Jean-Pierre Veyrat est expert en négociation. Il a œuvré de longues années aux côtés du GIGN et conseille de grandes sociétés françaises et européennes. Les méthodes du fondateur de Negorisk peuvent forcément s’adapter à votre quotidien.
À vos marques, prêts… Négociez ! Obtenir par le compromis est la voie la plus certaine pour réussir. Savoir négocier est fondamental, surtout en milieu conflictuel. Cela demande de nombreuses qualités : patience, confiance, solidité, gestion des conflits… Jean-Pierre Veyrat fait le point.
Vous connaissez TINA ? Rien à voir avec l’icône de la soul music récemment disparue. Mais plutôt avec Margaret Thatcher – redoutable négociatrice – qui fit de cet acronyme son mantra. TINA pour « There is no alternative ». En bref, sa politique, elle seule, était capable de relever le Royaume-Uni.
Inflexible face aux crise monumentales, Thatcher triompha de la junte argentine désireuse d’accaparer les Malouines ou encore des terroristes de l’IRA. Sur un autre plan, elle parvint à l’emporter sur les grévistes du Nord de l’Angleterre ou les technocrates de Bruxelles. Savoir ce que l’on veut, se montrer inflexible, tenir coûte que coûte. Négocier à la dure.
Un credo rattrapé au vol par Jean-Pierre Veyrat. La Dame de Fer contre l’homme de faire ! Dès 1990, Veyrat adapte le concept : Tension, Identification, Neutralisation, Accord.
TINA est une méthode globale, universelle, gagnante pour négocier en situation conflictuelle. Elle fonctionne aussi bien dans le cadre d’une prise d’otage encadrée par le GIGN que dans un divorce compliqué ou une négociation serrée avec un client. C’est une question d’échelle et non d’essence. Jean-Pierre Veyrat aime à le rappeler : « la négociation comporte une dimension créative très importante. Il faut savoir constamment se créer des marges de manœuvre nouvelles ».
Le tournant TINA
Tension. La tension s’instaure… Avant de mener la négociation, il faut convaincre la partie adverse de s’assoir à la table. Lui prouver qu’elle a davantage à gagner en négociant qu’en ignorant. C’est finalement l’étape la plus difficile. Faire en sorte que l’autre accepte de vous affronter sur le terrain. En bonne intelligence, selon des règles claires, qui ne peuvent in fine qu’aboutir à un compromis où chaque partie consentira à faire un pas vers l’autre. Attention, ce n’est pas le « gagnant-gagnant » que Jean-Pierre Veyrat tient pour nul et non avenu en milieu conflictuel. Pas de « gagnant-gagnant » en « négociation captive », c’est-à-dire lorsqu’au moins une des deux parties est contrainte à négocier. L’objectif de TINA ? Passer d’une négociation bloquée à un renversement positif du rapport de force.
Identification. Il s’agit de s’accorder, avec l’autre, sur la nature du problème. De fixer les bornes de la négociation. Le drame d’aujourd’hui reste trop souvent l’incapacité des parties à prendre le temps de s’accorder sur les bases. On voudrait filer à la solution sans prendre le temps de considérer les racines du problème. Cette approche radicale de la négociation est essentielle au bon déroulement.
Neutralisation. Tactique fondamentale pour venir à bout d’un adversaire buté. Il s’agit d’évaluer les atouts de son adversaire, ses scénarios de réponse possible. En bref, se mettre dans sa tête et voir ce qu’il peut vous donner. Jouer avec le temps, l’humeur, l’espace, est fondamental dans ce moment clef de la négociation. On sépare le bon grain de l’ivraie, le négociable du non-négociable. Et surtout : on avance ! Selon les situations, on choisit parmi les méthodes avancées par Veyrat. Le point par point, le donnant-donnant, l’élargissement, la globalisation, le faux pivot, les quatre marches… Autant de savantes techniques qu’on retrouve dans Tina, un outil de négociation en situation conflictuelle.
Accord. Enfin ! Après trois points où l’on aura traité le problème avec minutie, dans l’esprit des démineurs, on se concentre enfin sur la solution. Ici, on veille bien à différencier concession et contrepartie. Il faut mesurer le « pour » et le « contre ». Ce que je peux donner contre ce que je veux recevoir. Il s’agit d’établir une tactique concessionnelle pour sortir du conflit.
TINA est à dégainer dans les contextes dégradés, tant elle a l’avantage d’allier le rationnel et l’émotionnel.
Analyser le comportement de l’adversaire
Rencontrer Jean-Pierre Veyrat, dans son bureau du XIVe arrondissement, c’est faire aussi la rencontre de nombreuses tortues. Elles s’affichent partout, en porcelaine ou en pierre rare. Cet animal érigé en totem symbolise à lui seul les qualités du bon négociateur. Intelligence, capacité de défense, patience.
Dans la bibliothèque de Veyrat, on découvre les sources de sa méthode. Les parcours des grands hommes : de Gaulle, Churchill, Napoléon… Mais aussi les indispensables sagesses asiatiques, les préceptes freudiens.
En parallèle à sa carrière de négociateur de haut-vol, Jean-Pierre Veyrat mène œuvre utile en analysant le langage corporel. Toujours le même objectif : comprendre l’interlocuteur, deviner ce qu’il a en tête, pour emporter plus facilement la négociation. Il a mis au jour une méthode révolutionnaire, reprise dans des ouvrages comme Aperçus du langage corporel ou Le Body-Speaking décrypté.
Exemple à l’appui, il y décortique divers sociotypes pour donner les clefs. Mon interlocuteur est-il un lymphatique, un cyclothyme, un nerveux, un bilieux, un schizothyme ? Grâce à une analyse du corps, de la posture, des mimiques et des attitudes, Veyrat délivre beaucoup des mystères de la communication corporelle.
Pour qui sait déceler ces signes, il y a l’assurance d’avoir toujours un coup d’avance. Le stratège de Gaulle – cité par Veyrat – ne l’ignorait point. « Une pareille réserve de l’âme ne va point, d’ordinaire, sans celle des gestes et des mots. Apparences, peut-être, mais d’après quoi la multitude établit son opinion. Est-ce à tort, d’ailleurs, et n’y a-t-il pas un rapport entre la force intérieure et l’aspect des individus ? Aussi, l’expérience des guerriers n’a jamais méconnu l’importance de l’attitude ».
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