Le Professeur Germain Alfred Karou a rempilé le 15 octobre dernier à la faveur de l’assemblée générale élective à la Confédération africaine de tennis de table, pour une deuxième mandature en qualité de Vice-président chargé des compétitions. De retour à Abidjan au soir de sa brillante élection à Addis-Abeba (Éthiopie), l’ancien Président de la fédération ivoirienne de tennis de table, par ailleurs, membre de la Commission de nomination de la fédération internationale de tennis de table (ITTF) nous a accordé une interview exclusive. Il y évoque son élection, ses missions, les grands challenges du tennis de table africain et son regard sur cette discipline en Côte d’Ivoire.
Quels sentiments vous animent après votre réélection au poste de vice-président chargé des compétitions de la Confédération africaine de tennis de table ?
Ce sont tout d’abord des sentiments de reconnaissance à Dieu. Parce que nous estimons que c’est le Seigneur qui a permis que cette élection ait lieu. Il faut dire qu’il y a le président de la Confédération puis celui que les anglo-saxons appellent le Deputy Président. Il est celui-là qui assure l’intérim quand le Président est absent. Et il y a six vice-présidents. J’ai été donc élu vice-président en charge des compétitions.
C’est bien la deuxième mandature consécutive que vous êtes à ce poste. Quelle est la clé de cette confiance renouvelée ?
Dans la précédente mandature, nous avions un égyptien du nom de Kaled El Salhy qui présidait aux destinées de la Confédération africaine de tennis de table. J’avais fait acte de candidature au poste de vice-président en charge des compétitions. Il faut préciser que ce n’est pas le président qui nomme les vice-présidents. Tous les postes sont électifs. Les 54 pays ayant des fédérations de tennis de table se réunissent à cette assemblée générale élective pour procéder à l’élection des candidats aux postes électifs. En 2021, j’avais été effectivement élu. L’élection a été faite en visio conférence à cause du covid 19. Cette année, ce sont encore les présidents de fédérations nationales qui me renouvellent leur confiance.
Que gagne concrètement la Côte d’Ivoire à avoir un digne fils à ce poste ?
Nous sommes dans l’effervescence des élections américaines où l’un des candidats dit ‘‘Make America Great Again’’. Quand on a un ressortissant d’un pays à un poste, c’est d’abord le pays derrière parce que c’est le pays qui porte la candidature. Mon élection à ce poste participe du rayonnement de la Côte d’Ivoire. Nous savons tous que l’industrie du sport rapporte des subsides, beaucoup d’argent. À preuve, on voit que les jeux olympiques n’ont jamais eu lieu en Afrique. Ce n’est pas parce que l’Afrique ne veut pas de l’organisation. Mais c’est bien parce que les enjeux financiers sont tels que les pays se battent pour avoir l’organisation. Et c’est pareil à bien des échelons. Si nous prenons la Can que nous avons baptisée ‘‘Can de l’hospitalité’’ au niveau du football que nous avons abrité, je peux vous dire que les prix des chambres des hôtels sont allés du simple au double voire au triple ou au quadruple. Cela parce qu’il y a du monde et l’offre étant inférieure à la demande, les prix ont explosé. Ces revenus ont été assez importants et consistants pour les ivoiriens. Alors quand on est à un tel poste, où nous avons la charge des compétitions majeures sur le continent, le pays peut en profiter. Dieu seul sait combien, les pays sont nombreux à se battre pour avoir l’attribution en vue de l’organisation. Et c’est le département que nous dirigeons qui reçoit les demandes. Nous occupons une position où nous pouvons faire un lobbying pour que les choses portent. Si la Côte d’Ivoire veut abriter une des compétitions, vous comprenez que le Vice-président en charge des compétitions pourra aider son pays à y arriver. Et étant à un poste où se discute tout ce qu’il y a d’importants, bien évidemment, c’est vrai qu’on dit que le cordonnier n’est pas souvent bien chaussé, mais nous avons la possibilité de faire en sorte que notre pays bénéficie d’un bon traitement.
L’espoir est donc permis avec votre réélection ?
Évidemment, nous croyons que nous pourrons beaucoup faire pendant que nous sommes à ce poste. Il est évident qu’on n’est pas élu pour mettre en priorité les intérêts de son pays mais bien évidemment, quand il y aura une possibilité, nous la pousserons.
Dites quelles seront vos principales missions à ce poste ?
