Pour ceux qui se demanderaient ce qu’il advient du plus grand collisionneur de particules construit à ce jour, équipé de détecteurs géants qui en font la machine la plus complexe créée par la noosphère, le Cern vient d’annoncer qu’il continuait à explorer avec lui les arcanes de la physique des hautes énergies. Le LHC est bien vivant et il est toujours question de l’upgrader d’ici 2030 en LHC à haute luminosité (HL-LHC). En attendant, la chasse à une nouvelle physique, notamment des élusives particules de matière noire, reprendra quelques semaines après une remise sous tension imminente de cet héritier des accélérateurs de particules développés depuis presque un siècle !
Au sommaire
- Les pionniers parfois méconnus des accélérateurs de particules
- Le Cern, des accélérateurs pour la paix, la science et la société
- Des ions oxygène pour reproduire le quagma du Big Bang
On a fêté en 2024 les 70 ans du Cern et les 60 ans des fameux travaux de John Bell sur l’intrication quantique et l’effet EPR, alors qu’il était au Cern justement. Le 7 juin 2024, les Nations unies avaient également proclamé 2025 « Année internationale de la science et de la technologie quantiques » (AIQ), année qui s’est ouverte à l’Unesco avec la présence de pas moins de quatre prix Nobel de physique, dont Alain Aspect qui venait juste de publier chez Odile Jacob un livre exposant en quelque sorte la biographie de l’expérience qu’il avait menée avec des collègues pour mettre en pratique les idées de Bell sur l’effet EPR.
Qu’est-ce que le Cern ? Quelles sont ses activités ? Quels sont les outils et instruments du Cern ? Pourquoi faut-il des instruments gigantesques pour étudier l’infiniment petit ? Réponses en vidéo avec Nathalie Besson, physicienne des particules au CEA. Cette vidéo est extraite du jeu vidéo Le Prisonnier quantique. © CEA
Les pionniers parfois méconnus des accélérateurs de particules
Les années 1920 voient aussi l’essor de la technologie des accélérateurs de particules qui permettra justement d’explorer plus en profondeur le monde quantique, des noyaux jusqu’aux particules élémentaires. Parmi les pionniers qui poseront les bases qui ont finalement conduit aux accélérateurs de particules du Cern, comme le PS et le LHC, mais aussi ceux qui permettent de traiter certains cancers, il y a eu Gustaf Adolf Ising, un métrologue, géophysicien et physicien des accélérateurs suédois, surtout connu pour l’invention du concept d’accélérateur linéaire en 1924, concept repris et mis en pratique quelques années plus tard par Rolf Widerøe, un physicien norvégien. Juste après eux, les grands créateurs des accélérateurs seront les physiciens et prix Nobel de physique John Cockcroft et Ernest Walton d’une part, et Ernest Lawrence d’autre part.
Un autre nom, légendaire, peut être associé à la physique des accélérateurs qui a permis la découverte des quarks et des bosons W, Z et de Brout-Englert-Higgs au Cern, celui du physicien, biologiste et inventeur hongrois Leo Szilard. Comme son compatriote John von Neumann, il faisait partie des scientifiques hongrois connus sous le nom de « Martiens » tant leur brillance faisait douter de leur appartenance à l’espèce humaine.
Cette vidéo produite pour l’événement public « CERN70, Le Cercle vertueux de la connaissance et de l’innovation », se concentre sur la recherche motivée par la curiosité, le lien fondamental entre la connaissance et l’innovation et les technologies révolutionnaires stimulées par la physique pour faire un parallèle avec le développement et l’histoire du Cern. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Cern
Le Cern, des accélérateurs pour la paix, la science et la société
Szilard fut non seulement le premier à reconnaître le lien entre la thermodynamique et la théorie de l’information, mais il déposa aussi les premières demandes de brevet connues et les premières publications pour le concept du microscope électronique et du cyclotron. Il collabora avec Einstein pour le développement d’un nouveau concept de réfrigérateur et fut le premier à prendre conscience de la possible existence d’armes basées sur des réactions nucléaires en chaîne. L’histoire sur ce dernier point est bien connue : alarmé, il en fit part à Einstein qui enverra une lettre au président des États-Unis, Franklin Delano Roosevelt, pour l’avertir du danger du développement par l’Allemagne nazie d’une bombe atomique.
Le projet Manhattan, dirigé par Oppenheimer, était destiné à la guerre ; le Cern, lui, est dédié à la paix. L’un de ses derniers communiqués vient de faire savoir que son grand collisionneur de protons – le LHC – allait bientôt s’éveiller de son sommeil hivernal pour repartir à la chasse de nouvelles particules – on espère toujours découvrir des particules de matière noire – après les quelques mois consacrés à des vérifications, voire des upgrades, des machines et des détecteurs géants, permettant d’analyser les produits des paquets de protons en collision circulant dans le LHC.
Les origines du Cern remontent à la fin des années 1940. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un petit groupe de scientifiques et d’administrateurs publics visionnaires, des deux côtés de l’Atlantique, ont vu en la recherche fondamentale une voie possible pour reconstruire le continent et favoriser la paix dans une région troublée. C’est ainsi que, le 29 septembre 1954, le Cern a vu le jour, investi d’une double mission : produire une science d’excellence et rassembler les nations. Ce modèle de collaboration a fonctionné remarquablement bien au fil des années, et il s’est étendu à tous les continents. © Cern
Il est question de machines, car en fait il en existe plusieurs qui sont montées en cascade, comme l’explique la vidéo tout au début de cet article. Des protons ont déjà été accélérés dans ces machines, à savoir le 19 février 2025 dans le Linac 4, le 26 février pour le Booster du PS, le 4 mars pour le PS lui-même et le 14 mars pour le SPS.
Début avril, le LHC sera mis sous tension pendant quelques jours pour voir son comportement, mais sans accélération de particules. Selon le calendrier prévu, il y aura ensuite une période de six semaines qui sera consacrée à la remise en service avec des faisceaux parcourant le LHC avec la montée en intensité et énergie nécessaires pour recommencer à faire de la physique.
Le LHC est aussi conçu pour faire des collisions d’ions lourds, ce qui permet de sonder certains des mystères du quagma du Big Bang et de l’intérieur supposé des étoiles à neutrons. Mais, en juillet 2025, ce ne seront pas des collisions d’ions plomb, mais pour la première fois d’ions oxygène que le détecteur Alice scrutera !
Par FUTURA
Commentaires