Si la vie terrestre est, dans les grandes lignes, représentative des formes de vie que l’on peut trouver dans l’Univers observable, alors elle doit fortement dépendre de l’existence de l’eau liquide pour son apparition et son développement. Nous savons que les noyaux d’oxygène de H2O sont le produit de la nucléosynthèse stellaire et des explosions de supernovae, qui injectent ces noyaux dans le milieu interstellaire où les molécules d’eau qui peuvent s’y former vont ensuite se retrouver dans des exoplanètes. Mais depuis quand le cosmos contient-il assez d’eau pour la vie ? Peut-être très vite après le Big Bang, selon des astrophysiciens.
Au sommaire
- Des étoiles de population III dans les premières galaxies
- Beaucoup d’eau moins de 200 millions d’années après le Big Bang ?
Tout le monde ne sait peut-être pas qu’Arthur Clarke était un passionné de plongée sous-marine au point d’avoir écrit, dès 1956, des livres sur le sujet, dont le premier sur La Grande Barrière de corail, au large de la côte du Queensland, au nord-est de l’Australie. Les images issues de la conquête spatiale, dont il fut l’un des inspirateurs grâce à ses autres ouvrages et son rôle dans 2001 : L’Odyssée de l’Espace, lui ont peut-être alors inspiré, en relation avec son expérience marine, la fameuse phrase : « How inappropriate to call this planet Earth when it is quite clearly Ocean » (combien il est inapproprié d’appeler cette planète Terre alors qu’il s’agit clairement d’océan).
L’explosion des étoiles très massives en supernovae gravitationnelles enrichit le milieu interstellaire avec les éléments chimiques synthétisés par fusion nucléaire, tout en donnant naissance à une étoile à neutrons ou à un trou noir par effondrement du cœur de l’étoile. La transition entre l’effondrement du cœur et l’expulsion de l’enveloppe stellaire est un défi pour la compréhension théorique des supernovae. Une expérience hydraulique, conçue et réalisée au CEA, a permis de reproduire par analogie un des phénomènes d’instabilité hydrodynamique qui facilite l’explosion. Cette approche expérimentale est complémentaire des simulations numériques. Découvrez cette expérience en animation. © Ce film d’animation a été produit et co-financé par le CEA et l’ERC, et réalisé par le Studio Animéa. Conception scientifique et technique : T. Foglizzo, J. Guilet, G. Durand (CEA)
Des étoiles de population III dans les premières galaxies
Mais à quel point s’agissait-il de science-fiction ? Ou plus précisément, la vie telle que nous la connaissons sur Terre, née dans un environnement abondant en H2O liquide, est-elle vraiment ancienne dans le cosmos observable ? Un élément de réponse possible implique de savoir quand et à quel point les étoiles ont commencé à produire des noyaux d’oxygène par nucléosynthèse stellaire éjectés ensuite dans le milieu interstellaire par des explosions de supernovae, pour finir par former des molécules d’eau incorporées dans des exoplanètes rocheuses en orbite, dans la mythique mais problématique zone d’habitabilité autour des étoiles.
Une équipe de chercheurs a récemment déposé sur arXiv un article qui apporte une contribution sur cette question en se basant sur des simulations numériques savantes des premières étoiles à peine quelques centaines de millions d’années après le Big Bang. On en parle souvent en termes d’étoiles de population III et elles étaient sans doute très massives – de l’ordre de 200 fois la masse du Soleil -, ce qui devait les conduire à exploser rapidement en donnant des supernovae à instabilité de paires, productrices d’antimatière.
On peut se demander ce qu’aurait pu nous dire de cet article le regretté Hubert Reeves, lui dont les travaux sur la nucléosynthèse stellaire lui permettaient aussi de s’interroger sur la croissance de la complexité dans notre mystérieux Univers depuis le Big Bang.
Nicolas Prantzos (né en 1956) est un astrophysicien, écrivain et éditeur scientifique qui a passé notamment un Doctorat d’État en sciences sous la direction d’Hubert Reeves. C’est un spécialiste de la théorie de la nucléosynthèse. © Société Française d’Exobiologie
Beaucoup d’eau moins de 200 millions d’années après le Big Bang ?
Les résultats des simulations ont été surprenants, car ils suggèrent que la mort explosive des premières étoiles a créé des quantités surprenantes d’eau entre 100 et 200 millions d’années après le Big Bang. Des quantités qui auraient pu permettre l’apparition de la vie extraterrestre dans les toutes premières galaxies.
Ils doivent encore être confirmés par d’autres études et surtout il faudrait des observations en ce sens, ce qui n’est pas encore le cas. L’eau n’est pas produite directement par les supernovae, mais les concentrations des molécules d’oxygène O2, produites dans des nuages interstellaires formés de molécules d’hydrogène H2 et notamment dans les résidus de supernovae, semblent avoir permis des concentrations d’eau par réaction entre ces molécules abondantes qui sont à peine inférieures à celles que l’on trouve dans la composition chimique du Système solaire aujourd’hui. Des concentrations qui pourraient être jusqu’à 30 fois supérieures à celles de l’eau observée dans l’espace interstellaire de la Voie lactée !
L’origine des éléments chimiques. Partie 2. © Société Française d’Exobiologie
Toutefois, cela suggère également que l’on devrait observer des concentrations d’eau plus importantes dans le cosmos. Soit la théorie avancée est fausse, soit des processus de destruction des molécules d’eau ont pris ensuite le relais au début de son histoire, entrant en concurrence avec d’autres processus de synthèse avec les étoiles, que l’on connaît aujourd’hui encore.
Par FUTURA
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