C’est une mission où il y a des éléments de grande importance. Nous sommes en charge de recueillir les candidatures pour les pays désireux d’abriter chacune de nos compétitions chaque année. Nous avons la charge de faire en sorte que les officiels des compétitions soient formés. Au nombre de ces officiels, figurent les arbitres. Sur le continent, les arbitres les mieux nantis sont du Maghreb. Depuis notre avènement, nous avons pris les choses en main en sorte qu’il y a des arbitres qualifiés, de top niveau pouvant arbitrer les jeux olympiques et les compétitions mondiales. Ceux-là, on les appelle les « Blue Badges « . Prenez une région comme l’Afrique de l’Ouest, c’est la plus grande des 5 régions de l’Afrique avec 15 pays. Et dans cette région, nous avons à peine deux arbitres qui sont « Blue Badges ». Or au nord, nous avons parfois 18 arbitres qui sont « Blue Badges » dans un seul pays. Il y avait donc une grosse inégalité qu’il fallait corriger en programmant des sessions pour les autres. À côté des arbitres, il y a ceux qu’on appelle les managers de compétitions. Quand il y a une compétition dans un pays donné, ces personnalités arrivent une semaine avant l’entame afin de faire sur place, l’état des lieux et permettre à la compétition de se dérouler dans de meilleures conditions. La salle, l’éclairage de la salle, le nombre de tables, la salle d’échauffement etc. le transport des athlètes de leur hôtel au lieu de la compétition (parce qu’il arrive que les matchs durent de 09 heures jusqu’à 21 heures voire 22 heures). Donc toutes ces conditions, il faille les passer minutieusement au peigne fin. Les techniciens et tous ceux-là, l’exécutive vice-president technical (Vice-président chargé des compétitions) les a également sous sa responsabilité. Les arbitres, les juges-arbitres, les managers de compétitions, les techniciens et autres forment cet ensemble important dans le succès d’un évènement. C’est un champ suffisamment vaste. À preuve, nous avons deux commissions majeures dont nous avons la charge : il s’agit de la commission des arbitres et juges arbitres et la commission technique. Celle du classement des athlètes et tous les aspects qui s’en suivent.
Quelles sont les compétitions majeures que vous pilotez ?
Nous avons dans notre calendrier quatre compétitions majeures sur le continent. Il s’agit du championnat d’Afrique des jeunes (cadets et juniors), la Coupe d’Afrique couplée avec le championnat des clubs, le championnat d’Afrique des séniors et le championnat d’Afrique des Para-tennis de table. Outre ces 4 grandes compétitions continentales, nous avons cinq compétitions régionales. Dans chacune des 5 régions du continent, nous avons un championnat régional. En effet, pour pourvoir prendre part au championnat d’Afrique sénior, il faut se qualifier dans sa région. Le championnat d’Afrique sénior permet de se qualifier pour les championnats du monde.
Aujourd’hui, quels sont les trois athlètes africains dans le top 10 ou le top 20 mondial ?
Le meilleur joueur, si on peut le dire ainsi ou encore l’Africain le mieux classé est du Nigeria. Il s’agit d’Aruna Quadri. Il a pu atteindre le 10 mondial. C’était vraiment le meilleur classement qu’un africain ait pu avoir à ce jour. À côté d’Aruna Quadri, nous avons Omar Assar, un Égyptien, qui est le mieux classé après le nigérian ; cela même si au dernier championnat du monde disputé à Busan en Corée du Sud, Aruna Quadri était sorti plus tôt alors que Omar Assa a pu aller jusqu’au 8ème de finale. Mais quand on prend les points de l’année à travers la participation aux grands chelems, ça compte dans le ranking mondial. Parce que nous en avons au tennis de table. Comme vous le savez au tennis, nous avons ce qu’on appelle les tournois WTT au tennis de table. Voilà, donc à ces grands tournois, les joueurs glanent des points qui leur permettent d’améliorer leur classement. Omar Assar avait pu aller beaucoup plus loin que Aruna Quadri. Ça a été le cas d’ailleurs aux jeux olympiques de Paris 2024. Aruna est sorti plus tôt que Omar. À côté de ces deux hommes, nous avons deux dames. Donc au lieu de trois, nous en citerons quatre. Deux dames qui sont toutes égyptiennes. Une jeune fille du nom de Hana Goda qui, à peine 17 ans maintenant est championne d’Afrique des Séniors. À 15 ans déjà, elle a pu avoir son premier titre de championne d’Afrique des Séniors en battant celle qui planait sur tout le monde et qu’on surnommait «la diva » Dina Meshref. Dina et Ana sont les deux qui se luttent cette place-là. Elles sont les mieux classées des pongistes africaines au niveau mondial. Il y a donc deux hommes et deux dames.
Mais au niveau des JO, on n’en voit pas qui scintille. À quel stade les pongistes africains se sont arrêtés à Paris ?
