La réussite à portée de réseau ?
Si l’importance du réseau n’est plus à démontrer lorsque l’on se lance dans la création d’entreprise, les porteurs de projet peuvent se retrouver démunis sur la façon de procéder. Décryptage d’entrepreneurs sur les façons d’accroître son réseau et son business.
Tous les entrepreneurs le constatent, l’entrepreneuriat ne va pas sans une certaine solitude, du moins au départ. « L’entrepreneuriat est une vraie posture solitaire, constate Lionel Chouraqui, co-fondateur de Pitchy, une solution SaaS permettant d’internaliser la création vidéo. Même lorsque plusieurs co-fondateurs s’associent, chacun est seul à sa place ». Une solitude qui rend le réseau essentiel pour tous les porteurs de projets. « Plus la structure est de petite taille, plus le réseau est primordial », analyse Alain Bosetti, président du salon SME pour les entrepreneurs et auteur du livre Je réussis grâce à mon réseau (Dunod). Un constat qui s’appuie sur le fait que plus le chiffre d’affaires de l’entreprise est petit, plus il repose sur le fondateur lui-même. Pour autant, la notion de réseau recoupe des réalités différentes selon les situations et il est primordial de savoir ce que l’on recherche avant de lancer des sollicitations tous azimuts. « Le réseau n’est pas une fin en soi, détaille Alain Bosetti, ce qui est important ce sont les objectifs associés au réseau. Il faut d’abord être clair sur ses enjeux principaux et ensuite se demander qui dans son réseau peut apporter une aide pour atteindre ces objectifs ». Pour Isabelle Saladin, Présidente et fondatrice d’I&S Adviser qui propose d’accompagner les entreprises dans leur recherche de croissance, l’objectif premier d’un réseau est clair : « La seule chose qui importe c’est de se créer un réseau business, et ce réseau doit se créer au moment même de la création d’entreprise ». Un réseau business qui s’apparente à un écosystème propre à l’entreprise où l’on pourra retrouver tous les facilitateurs de son activité : « vont s’y retrouver le client final, mais aussi des partenaires commerciaux éventuels, des influenceurs, voire même du capital humain potentiel », détaille Isabelle Saladin. De manière générale, le réseau agit comme un propulseur lorsque tout va bien et à l’inverse comme un amortisseur lorsque l’activité de l’entreprise ralentit selon Alain Bosetti : « Lorsque l’activité rencontre des freins, le réseau peut permettre d’accélérer le processus de décision, à l’inverse, lorsqu’elle fonctionne, cela peut permettre d’accéder plus facilement à des ressources par exemple ».
Un réseau actif de 500 personnes chacun
Dès lors comment le construire ? « Tout simplement dans votre cercle de connaissance, répond Alain Bosetti. Le réseau actif de chacun est généralement composé de 400 voire 500 personnes ! » Des profils que l’on connait directement ou du moins que l’on peut contacter. Une pratique qui permet à la start-up Oohee, plateforme qui connecte les entreprises françaises avec des expatriés partout dans le monde pour des missions ponctuelles, de se faire rapidement connaître. « Une de nos forces, c’est que nous sommes quatre associés avec des réseaux professionnels derrière nous, explique Hélène Antier, co-fondatrice de Oohee. Cela nous a permis d’avoir très vite un réseau dans la presse, en ingénierie commerciale, en informatique mais aussi de dirigeants d’entreprise ». Pour ceux qui ont moins d’années d’expérience et donc moins de liens professionnels, se retourner vers son école de commerce ou d’ingénieur est un bon début. « L’école est un excellent réseau car ce sont des gens qui nous ressemblent. Si le meilleur réseau d’école sont les gens que l’on connait, il ne faut pas hésiter non plus à faire des sollicitations le plus haut possible » précise Lionel Chouraqui. Quitte à ce qu’il n’y ait pas de lien direct lors d’une sollicitation, autant ne pas se priver de tenter d’entrer en contact avec des personnes qui auront la capacité d’apporter leur aide.
Seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin
Les réseaux personnels et professionnels accumulés constituent donc une première étape, mais peuvent rapidement montrer leurs limites. Les structures d’accompagnement peuvent à ce moment venir prendre le relais. « Nous assistons aujourd’hui à une démultiplication des structures d’accompagnement, comme les accélérateurs, qui viennent répondre de manière efficace à ce besoin », explique Lionel Chouraqui. Un constat partagé par Alain Bosetti : « Un entrepreneur accompagné passe en règle générale d’un taux de pérennité de 55% à un taux proche des 70% », commente-t-il. Des réseaux d’accompagnement que le Président du salon SME conseille de privilégier dans les premières années de l’entreprise. En plus de ces structures, les jeunes pousses peuvent se faire accompagner par des personnes qui ont une expérience et une expertise à mettre à disposition des projets plus jeunes. Le fondateur de l’entreprise Synthesio, Loïc Moisand a par exemple rejoint le board de Pitchy afin d’apporter son expertise dans la gestion d’une entreprise SaaS. Dans une démarche différente mais complémentaire, les fondateurs de Pitchy ont également fait le choix de faire mentorer leur start-up par Valérie Papaud, entrepreneure et ancienne directrice générale de Mappy, via l’Institut du Mentorat Entrepreneurial.
Au-delà des réseaux d’accompagnement, nombreux sont les réseaux organisés où porteurs de projets et entrepreneurs aguerris peuvent se retrouver et échanger. Des associations qui favorisent les échanges de bonnes pratiques. Attention cependant à savoir à quoi s’attendre, « la majorité de ces réseaux proposent des rencontres entre pairs afin de faire du relationnel. Il existe peu de réseaux en France aujourd’hui axés directement sur le business , avertit Isabelle Saladin. En revanche, ces échanges peuvent permettre d’obtenir des feedbacks ou des conseils d’autres entrepreneurs ayant connu des situations similaires. Cela peut être l’occasion d’aborder certaines des nombreuses questions qui rythment les journées de l’entrepreneur comme des sujets liés à une couverture santé, un recrutement, ou la mise en place d’un outil, explique Alain Bosetti. Il ne faut pas oublier que même lorsque l’on a une expertise, on ne connait pas forcément le métier de chef d’entreprise », rappelle-t-il.
Penser son réseau 2.0 comme une stratégie marketing
Si les structures physiques sont indispensables, peut-on penser réseau en 2018 sans s’intéresser aux réseaux sociaux ? Selon Isabelle Saladin, les intégrer dans sa stratégie est une nécessité. « Si l’activité est BtoB, alors il faudra être sur LinkedIn, si au contraire elle est BtoC Facebook et Instagram seront les réseaux sociaux à privilégier ». Nouveau venu à mi-chemin entre un réseau social et un site de rencontre, l’application Shapr permet, elle-aussi, de se connecter rapidement avec les personnes que l’on souhaite. Fonctionnant sur la base du swaping inspiré de l’application Tinder, Shapr propose chaque jour un nombre limité de profils à l’utilisateur en lien avec ses attentes et son écosystème. En dehors de cette approche très directe de réseautage, construire un écosystème via les réseaux sociaux passe par une stratégie digne d’une stratégie marketing : cibler les bonnes personnes, et leur proposer du contenu en lien avec sa proposition de valeur. A ce sujet, Isabelle saladin déconseille de pousser du contenu publicitaire. « Il faut proposer à son réseau des informations qui l’intéresse. Le but du contenu est de donner envie aux personnes identifiées d’entrer dans son propre écosystème », détaille-t-elle. Une stratégie qui permet de trouver de nouveaux clients ou de se créer un réseau de partenaires comme l’illustre Hélène Antier : « Dans le cadre de Oohee, nous avions besoin de recruter des expatriés à travers le monde. Nous avons fait un pré-lancement en septembre 2017, et avons axé toute notre stratégie de recrutement sur les réseaux sociaux. En quelques mois nous comptabilisions 1000 inscrits, et ils sont aujourd’hui 200 à inscrire chaque semaine depuis le lancement officiel ».
