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Des chercheurs ont découvert un lien inattendu entre les mathématiques et la génétique évolutive

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Une équipe, codirigée par Vaibhav Mohanty, physicien théoricien à la Harvard Medical School et au Massachusetts Institute of Technology, a mis en évidence le rôle des mathématiques – en particulier, la théorie des nombres – dans la prédiction de la fréquence des mutations génétiques. Ce lien explique non seulement la « robustesse » du phénotype face aux mutations, mais pourrait avoir des implications importantes pour la prévention des maladies infectieuses.

Les maths et la génétique évolutive… La théorie des nombres est une branche des mathématiques pures qui s’intéresse aux propriétés des nombres entiers (naturels ou relatifs). Les théoriciens étudient les nombres premiers, ainsi que les propriétés des objets mathématiques construits à partir d’entiers. Aujourd’hui, la théorie des nombres s’applique dans divers domaines. C’est notamment le cas en informatique, en physique ou en cryptographie. Il s’agit des techniques modernes de chiffrement qui se basent sur la factorisation des nombres premiers.

Elle apparaît également dans la nature, sous de nombreuses formes biologiques. La ramification des arbres, la disposition des feuilles sur une tige, le déroulement des feuilles de fougères, la coquille de l’escargot, par exemple, suivent la suite de Fibonacci. C’est une suite d’entiers dans laquelle chaque terme est la somme des deux termes qui le précèdent. Une équipe de chercheurs rapporte dans le Journal of the Royal Society Interface la découverte d’un nouveau lien surprenant entre la théorie des nombres et la génétique évolutive.

La robustesse du phénotype face aux mutations génétiques

Plus précisément, les chercheurs ont mis en évidence un lien entre la fonction « somme de chiffres » de la théorie des nombres et une valeur clé en génétique qu’on appelle « la robustesse phénotypique ». Cette dernière se définit comme la robustesse mutationnelle moyenne de tous les génotypes qui correspondent à un phénotype donné. Il peut s’agir d’un résultat, d’un trait ou même d’un comportement observé biologiquement. En d’autres termes, elle correspond à la probabilité moyenne qu’une mutation ponctuelle ne modifie pas un phénotype.

Pour rappel, le génotype est l’information portée par le génome d’un organisme. Elle est contenue dans chacune de ses cellules sous forme d’ADN. Un gène code pour une protéine ou un ARN, qui a une certaine fonction dans l’organisme. La séquence de ce gène n’est pas contrainte pour toutes les bases nucléiques qui la composent. Ainsi, de nombreuses mutations dites « silencieuses » ou « neutres » s’accumulent lentement au fil du temps. Elles ne provoquent pas d’altérations du fonctionnement du produit de ce gène et donc, n’affectent pas la viabilité du phénotype.

Les mutations, une voie majeure de la génétique évolutive

« De nombreuses mutations sont effectivement neutres. Il y aura donc généralement beaucoup plus de génotypes que de phénotypes », soulignent les chercheurs dans leur étude. L’accumulation de ces mutations neutres entraînent une modification des séquences génomiques à un rythme régulier. Ceci constitue donc une voie majeure de l’évolution. Ce rythme étant connu, les scientifiques peuvent comparer le pourcentage de différences dans la séquence entre deux organismes et en déduire l’époque à laquelle vivait leur dernier ancêtre commun, par exemple.

La « robustesse mutationnelle du phénotype » désigne ainsi la quantité moyenne de mutations qui peuvent se produire dans toutes les séquences sans affecter le phénotype. Restait à déterminer à quel point un phénotype peut résister à ces mutations.

Une robustesse maximale définie par une fonction mathématique

« Nous savons depuis un certain temps que de nombreux systèmes biologiques présentent une robustesse phénotypique remarquablement élevée. Sans elle, l’évolution ne serait pas possible. Mais nous ne savions pas quelle était la robustesse maximale absolue possible, ni même s’il existait un maximum », explique le professeur Ard Louis, de l’Université d’Oxford, qui a codirigé l’étude.

