir de manière éclairée.
Consciente de cette nécessité, l’Unesco a récemment soutenu la première conférence des journalistes scientifiques francophones organisée au Sénégal par le Réseau des journalistes scientifiques d’Afrique francophone (RJSAF). Cette initiative avait pour objectif de lutter contre la désinformation liée aux changements climatiques et de produire une information de qualité destinée aux populations vulnérables.
En tant qu’acteurs à part entière, les médias ont également la responsabilité de diffuser des solutions endogènes et scientifiques pour faire face au dérèglement climatique et de promouvoir l’éducation au développement durable.
L’Afrique de l’ouest est confrontée à de nombreux défis climatiques. En tant que première sous-région minière d’Afrique, elle fournit une grande quantité de ressources naturelles, mais cette exploitation abusive a des conséquences écologiques dévastatrices. La déforestation, par exemple, a entraîné des bouleversements quasi-irréversibles dans les éco-zones de la région.
Le Sahel, quant à lui, fait face à des rendements agricoles en baisse en raison de la désertification et de la dégradation des sols. Les populations côtières doivent faire face à l’érosion côtière et à la montée des eaux, menaçant leur sécurité alimentaire et leur mode de vie.
Malheureusement, le manque d’informations précises et fiables aggrave la vulnérabilité des communautés face aux chocs climatiques. Les populations locales sont souvent les premières à ressentir les effets du dérèglement climatique, mais elles ont rarement accès aux informations nécessaires pour comprendre ces changements et prendre des mesures appropriées.
C’est là que le rôle des médias devient crucial. Les journalistes ont la capacité de rassembler et de diffuser des informations qui éclairent le public sur les enjeux climatiques et environnementaux. En fournissant des informations précises, basées sur des données scientifiques, ils peuvent aider à combler le fossé entre les connaissances spécialisées et le grand public.
Les médias ont également le pouvoir d’alerter les décideurs politiques et de les pousser à prendre des mesures concrètes pour lutter contre le dérèglement climatique. En mettant en lumière les initiatives locales, les solutions innovantes et les bonnes pratiques, les médias peuvent inspirer et encourager d’autres acteurs à agir.
Pour cela, il est essentiel que les médias disposent de ressources adéquates et de formations spécialisées pour traiter des questions complexes liées à l’environnement et au climat. Les journalistes doivent être en mesure de comprendre les enjeux scientifiques, de vérifier les faits et de communiquer de manière claire et accessible pour que le public puisse s’engager.
Dans cet esprit, les gouvernements, les organisations internationales et les acteurs de la société civile doivent soutenir activement les médias dans leur rôle de garants de l’information de qualité. Des initiatives de formation, des subventions et des partenariats entre médias et scientifiques peuvent renforcer la capacité des journalistes à couvrir efficacement les questions environnementales.
Les sujets environnementaux sont marginalisés dans les médias et la désinformation sur les questions climatiques est répandue. Pour remédier à cela, plusieurs organisations soutenant les médias ont lancé des initiatives visant à promouvoir un journalisme environnemental intégrant les outils numériques.
Ces initiatives comprennent la formation des journalistes ouest-africains sur les enjeux environnementaux, la production de contenus mettant en valeur la recherche de solutions et stimulant l’engagement politique et citoyen, la promotion du journalisme d’investigation axé sur les ressources naturelles et le développement de ressources pédagogiques sur l’environnement.
L’enquête, le journalisme axé sur la vulgarisation des solutions, le journalisme de données, le photojournalisme et le fact-checking sont identifiés comme des approches pertinentes pour informer le public et influencer les décisions politiques au niveau national et international.
Cependant, le journalisme environnemental en Afrique de l’ouest est confronté à plusieurs défis, tels que la diversification des contenus éditoriaux, la sécurité des journalistes, l’accès aux informations et données environnementales, les capacités techniques des journalistes, les ressources économiques et financières des médias, l’utilisation du numérique dans le processus éditorial, l’éthique et la désinformation climatique.
Afin de répondre à ces défis, plusieurs organisations vont organiser des panels de discussion réunissant les acteurs des médias et de l’environnement ce 03 Avril à la place du souvenir africain à Dakar, dans le cadre de la Journée mondiale de la liberté de la presse, sur des thèmes comme : Médias et environnement une complicité actée ou à construire ; Couvrir la COP quel intérêt pour le public sénégalais ? Quelles contraintes ? ; le journalisme d’investigation et de données : quelle valeur ajoutée au traitement de l’information environnementale ?
Les résultats attendus visent non seulement Sensibilisation des journalistes et les médias sur l’importance d’une information fiable et précise, en rapport avec la crise environnementale et ses effets. Il S’agira également de faire un état des lieux et évaluer la situation du droit à la liberté de la presse à l’échelle nationale et sous régionale, en identifiant les domaines où les journalistes font face à la répression, à la violence ou à la censure. – Sensibiliser les professionnels de l’information sur la nécessité de s’engager à promouvoir une éducation environnementale favorable au développement durable.
Guy René EKANI
(Afrik Management/ Mai 2024)
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