Le réseau, maillon d’une chaine d’entraide
Travailler son réseau ne peut cependant pas se résumer à simplement aller solliciter les bonnes personnes. Tous les entrepreneurs interrogés s’accordent à dire qu’il s’agit d’un état d’esprit. « Il faut être un hub, explique Lionel Chouraqui. Pour être connecté aux gens il faut d’abord les connecter entre eux ». Selon l’entrepreneur, également professeur d’entrepreneuriat à l’ESSEC, ouvrir son réseau va de pair avec les sollicitations que l’on peut soi-même effectuer. « C’est un peu comme une chaine géante d’entraide, il ne faut pas garder son réseau pour soi mais en faire bénéficier ceux qui en ont besoin. A force d’être un pont entre différentes personnes, on finit par être identifié comme quelqu’un de réseau et l’entraide se fait plus facilement ». Hélène Antier se prête, de son côté, volontiers à l’exercice que ce soit lorsque des journalistes recherchent des intervenants, des étudiants un stage ou des entrepreneurs une solution. Un état d’esprit qui peut parfois demander un investissement en temps : « cela demande d’être organisé, je reçois beaucoup de notifications en peu de temps, mais cela porte ses fruits et c’est plein de belles rencontres ». Une démarche qui permet au fil du temps de s’entourer des bonnes personnes selon Alain Bosetti : « Un cercle vertueux se forme ensuite naturellement autour de l’entrepreneur, qui est identifié comme mettant les gens en relation. Plus l’entrepreneur va partager, plus il aura de la valeur ajoutée en retour ». Retour qu’Hélène Antier constate de manière concrète : « Lorsque Oohee communique, beaucoup de gens partagent nos communications et nous encouragent. Cela créé un écosystème bienveillant autour du projet ». Et l’entrepreneure de conclure : « Le but c’est avant tout de créer du lien, faire en sorte qu’il se passe des choses entre les gens même si cela ne nous concerne pas directement. Une sorte de booster pour l’ensemble des entrepreneurs qui profite à tous ».
Réseaux & influence
Quelques réseaux organisés qui sortent du lot
Nombreux sont les réseaux qui promettent aux entrepreneurs de se retrouver, d’échanger et pourquoi pas de déboucher sur des opportunités. Si les affaires sont souvent reléguées au second plan au profit du réseautage pur, quelques réseaux tirent leur épingle du jeu.
L’Association progrès du management (APM)
L’association est convaincue que le progrès de l’entreprise passe par le progrès de son ou ses dirigeants(s). Elle propose des clubs de réflexion et des ateliers de formation afin de permettre aux entrepreneurs d’échanger sur leurs expériences. A ce jour, 7200 dirigeants composent les 360 clubs dans 26 pays.
Professional Women Network (PWN)
Premier réseau professionnel international de femmes, le réseau PWN est présent dans 25 villes à travers le monde et est composé de 3500 membres. Le réseau met en avant la solidarité comme levier de progression pour ses membres. Il propose également un programme de mentoring pour que les femmes d’expériences puissent encadrer les plus jeunes entrepreneures.
Les Business Network International (BNI)
Importé des États-Unis, c’est le seul réseau ouvertement business en France. Il est déployé par petites zones de chalandise sur l’ensemble du territoire (un BNI par arrondissement à Paris par exemple). Basé sur le principe de la recommandation mutuelle, il comptabilise plus de 200 000 membres dans 64 pays, dont 17 000 pour la France. Les profils sont étudiés pour que chacun puisse y faire du business sans se phagocyter, et une réunion matinale hebdomadaire y est obligatoire.
Le Centre des jeunes dirigeants (CJD)
Ce réseau est à la limite entre le réseau professionnel et le thinktank. Il se pense comme un lieu de travail où les entrepreneurs réfléchissent pour penser l’entreprise de demain. Formations, conférences et moments d’échanges au programme, autant sur le développement de l’entreprise que du dirigeant. Un réseau qui met également en avant le retour d’expérience de chacun sur des outils ou des démarches testés.
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