Comme je vous disais tantôt, j’ai pu assister au match de Omar Assar qui est sorti en 8ème de finale. C’était une performance parce que vous devez savoir qu’au tennis de table, l’hégémonie asiatique, mais particulièrement chinoise, crève les yeux. Que ce soit en équipe ou en individuel, c’est rien que des Chinois. C’est une des rares fois où on a pu avoir un Européen sur le podium. Il s’agit du Français, Félix Lebrun qui a pu réussir à décrocher une médaille de bronze. Mais c’est une grosse performance, parce que les Chinois dominent territorialement les débats en hommes et dames au tennis au table. Les Européens, les Américains et le reste de la planète se battent pour arriver au niveau des chinois. Lors des JO de Rio 2016, Aruna Quadri avait pu atteindre les quarts de finale. C’est ce qui lui a valu d’être le meilleur pongiste africain de tous les temps. Donc nous sommes allés à Paris, évidemment, on visait mieux. Si on était en huitième de finale alors qu’il y a quelques Olympiades, on avait pu viser les quarts de finale; on pourrait dire que nous avons plus ou moins régressé.
À quel niveau se trouve aujourd’hui le tennis de table africain ?
Comme vous le savez, au tennis de table, nous avons des compétitions par équipe et en individuel. Je vous ai dit que nous avions Aruna qui avait pu atteindre le classement de 10e mondial mais il a reculé depuis. Donc le tennis de table africain cherche encore ses marques parce que les 4 premiers mondiaux sont chinois. Et quand vous avez ceux-là qui forment une équipe à savoir trois joueurs et un réserviste, ils sont tous meilleurs. Il est donc difficile de les battre et faire une percée. Mais les athlètes se battent pour essayer d’améliorer leur classement et arriver à un meilleur positionnement.
Quel est le regard que vous portez sur le niveau du tennis de table en Côte d’Ivoire ?
En se mettant dans le contexte africain, les deux nations leaders en Afrique, sont l’Egypte et le Nigeria. À leurs côtés, les autres se battent pour se positionner. La Côte d’Ivoire est dans la même région que le Nigeria ; quand on regarde déjà au niveau régional le Nigeria, on peut dire qu’ils sont hors catégorie parce qu’ils sont d’un niveau très élevé. Ainsi la Côte d’Ivoire lutte avec le Bénin, le Togo, le Ghana; les quatre pays se tiennent. Et jusqu’à l’année dernière, avant que nous ne passions la main, chaque fois que nous avons fait la compétition régionale, nous nous sommes qualifiés parmi les deux meilleurs pour aller au championnat d’Afrique puisqu’il y avait deux qualifiés par région. Donc, le niveau de la Côte d’Ivoire, il est bon. Seulement, il faut dire que les conditions sont telles que quand on dit le niveau de la Côte d’Ivoire bon, il faut nuancer. Nous avions des gros bras venant de l’extérieur. Le meilleur joueur ivoirien actuellement, c’est Oba Oba Kizito qui joue dans le championnat français. Il avait à ses côtés son frère aîné Oba Don Cedric qui joue aux Etats-Unis. Il a été champion de Côte d’Ivoire pendant longtemps. Il s’est expatrié aux Etats-Unis d’où il venait en équipe nationale. Nous avions un autre Kouassi Ange, qui joue également en France. Ce sont les trois éléments qui faisaient l’équipe mais comme dans les autres pays, il y a toujours des difficultés avec les athlètes professionnels en Europe ou ailleurs.
Lesquelles ?
Au niveau continental, nous avons décidé il y a quelques années de faire les championnats régionaux qualificatifs espérant profiter de la réduction des distances les athlètes au niveau d’une région, les athlètes des pays puissent facilement se retrouver et compétir. Il se trouve malheureusement que les meilleurs athlètes de chacun des pays, sont expatriés. Donc, ça revient pratiquement à la même chose, comme si c’était un championnat d’Afrique, parce que les billets ont le même coût. Je peux vous dire par exemple, qu’à un des championnats, c’était au Cameroun, où nous étions, en 2021, il y a des présidents de fédération qui sont venus me voir pour dire, mais président, on constate qu’à partir des quarts de finale, tous ceux qui sont en compétition sont des joueurs expatriés. Pratiquement aucun des athlètes qui arrive en quart de finale n’évolue sur le continent. C’est un problème ! Est-ce qu’il ne faut pas faire comme au football où il y a un championnat d’Afrique pour les locaux. C’est-à-dire les pongistes évoluant sur le continent ? Je leur ai dit que nous en prenions bonne note et qu’on allait réfléchir pour voir ce que ça donnerait. Donc, ils sont tous expatriés et c’est pratiquement les mêmes depuis quelques années. Ils commencent à baisser de régime et donc ça diminue un peu.
On devrait donc s’alarmer ?
