Organisation

Femmes dirigeantes : ce que cachent les statistiques

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Au delà des chiffres, parvenir à une réelle mixité quel que soit le métier est un défi difficile à relever.

On le sait, on peut faire tout dire aux chiffres. Tout et son contraire. Y compris lorsqu’on parle de mixité au sein de l’économie. Les statistiques citées, tant en matière de création d’entreprises (plus de 30% d’entre elles sont créées par des femmes) que de féminisation des conseils d’administration (il y aurait 31 % de femmes dans les sociétés cotées) laissent penser que la France avance. Tant mieux. Le Gender Gap Report de 2014 classe d’ailleurs la France en 16ème position sur 142 pays, avec un indice d’égalité hommes-femmes de 0,759 (sur 1), ce qui représente un bond considérable, puisqu’elle était 45ème en 2013 et 70ème en 2006.

Mais lorsque l’on parle de la place des femmes dans l’économie, l’hexagone recule nettement et ne se place plus qu’à la 57ème place. Parallèlement, et cela n’est sans doute pas une coïncidence, l’utilisation de certains vocables très approximatifs – « futures dirigeantes », « femmes de pouvoir », etc. – ne mettent guère en lumière certains aspects, moins enthousiasmants. Cet article vise justement à mettre en évidence certaines réalités, en allant au-delà des statistiques affichées.

Femmes dirigeantes, oui, mais dans quels types de structure et surtout, avec quels salaires ?

Attardons-nous tout d’abord sur le concept de « dirigeante » : être dirigeante de l’ENA ou future dirigeante d’ENGIE n’est pas tout à fait la même chose que de diriger une PME familiale de 50 personnes, voire d’être à la tête de sa start-up ou de son cabinet de conseil, en étant sa propre et seule employée.

Globalement, l’augmentation du nombre de femmes dirigeantes reste faible sur dix ans : on est passé de 12,8% en 2003 à 14% en 2014. Et ce taux pour les entreprises de plus de 500 personnes ne dépasse pas les 7,4 % (« Portrait(s) de femmes dirigeantes en France », KPMG, 2015). Par ailleurs, selon les derniers chiffres de l’Insee (Insee première, N°1563, juillet 2015), sur 770 000 dirigeants (ou co-dirigeants) d’une entreprise comprenant au moins une autre personne, seuls 190 000 sont des femmes. Et si 40% ont le statut d’auto-entrepreneur et 37% celui d’individuel, on descend à 25 % pour le statut de gérant de SARL et à 17 % pour les dirigeantes de sociétés de capitaux (SA, SAS, Coop, SNC, etc), et à 14 % pour les entreprises de 50 personnes et plus.

Autre chiffre à prendre en compte: les dirigeantes salariées d’entreprise gagnent 31 % de moins que leurs homologues masculins ; 20 % de moins chez les auto-entrepreneurs, 25% de moins chez les entrepreneurs individuels, 29% de moins chez les gérants de SARL et enfin, 36 % de moins parmi les dirigeants salariés de sociétés hors SARL (source : Insee).

Mixité au plus haut niveau : il ne faut pas confondre conseil d’administration et comité exécutif

Les confusions sont encore trop nombreuses entre la part des femmes issues de l’extérieur, qui occupent des mandats d’administratrices indépendantes au sein des conseils d’administration et/ou de surveillance, et la part des « executive », qui ont intégré ces conseils après un long cheminement et une nomination au sein des comités de direction et des comités exécutifs.

La proportion des premières évolue à marche forcée, sous l’effet levier de la loi Copé-Zimmermann (loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle), complétée par la loi du 4 août 2014, avec quelques chiffres record dans certaines entreprises : un taux de parité de 50 % chez Société Générale, de 46 % chez L’Oréal… Mais, il va falloir enquêter au-delà des sociétés cotées (pour mémoire, la loi du 4 août 2014 étend le périmètre aux sociétés SA de plus de 250 salariés et ayant un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros – en 2020, celles-ci devront elles aussi avoir appliqué le quota de 40 %), et puis être précis : les administratrices indépendantes sont à distinguer des administratrices salariées et des administratrices représentant les salariés actionnaires. Il convient de ne pas faire d’amalgame entre ces différentes catégories si l’on veut obtenir des statistiques réalistes. Ainsi, le haut comité du gouvernement d’entreprise signalait, dans son rapport d’octobre 2014, qu’à l’issue des assemblées générales ordinaires, cinq sociétés de l’indice SBF120 n’avaient pas atteint les 20 % de femmes aux conseils, seuil légal requis au 1er janvier 2014. C’est peu direz-vous? C’est trop, puisqu’il s’agit de l’application d’une loi.

Certaines fonctions encore très peu mixtes

L’Observatoire de la féminisation des entreprises, qui classe depuis deux ans les entreprises du SBF120 selon 3 critères (1- la mixité au sein des conseils d’administration, 2- au sein des comités exécutifs et comités de direction, 3- la politique globale de féminisation) met en évidence des chiffres assez édifiants : si Sodexo, championne toutes catégories, affiche un taux de 42,9 % de femmes, la 3ème entreprise du palmarès, Mercialis (société foncière spécialisée dans la valorisation, la transformation et l’animation des centres commerciaux) n’en compte déjà plus que 25 % et celles considérées comme bonnes élèves à peine 18 % (selon le 8ème baromètre annuel Capitalcom sur la mixité, de juin 2013). De toute évidence, le plafond de verre reste dur à briser.

Au-delà des chiffres, il est un autre obstacle qui semble difficile à franchir : parvenir à une réelle mixité quel que soit le métier. Les femmes se retrouvent surtout dans certaines fonctions support : communication (44%), relations investisseurs (35 %) ou ressources humaines (33 %) (Grant Thornton, « Women in senior management: setting the stage for growth », International Report Business, septembre 2013). Des signaux faibles apparaissent toutefois dans certains départements : les directions financières, les fonctions RSE ou développement durable… Mais là encore, il y a du chemin à parcourir.

Par Viviane de Beaufort

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