Mbacké Seck, Président de l’Organisation dénommée « Code écologique », dans l’entretien est largement revenu sur les conséquences de l’exploitation du pétrole sur les activités de pêche. Il a soulevé des craintes liées aux problèmes écologiques de la pêche et des activités connexes. Selon lui l’exploitation constitue une grande menace sur l’environnement et les activités de pêche. Selon M. Seck, l’exploration et l’exploitation du pétrole sont sources de pollution sonore, de pollution physique. Il estime qu’on devait faire une large concertation surtout avec les pêcheurs pour leur expliquer les risques encourus. Entretien !
Réalisé par Massaër DIA, Sénégal
Quelles sont les conséquences que l’exploitation du pétrole peuvent avoir sur les activités de pêche ?
Au Sénégal, ces trois dernières années, nous sommes réjouis de la découverte du pétrole et du gaz qui en termes d’espoir, a fait même la promotion de la loi constitutionnelle pour dire que toutes les ressources naturelles appartiennent au peuple. Cela voudrait dire qu’il y a un réel espoir d’enrichissement pour améliorer le bien-être des populations. Mais, il faut que tout ceci se passe dans la transparence. Mais au même moment, nous avons des craintes liées aux problèmes écologiques de la pêche et des activités connexes. Ce que nous déplorons aussi bien à Saint-Louis que sur le puits Yakar Teranga au large de Cayar et à Sangomar ainsi que le puits Offshore profond. Donc, c’est une grande menace pour l’environnement et pour les activités de la pêche. Nous avons 700 km de côtes. Nous n’avons pas une différence de 100 km entre les zones de recherches et les plateformes proprement dites. Pour Saint-Louis, l’usine de liquéfaction du gaz naturel est installée à Diattara, c’est la zone de pêche des saint-louisiens. Donc, on ne peut pas nous dire qu’il n’y a pas d’impact sur la pêche. La fosse de Cayar est une des zones de reproduction, par moment de l’année. C’est la zone la plus poissonneuse du Sénégal. Lorsque vous avez Yakar Téranga dans cette zone, à coup sûr, vous avez des conséquences sur la pêche.
Peut-on redouter des menaces sur les ressources halieutiques ?
Depuis deux ans maintenant, nous avons les grands cétacés, les dauphins, les baleines qui échouent sur la plage et sur les côtes. En début de juin 2023, nous avions une bande de dauphins qui avait échoué du nord de Malika, nous avons eu les baleines de Yoff, nous avons une baleine sur la baie de Hann, nous avons une baleine à Rufisque. Donc tous les trois mois, nous avons les grands cétacés qui sont désorientés par tous ces bruits qui sont une nouveauté dans les mers du Sénégal. Donc l’exploration et l’exploitation sont sources de pollution sonore, de pollution physique, parce qu’on va sortir des éléments échoués. Et le Sénégal va passer sur le plan environnemental de pays à très faible production de gaz à effet de serre, à grand producteur de gaz à effet de serre. Donc, tous nos engagements sur la contribution nationale déterminée (CDN) sont aujourd’hui remis en question par l’exploitation du gaz et du pétrole.
‘‘Ce que nous préconisons, c’est de maintenir la concertation entre les différents acteurs, selon la loi au Sénégal’’
Sur la pêche, nous avons plusieurs Aires marines protégées (AMP). Le gouvernement a créé plusieurs AMP en 2020 : Nous avons l’AMP de Saint-Louis, nous avons l’AMP de Kayar, nous avons l’AMP de Gorée, nous avons l’AMP de Joal et nous avons l’AMP de Gandoul dans les îles du Saloum. Et nous avons plusieurs parcs, les réserves de biosphère dans les zones qui font l’objet de recherche aux exploitations du pétrole et de gaz. Or, l’objectif des AMP au niveau de la pêche, c’est d’avoir plus de poissons plus gros, des poissons plus diversifiés, plus d’espèces, et par conséquent plus de ressources pour les pécheurs et plus de protéines pour notre sécurité alimentaire. Donc aujourd’hui, est-ce que les recherches que nous avons tirées de l’exploitation du pétrole et du gaz à savoir un peu plus de 800 milliards de francs CFA, valent la peine de remettre en question notre pêche qui est déjà très vulnérable au changement climatique, très vulnérable à la surpêche ?
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Quelles sont les précautions à prendre pour éviter les catastrophes écologiques en mer ?
Ce que nous préconisons, c’est ce que dit la loi au Sénégal. D’abord, maintenir la concertation entre les différents acteurs. Parce que la Constitution au point 25. 1 dit clairement que « les ressources naturelles appartiennent au peuple. Mais, elles doivent être gérées dans la transparence pour le bien-être des populations ». Est-ce que tous les risques en termes de pollution, de perturbation de nos côtes sont tenus en compte ? Est-ce que tous les acteurs sont informés correctement ? Parce que pour GTA, les consultations des populations ne sont pas à la hauteur des risques encourus. Ils ont consulté très peu de populations cibles. Or, ce qui était normal, c’est de faire une grosse consultation pour que l’ensemble des personnes qui sont intéressées sur ça, puissent donner leur point de vue, que les pêcheurs soient carrément impliqués, que les acteurs écologiques soient consultés, que les acteurs des différentes aires marines concernées soient réellement consultés. Et surtout que les dispositions du code de l’environnement soient respectées. Nous avons tellement de manquement par rapport au pétrole et au gaz que le nouveau code de l’environnement en chantier est obligé de tenir compte de cette réalité.
Quels sont les avantages et les inconvénients de l’exploitation du pétrole ne mer ?
L’exploitation du pétrole et du gaz va donner davantage d’opportunités au Sénégal en termes d’accroissement de la production en électricité. On a une population et une industrie qui ont une demande croissante. On va remplacer des énergies très polluantes du gaz. On ne va plus importer du charbon. Les centrales électriques vont de plus en plus utiliser le gaz sénégalais. Et nous aurons davantage les transports qui vont utiliser de l’énergie électrique. Ça, c’est extrêmement important. Et nous aurons des ressources qui nous permettront d’investir en matière de formation, en matière de santé. Mais nous allons accroître l’empreinte carbone de notre pays ; nous allons produire davantage de gaz à effet de serre. Or, le gaz à effet de serre produit le changement climatique. Et nous allons rendre plus vulnérables nos côtes ; favoriserons l’avancée de la mer, et les inondations. Nous favoriserons également la sécheresse. Mieux, nous serons davantage vulnérables dans notre alimentation avec une mer sans ressources halieutiques, une agriculture victime de changement climatique.
Massaër DIA
(Afrik Management/ Mars 2024)
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