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Surveillance spatiale : les défis de la sécurité en orbite, un enjeu stratégique majeur

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Dans un contexte où l’espace se transforme en un terrain de rivalité géostratégique croissante, la sécurité et la durabilité des activités orbitales deviennent cruciales. L’explosion du nombre de satellites et l’émergence d’acteurs privés rendent la gestion des débris spatiaux et la prévention des collisions plus urgentes que jamais. Des entreprises novatrices, comme Aldoria, se positionnent pour surveiller cet environnement complexe, mais il est essentiel d’établir des réglementations rigoureuses et de renforcer la coopération internationale. Romain Lucken, CEO d’Aldoria, nous fait part de son expertise sur les défis de la surveillance du ciel et plaide pour une législation contraignante en Europe pour encadrer ces activités spatiales en plein essor.

Aujourd’hui, l’espace est devenu un territoire géostratégique crucial et un domaine de confrontation mondiale potentielle, où les puissances cherchent à établir une véritable  stratégique. Cette autonomie est fondamentale non seulement pour des raisons de statut, mais aussi et surtout parce que l’espace joue un rôle essentiel dans les relations stratégiques contemporaines et que son utilisation dans nos sociétés est massive et permanente dans tous les domaines de la vie quotidienne (positionnement géographique, communications, , science et finances).

D’où l’importance pour chaque État de protéger et surveiller son infrastructure spatiale en raison du trafic spatial et qui s’intensifie chaque jour un peu plus où se mélangent lancements, , satellites en activité et d’autres éteints, objets abandonnés, pollution spatiale et désorbitation de satellite. En conséquence, la croissance des missions spatiales qui se déroulent en orbite rend la gestion des collisions et des débris essentielle pour assurer la durabilité des activités spatiales.

Station de surveillance du ciel d'Aldoria située dans le parc naturel des Baronnies provençales. © Aldoria

Station de surveillance du ciel d’Aldoria située dans le parc naturel des Baronnies provençales. © Aldoria

Des milliers de nouveaux satellites attendus ces prochaines années

Concrètement, aux États-Unis, par exemple, la constellation Starlink de SpaceX, lancée en 2019, comptait plus de 6 300 satellites en service début septembre, avec un objectif finalement prévu entre 12 000 et 40 000. De son côté,  projette de lancer plus de 3 200 satellites dans le cadre de son projet Kuiper, avec des premiers déploiements commerciaux attendus pour 2025. La Chine n’est pas en reste et développe également des projets ambitieux. En août 2024, Shanghai Spacecom Satellite Technology a lancé les 18 premiers satellites de sa constellation Qianfan, qui pourrait atteindre plus de 15 000 satellites d’ici 2030. Parallèlement, Geespace, une filiale de Geely, a déjà mis en orbite 30 satellites, sur un total prévu de près de 6 000. En Europe, Eutelsat, ayant acquis la constellation OneWeb comprenant plus de 600 satellites, est désormais le deuxième opérateur mondial après . L’Union européenne, quant à elle, travaille sur Iris2, un projet de constellation souveraine de 300 satellites destinés à fournir un accès haut .

“L’occupation massive de l’orbite terrestre soulève de nombreuses questions, rendant urgente la nécessité d’établir des standards et des bonnes pratiques pour éviter un Far West spatial”

Dans ces conditions, l’occupation massive de l’orbite terrestre soulève de nombreuses questions, rendant urgente la nécessité d’établir des standards et des bonnes pratiques pour éviter un Far West spatial. Sans cela, la multiplication des acteurs spatiaux pourrait accroître les risques de collisions et la pollution spatiale, et rendre des orbites inutilisables. À certaines altitudes, la situation s’approcherait, ou l’aurait déjà atteinte, d’une exponentielle connue sous le nom de syndrome de Kessler. Concrètement, la collision des débris entre eux contribue à maintenir leur population. En clair, le nombre de débris qui retombent naturellement dans l’ est inférieur au nombre de ceux générés par la collision des débris existants.

Cette image, acquise par le réseau de surveillance d'Aldoria, montre le rapprochement du satellite russe Luch-Olymp 2 avec l'un des satellites Intelsat le 13 octobre dernier. © Aldoria

Cette image, acquise par le réseau de surveillance d’Aldoria, montre le rapprochement du satellite russe Luch-Olymp 2 avec l’un des satellites Intelsat le 13 octobre dernier. © Aldoria

Des objets en orbite recensés avec une multitude de caractéristiques

Dans ce contexte, certaines entreprises mettent en avant leurs services de surveillance sophistiqués. C’est le cas d’Aldoria, la première entreprise française et européenne privée, engagée dans la surveillance et la sécurité de l’orbite terrestre. Selon son CEO, Romain Lucken, Aldoria « ambitionne de compléter les services des agences gouvernementales, comme le Cnes, qui utilisent le radar Graves pour surveiller les orbites basses et moyennes, ou encore le réseau de surveillance spatiale américain ».

Créée en 2017, Aldoria s’appuie sur un « réseau de stations terrestres opérant dans le domaine visible, capable de couvrir les orbites basses et moyennes, détectant 70 % des objets en orbite avec l’objectif ambitieux d’atteindre 100 % ». Contrairement aux réseaux radar utilisés par les agences gouvernementales pour une détection rapide, Aldoria privilégie l’observation optique, une méthode qu’elle estime plus « rentable pour la caractérisation des objets en orbite, permettant de recueillir des informations précieuses sur leur forme, leur taux de rotation et d’autres caractéristiques essentielles », souligne Romain Lucken.