Cette robustesse se manifeste non seulement dans le domaine de la génétique évolutive, mais aussi en physique et en informatique. L’équipe a donc rapidement soupçonné qu’elle tirait sans doute son origine des mathématiques fondamentales. Ils ont donc visualisé l’ensemble des génotypes possibles comme des points sur un cube multidimensionnel – ce que l’on nomme un hypercube – des groupes se formant pour les génotypes partageant le même phénotype.

(En haut) En considérant les sommets du graphe de Hamming comme des séquences binaires, les séquences qui diffèrent d’exactement un caractère sont reliées par une arête. La robustesse est proportionnelle au rapport arête/sommet. (En bas) Tableau montrant le nombre maximal d’arêtes pour différents nombres de sommets. Crédits : Mohanty et al., J. R. Soc. Interface. (2023)

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Les chercheurs ont additionné les chiffres représentant chaque génotype sur le cube. Ils ont ainsi pu déterminer le nombre moyen de mutations qu’un génotype peut supporter avant qu’un changement de phénotype ne se produise. Considérons qu’il y ait cinq génotypes correspondant à un phénotype particulier. Il s’agit par exemple, des séquences d’ADN de cinq lettres. Chacune a une mutation différente, mais elles codent toutes pour la même protéine. L’addition des chiffres utilisés pour représenter ces cinq séquences donne le nombre moyen de mutations que ces génotypes peuvent subir avant que leurs phénotypes ne changent.

L’équipe a prouvé, plus précisément, que la robustesse maximale est proportionnelle au logarithme de la fraction de toutes les séquences possibles correspondant à un même phénotype, avec une correction donnée par la fonction de somme de chiffres Sk(n), définie comme la somme des chiffres d’un nombre naturel n en base k. Par exemple, pour n = 123 en base 10, la somme des chiffres serait S10(123) = 1 + 2 + 3 = 6.

Une découverte qui pourrait aider à prévenir les maladies et comprendre la génétique évolutive

Autre découverte surprenante : représentées graphiquement, ces sommes de chiffres forment la célèbre courbe fractale de Tagaki. On la nomme aussi « courbe du blanc-manger » – de par sa ressemblance avec l’entremets du même nom. « Si vous zoomez sur la courbe, elle apparaît exactement de la même manière que si vous dézoomiez. Vous pouvez continuer à zoomer à l’infini et à l’infini et ce sera la même chose », a déclaré à Live Science le Dr Vaibhav Mohanty, premier auteur de l’étude.

Représentation graphique de la robustesse maximale d’un système en fonction du logarithme de la fréquence des phénotypes. Chaque point bleu représente une taille possible de l’ensemble neutre. La ligne verte représente la courbe de « blanc-manger ». Les bornes supérieure et inférieure sont également représentées. Crédits : Mohanty et al., J. R. Soc. Interface. (2023)

Ces résultats mettent en évidence la manière dont les systèmes biologiques gèrent les erreurs. Ils ont tendance à protéger certaines séquences génétiques plutôt que d’autres. « Le plus surprenant, c’est que nous avons trouvé des preuves évidentes, dans la correspondance entre les séquences et les structures secondaires de l’ARN, que la nature atteint dans certains cas l’exacte limite de robustesse maximale. C’est comme si la biologie connaissait la fonction fractale des sommes de chiffres », ajoute-t-il dans le communiqué de l’Université d’Oxford.

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Une meilleure compréhension de la dynamique des mutations neutres pourrait avoir des implications en termes de prévention des maladies. En effet, les virus et bactéries accumulent eux aussi de nombreuses mutations neutres au cours de leur évolution. Les chercheurs ont ciblé la mutation bénéfique spécifique parmi le grand nombre de mutations neutres. Ils pourraient potentiellement empêcher ces agents pathogènes de devenir plus infectieux ou résistants aux antibiotiques.

« La beauté de la théorie des nombres ne réside pas seulement dans les relations abstraites qu’elle met en évidence entre les nombres entiers. Elle réside aussi dans les structures mathématiques profondes qu’elle éclaire dans notre monde naturel. Nous pensons que de nombreux nouveaux liens intrigants entre la théorie des nombres et la génétique seront découverts à l’avenir », conclut le professeur Louis.

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