Accélérer la croissance par l’innovation tout en limitant les risques liés à la cybermenace. Tel est le grand défi auquel font face aujourd’hui les entreprises africaines pour améliorer leur compétitivité sur les marchés mondiaux… Tribune de Didier Kla, directeur Orange Business et Broadband, en charge des activités B2B et du développement des offres broadband d’Orange Côte d’Ivoire, et Franck Kié, associé-gérant au sein du cabinet de conseil Ciberobs Consulting et commissaire général du Cyber Africa Forum (CAF).
L’avènement de l’intelligence artificielle (IA) et les enjeux croissants de la cybersécurité ont profondément modifié le paysage des entreprises modernes. En effet, dans un monde de plus en plus connecté et en constante évolution, alors que les organisations sont confrontées à des défis complexes, l’IA et la cybersécurité semblent progressivement s’imposer comme des moteurs incontournables pour l’obtention de gains de productivité dans le cadre de la transformation numérique.
L’IA offre des opportunités sans précédent en matière d’automatisation, de prise de décision et d’optimisation des processus, tandis que la cybersécurité est devenue une priorité absolue pour protéger les données sensibles et les actifs numériques des entreprises. Ces deux piliers sont aujourd’hui considérés comme des axes cruciaux pour façonner l’avenir des entreprises.
L’intelligence artificielle, levier de l’innovation et de la croissance en Afrique.
Selon le rapport « Sizing the prize : What’s the real value of AI for your business and how can you capitalise? », produit par PwC, d’ici 2030, l’IA pourrait contribuer à hauteur de 15,7 % du PIB africain, soit une valeur ajoutée de 1,2 milliard de dollars et créer jusqu’à 20 millions d’emplois en Afrique. Ces chiffres illustrent le potentiel de l’IA en tant que levier d’innovation et de croissance en Afrique, à travers son impact sur l’automatisation des processus, la réalisation d’analyses prédictives et l’optimisation des opérations commerciales dans des domaines tels que la santé, l’agriculture, l’éducation et les services financiers. Ils soulignent également l’importance de promouvoir l’adoption de l’IA et de développer les compétences nécessaires pour tirer pleinement parti de ses opportunités.
À titre d’exemple, la Banque Mondiale estime que la mise en œuvre d’une politique agricole globale basée sur ce modèle permettrait d’améliorer les rendements agricoles jusqu’à 20 % et réduire les pertes post-récolte de 30 % contribuant ainsi à renforcer la productivité agricole et garantir la sécurité alimentaire en Afrique.
L’IA offre également des avantages significatifs dans le secteur financier en Afrique : une étude de la Société financière internationale (SFI) a révélé que l’utilisation de l’IA dans la lutte contre la fraude financière permettrait de réduire les pertes annuelles de l’ordre de 4,5 milliards de dollars en Afrique subsaharienne. Une étude réalisée par la GSMA, l’association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile, a également révélé que l’utilisation de l’IA dans les systèmes de paiement mobile en Afrique a permis de réduire les fraudes financières de près de 80 %. Cet outil possède donc un potentiel considérable pour l’innovation et la croissance des économies africaines, en améliorant l’efficacité, en facilitant la prise de décision, en favorisant l’innovation dans divers secteurs et en renforçant la compétitivité des entreprises africaines sur les marchés mondiaux.
Cybersécurité, un enjeu crucial pour les entreprises africaines
La transformation numérique en Afrique s’accompagne de défis liés à la sécurité des données et des infrastructures. Selon un rapport de Serianu, les pertes économiques liées à la cybersécurité en Afrique ont atteint 4,2 milliards de dollars en 2021. Ces chiffres démontrent l’ampleur des risques auxquels les entreprises africaines sont confrontées et soulignent la nécessité de renforcer leurs capacités pour protéger leurs actifs numériques et assurer la continuité de leurs activités.
Néanmoins, malgré l’augmentation des cyberattaques, seulement 4 % des entreprises africaines disposent d’un budget dédié à la cybersécurité, selon une étude de Deloitte.
En Côte d’Ivoire, une étude de Kaspersky révèle d’ailleurs que 81 % des PME n’ont jamais donné ou reçu de formation en cybersécurité. Ce faible niveau de préparation expose les acteurs à des risques considérables, notamment en termes de pertes financières, de vol de données sensibles et d’impact sur leur image. On estime qu’en 2020, la cybersécurité représentait un coût d’environ 4 milliards de dollars pour les entreprises en Afrique. Ces pertes financières peuvent compromettre la viabilité des entreprises et ralentir leur croissance.