Cette approche permet à Aldoria de fournir « des données détaillées sur la position, la vitesse, l’origine et l’état des objets incluant leur forme, leurs dimensions, leur masse ou leur  de vie ». Ces données incluent également des informations sur des objets « répertoriés par les États-Unis, mais non accessibles publiquement ». Si la détection radar offre une détection rapide, l’optique, elle, apporte des « avantages significatifs pour la caractérisation des objets, en fournissant bien plus qu’une simple mesure de distance ».

Les stations terrestres d’Aldoria – déployées sur quatre continents – permettent de détecter des satellites aussi petits que des  d’une unité en orbite basse et moyenne, et jusqu’à des CubeSats de 12 unités en , à près de 36 000 kilomètres de la Terre. Elles peuvent également repérer des débris de cinq à six centimètres, et parfois encore plus petits dans des conditions idéales.

Sur cette image, La cible de l’observation est le satellite Cosmos 2522 (Norad 42939). Il s’est avéré que, lors de l’observation, le satellite est passé devant l’amas ouvert des Pléiades (M45). Les 10 secondes de l’observation ont permis de faire ressortir les premiers détails de la nébuleuse formée par les nuages de gaz entourant les étoiles de l’amas. © Aldoria

Sur cette image, La cible de l’observation est le satellite Cosmos 2522 (Norad 42939). Il s’est avéré que, lors de l’observation, le satellite est passé devant l’amas ouvert des Pléiades (M45). Les 10 secondes de l’observation ont permis de faire ressortir les premiers détails de la nébuleuse formée par les nuages de gaz entourant les étoiles de l’amas. © Aldoria

Assurer la durabilité de l’espace

Bien que les États-Unis disposent du réseau de surveillance du ciel le plus avancé au monde, « les données qu’ils partagent avec leurs partenaires se limitent souvent à des alertes de collision basées sur des informations dont la  reste insuffisante, rendant leur fiabilité incertaine sur le long terme », affirme Romain Lucken. Or, anticiper les  des objets plusieurs jours à l’avance et élaborer des scénarios d’évitement « nécessite des données beaucoup plus précises et complètes ». Cette précision est indispensable pour garantir « la sécurité des opérations spatiales et la préservation de l’environnement  ».

Aldoria ne se limite pas à offrir des services de surveillance et de protection des infrastructures spatiales pour des clients privés, institutionnels et gouvernementaux. La multiplication des flottes de satellites en orbite soulève des enjeux majeurs liés à la sécurité, aux débris spatiaux et à la pollution lumineuse. Contrairement aux terres, mers et , où des réglementations existent pour encadrer les activités humaines, l’espace reste dépourvu de système de gestion du trafic spatial, exposant ainsi les activités à des risques croissants. Romain Lucken plaide pour « l’instauration en Europe d’une législation contraignante sur les activités spatiales, incluant la gestion des flottes, le désorbitation des satellites en fin de vie, ainsi que la réduction des débris et de la  ». Une telle réglementation serait « bien plus efficace que les mesures actuellement en place ».

S’appuyer sur l’expertise du Cnes

Face à l’absence d’une autorité mondiale et de lois véritablement contraignantes pour garantir la durabilité des activités spatiales, l’Union européenne « doit envisager une législation capable d’imposer des sanctions ou des pénalités aux États et entreprises qui ne respecteraient pas les normes établies ». Romain Lucken suggère de « s’appuyer sur la réglementation technique du Cnes, bien qu’elle présente encore certaines lacunes ». Parmi les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des activités en orbite, il propose plusieurs recommandations :

  • des systèmes anti-collision : il serait impératif d’exiger que tous les satellites soient équipés de systèmes anti-collision ;
  • une restriction daccès aux orbites : limiter l’accès à certaines orbites pour les objets non manœuvrant, afin de réduire les risques de collisions ;
  • un retrait de service : les satellites doivent être dotés de capacités permettant leur retrait de service ou d’autres opérations visant à préserver leur  ;
  • une identification des objets spatiaux : les systèmes spatiaux devraient être conçus, produits et déployés de manière à garantir qu’ils soient clairement identifiables aux systèmes de surveillance, dans un délai maximal de trois jours après leur injection dans l’espace ;
  • un service en orbite : chaque objet spatial doit être construit pour faciliter une éventuelle capture par un véhicule de service, tel qu’un système de retrait actif de débris ;
  • des manœuvres d’évitement : les satellites doivent être capables d’effectuer des manœuvres d’évitement, soit de manière télécommandée, soit de façon autonome. Ces manœuvres doivent être coordonnées avec le centre de contrôle de l’objet secondaire pour déterminer quel satellite effectuera la manœuvre. La trajectoire post-manœuvre doit réduire de manière significative le risque de collision initial ;
  • une disponibilité pour manœuvre anti-collision : les systèmes d’objets manœuvrants doivent être conçus pour garantir qu’ils soient disponibles pour mettre en œuvre une manœuvre anti-collision dans un délai de cinq jours maximum après l’injection, ou le plus rapidement possible après un lancement multiple, en adoptant une stratégie visant à minimiser la période d’indisponibilité des capacités anti-collision.

En cas de non-respect de ces règles, un opérateur de satellites, qu’il soit d’État ou commercial, pourrait se voir imposer des sanctions ou des pénalités. Celles-ci pourraient aller de l’interdiction de lancer depuis des ports spatiaux des États membres de l’Union européenne à des restrictions d’accès, voire une interdiction totale sur les marchés européens, empêchant ainsi l’exploitation ou la commercialisation des données satellitaires produites par le ou les satellites fautifs en Europe.

Par FUTURA

admin
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