Dans un monde où la distraction est reine, il est essentiel de savoir se mettre en retrait pour préserver sa productivité.
« Ne l’oublie jamais : c’est ton attention qui détermine ta réalité. » Nous, qui vivons dans un monde hyperdistrait, serions bien inspirés d’entendre ce conseil que prodigue le maître Jedi Qui-Gon Jinn à Anakin Skywalker dans « Star Wars ».
S’il ne fait nul doute que la technologie a, de mille manières, apporté le progrès, elle a aussi profondément modifié les environnements de travail et ouvert les vannes à un torrent d’e-mails, de réunions et de distractions dans lequel tout le monde se noie. En 2010, Eric Schmidt, alors P-DG de Google, a ainsi partagé son inquiétude : « Tous les deux jours, nous produisons autant d’information qu’entre l’avènement de la civilisation et l’année 2003. Je passe le plus clair de mon temps à me dire que le monde n’est pas prêt à accueillir la révolution technologique en passe d’advenir. » Sommes-nous en mesure de traiter l’ensemble des informations, des stimuli et des diverses distractions qui nous tombent dessus chaque jour ?
Nombre d’études soulignent le problème de ce matraquage d’informations. L’une d’elles, réalisée par l’université de Londres, montre que le QI baisse de dix à quinze points lorsque nous menons plusieurs tâches de front. Dans son livre, « Votre cerveau au bureau » (InterEditions, 2018), David Rock explique que la performance peut décroître jusqu’à 50 % quand une personne se concentre sur deux tâches mentales à la fois. Enfin, une étude du légendaire professeur Clifford Nass de l’université de Stanford montre que les distractions réduisent la capacité du cerveau à filtrer le superflu de la mémoire de travail (La mémoire de travail sert à stocker et à manipuler des informations pendant de courtes périodes et lors de la réalisation d’une activité, NDLR).
Pratiquer la solitude, une discipline nécessaire
S’il n’existe pas de solution miracle pour résoudre les problèmes complexes liés à l’avènement de l’âge de l’information, certains points constituent néanmoins de bonnes bases pour s’y atteler. L’un d’entre eux, cependant, est contre-intuitif : la solitude. Avoir la discipline nécessaire pour pouvoir s’extraire du brouhaha ambiant est essentiel pour rester concentré (lire aussi la chronique : « Comment lutter contre la fatigue mentale au quotidien »).
C’est d’autant plus important que nous vivons dans une société politisée à l’extrême qui sollicite sans arrêt nos émotions, ce qui accentue les effets cognitifs des distractions. Dans « Lead Yourself First », l’ouvrage que nous avons coécrit, Ray Kethledge et moi-même, nous définissons la solitude comme un état d’esprit, un espace où se concentrer sans être distrait et où l’esprit peut s’employer seul à résoudre un problème qui se pose à lui.
Dans le monde actuel, la capacité de concentration est un avantage compétitif. Voici quelques conseils pour rester concentré au travail :
– Bloquez des moments dédiés à la solitude dans votre agenda. Considérez ces parenthèses comme n’importe quelle autre réunion ou rendez-vous. Si vous ne les prévoyez pas, autre chose viendra occuper ces plages horaires. On ne parle pas ici de jouer à Henry David Thoreau ; des poches de solitude d’un quart d’heure peuvent être très efficaces. Si nous passons toute notre journée assis dans des réunions ou à répondre à des emails, il ne reste plus assez de place dans nos têtes pour mener le travail de réflexion en profondeur nécessaire à toute prise de décision juste et au leadership.
– Déterminez quelles activités valent le plus la peine que vous y consacriez du temps. La plupart d’entre nous peuvent se permettre de ne pas assister à certaines réunions et sous-utilisent leur énergie parce qu’ils ne se donnent ni le temps de réfléchir ni de se fixer des priorités avec rigueur.
– Mettez vos distractions au pain sec. Médias sociaux, YouTube et les infinies possibilités qu’offre Internet sont sans arrêt là pour nous inciter à cliquer sur des liens qui mènent vers un article ou une vidéo de cinq minutes. Prenez conscience de la manière dont Internet vous tente puis passez à l’action en vous déconnectant de vos comptes de médias sociaux et en bloquant l’accès à certains sites durant vos heures de travail – en particulier ceux que vous consultez pour vous distraire brièvement, « quand vous avez dix minutes à tuer ».
– Ne soyez pas débordé au point de n’avoir plus le temps d’apprendre à être moins débordé (lire aussi l’ article : « ‘Crazy Busy’ : le nouveau symbole de statut social »). L’une des raisons principales qui expliquent notre difficulté à nous concentrer est que nous bourrons nos agendas d’obligations et que nous faisons constamment passer des tâches urgentes devant d’autres, importantes. Des formations au développement du leadership peuvent vous permettre de mieux vous comprendre, de réfléchir et de grandir. Ne laissez pas votre rythme de travail vous empêcher de saisir (de temps à autre) des occasions de développement intéressantes.
– Créez-vous une liste de « choses à ne plus faire ». Toute journée compte un nombre d’heures limité. Alors que votre liste de choses à faire ne cesse de s’allonger, il arrive un moment où vous ne pouvez plus ajouter de tâche supplémentaire. La solitude vous donne l’espace nécessaire pour réfléchir à la meilleure façon d’employer votre temps, ce qui vous permettra de décider clairement des réunions auxquelles vous ne devriez plus assister, des comités dont vous devriez vous retirer et des invitations que vous devriez poliment décliner. Une chose que Jim Collins, l’auteur de « De la performance à l’excellence : Devenir une entreprise leader » (Pearson, 2001) recommande de faire depuis des années.
Le volume de notre communication et notre accès illimité à l’information et à autrui ont sérieusement érodé notre capacité de concentration. Malgré tout, il existe une autre vérité : les occasions de rester concentré sont toujours là. Mais vous devez les identifier et croire que le bénéfice de la concentration, pour vous-même et les gens que vous dirigez, vaut la peine d’en faire une priorité dans votre vie. En d’autres termes, avant de diriger les autres, la première personne que vous devez apprendre à diriger, c’est vous-même.
Par Mike Erwin
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