Il est donc crucial pour les entreprises d’investir dans des mesures de protection adéquates. Cela comprend la sensibilisation des employés, la mise en place de politiques de sécurité solides, l’utilisation d’outils adaptés et la formation continue pour faire face aux menaces en constante évolution. En prenant des mesures proactives, les entreprises africaines peuvent réduire les risques liés aux cyberattaques et protéger leurs activités et leurs données sensibles.
Les gouvernements africains ne sont pas en reste de cette prise de conscience. Les réglementations liées à la protection des données et à la cybersécurité évoluent rapidement en Afrique. Dans des pays comme le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud, des lois sur la protection des données ont été adoptées et imposent des process stricts aux entreprises, qui doivent s’y conformer pour éviter des sanctions légales et financières. Des initiatives régionales, telles que la Convention de Malabo sur la Cybersécurité et la Protection des données à caractère personnel de l’Union africaine, visent à renforcer la Cybersécurité en Afrique et à créer un environnement numérique sûr pour les entreprises.
La Côte d’Ivoire, centre de l’éveil technologique en Afrique francophone
Bien qu’elle ne soit pas encore considérée comme leader sur les questions technologiques, la Côte d’Ivoire a enregistré des avancées intéressantes sur ces sujets au cours des dernières années. Sur le point de la cybersécurité, le pays, longtemps considéré comme le nid de la cybercriminalité en Afrique de l’Ouest abrite aujourd’hui un solide écosystème dévolu à la cybersécurité.
Dix ans après la mise en œuvre des premières mesures répressives et la création d’une direction de la police scientifique spécialisée dans les cybercrimes, la volonté gouvernementale a conduit à l’émergence de nombreux acteurs privés spécialistes des questions de cybersécurité. Parmi eux, il y a Ciberobs Consulting, cabinet de conseil panafricain spécialisé en Cybersécurité et en Intelligence économique, qui organise annuellement le Cyber Africa Forum Forum (CAF), Forum internationale de référence sur les enjeux de sécurité et de confiance numérique en Afrique et Orange Cyberdefense, filiale du Groupe Orange et spécialiste des prestations de services en cybersécurité en Afrique et dans le monde.
La Côte d’Ivoire voit également se créer des initiatives intéressantes en termes de développement de l’intelligence artificielle. Dans le domaine de la recherche, des universités et des centres de recherche en Côte d’Ivoire se sont intéressés à l’IA. Par exemple, l’Université Félix Houphouët-Boigny à Abidjan, qui a mis en place des programmes de recherche dans le domaine de l’IA, en collaboration avec des partenaires internationaux. Le gouvernement ivoirien reconnaît également l’importance de l’IA et a pris des mesures pour favoriser son développement.
En 2019, le gouvernement a lancé le projet « Côte d’Ivoire 3.0 » qui vise à promouvoir les technologies de l’information et de la communication, y compris l’IA, pour accélérer la transformation numérique du pays. Dans le secteur privé, certaines entreprises ivoiriennes ont commencé à explorer l’utilisation de l’IA pour améliorer leurs produits et services. De nombreuses startups technologiques se sont lancées dans des domaines tels que la santé, l’agriculture et les services financiers en utilisant des technologies d’IA pour résoudre des problèmes spécifiques.
Cependant, il est important de noter que l’adoption de l’IA en Côte d’Ivoire tout comme le développement de la cybersécurité sont encore relativement limités par rapport à d’autres pays plus avancés dans ce domaine. Des défis subsistent, tels que le manque de ressources financières et techniques, le besoin de compétences spécialisées et l’accès à des données qualitatives pour entraîner les modèles d’IA. Des efforts restent également à déployer sur le secteur de la cybersécurité. En février dernier, l’ex-ministre du Numérique, Roger Adom, estimait en effet à 25 milliards de francs CFA (environ 38 millions d’euros) le coût de la cybercriminalité en Côte d’Ivoire. Ces chiffres amènent à se questionner sur la nécessité de renforcer les politiques de sensibilisation et de répression sur le territoire national.
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