Non, pas du tout ! On a un potentiel énorme. On a des jeunes gens naturellement talentueux. Ils ont du talent à l’état brut. On essaie avec les moyens du bord de les préparer. Je vais conter une anecdote. Nous sommes allés en 2023 à Agadir au Maroc avec les jeunes aux championnats d’Afrique cadets et juniors. Et nos jeunes gens qui étaient les meilleurs, ont vu jouer les égyptiens, les algériens, les tunisiens et autres qui avaient démarré la compétition. Le soir quand nous sommes rentrés en chambre, je leur ai demandé, le niveau que vous avez vu, est-ce que vous pouvez les battre ? Et ils ont dit « ah Prési, vraiment non, on ne peut pas ». Je dis mais vous ne pouvez pas les battre, pourquoi ? Est-ce qu’ils jouaient avec 4 bras ? Ils jouent avec 2 bras comme vous. Ils me disent, « non Prési on ne peut pas les battre ». Et avec l’encadrement technique, nous voyons. Toi tu es le meilleur de la Côte-d’Ivoire, tu t’entraînes combien de fois par semaine ? Je m’entraîne une fois ou deux fois, deux heures, me répond -il. Mais ils vont affronter des athlètes qui s’entraînent matin, après-midi au moins cinq jours sur sept. Ils s’entraînent au moins cinq jours matin, après-midi. Nous, nous avons quelqu’un qui est talentueux qui s’entraîne deux heures, une fois ou deux fois par semaine. Il ne peut pas battre celui qu’il va trouver en face quel que soit le talent à l’état brut qu’il aura. Donc c’est compliqué ; voilà un peu l’environnement dans lequel les jeunes baignent. Aujourd’hui on se bat parce que nous croyons qu’on peut toujours sortir des pépites qui peuvent réaliser des exploits. Aujourd’hui, on essaie de faire de la coopération pour que nos enfants aillent se perfectionner sous d’autres cieux. Il y a deux de nos enfants qui viennent d’aller en France dans des clubs où ils vont faire sport études. Il y en a un, Jean-Pierre Bayala, qui est parti à 15 ans l’année dernière. Il y a un autre qui, à 13 ans vient de profiter d’une convention avec un club où il va aller faire sport-Études. Si à 13 ans, il va au cours et il joue, voilà quelqu’un qui dans quelques années, rivalisera avec d’autres dans le monde.
Comment est-ce que vous collaborez avec la nouvelle équipe ? Est-ce que c’est l’ancien qui donne des conseils au nouveau ? Comment ça se passe ?
C’est un devoir pour un ancien quand vous passez la main. C’est un devoir pour vous, d’apporter des conseils. C’est un devoir que vous le vouliez ou pas. Voyez-vous, on peut passer la main et se déconnecter complètement du mouvement. Dans ce cas de figure, vous-même, vous n’avez plus d’informations. C’est plutôt les autres qui viendront vous donner des informations et vous demander ce que vous en pensez. Mais quand on a les fonctions qui sont les nôtres, vous êtes dans la main courante au niveau de la confédération africaine, notamment les compétitions. Tout ce qui va se faire, le finish, c’est venir aux compétitions, affronter les autres pour voir si ce qu’on a pu, ce qu’on fait, c’est dans la bonne ligne ou bien si on est à côté. Donc on ne peut pas être responsable des compétitions sur le continent et ne pas être, autant que faire se peut, proche de sa fédération. Mais par nature, j’estime que celui qui est à la tâche doit faire son expérience personnelle. Donc moi, j’apporte les informations que je dois apporter. Par exemple, j’ai appelé le Secrétaire général de la fédération parce que les 12, 13 et 14 décembre prochain, on va avoir une très grande compétition en Côte d’Ivoire, une compétition organisée par la Confédération internationale de l’Union des associations sportives francophones. Il s’agit d’une grosse compétition où il y a une vingtaine de pays qui se sont inscrits pour venir jouer en Côte d’Ivoire. Je sais que la fédération se prépare puisqu’on m’a amené des images de leur préparation, la préparation des athlètes; et cela régulièrement. Le vice-président de cette confédération, le président de la fédération belge, m’appellent pour me dire « président, tous les autres pays, Belgique, France, un peu partout se sont inscrits. Ils ont envoyé les passeports de leurs athlètes et nous n’avons encore rien de la Côte d’Ivoire ». Qu’est-ce qui se passe ? Je dis mais qu’y a-t-il ? Je suis le directeur de cette compétition qui va avoir lieu. Donc je reçois les éléments des autres, je les passe au peigne fin mais je n’avais même pas regardé à cet aspect. La Côte d’Ivoire n’est pas encore inscrite. Elle abrite la compétition mais n’est pas inscrite. Et j’appelle aussitôt le Secrétaire général pour dire mais enfin, qu’est-ce que vous faites ? Vous préparez les athlètes, c’est bien, mais il faut les inscrire parce que quand on dit il y a un temps pour inscrire les athlètes, il faut être dans ce temps-là. Si vous ne les inscrivez pas dans ce temps, vous ne pouvez pas venir dire que parce que ça se joue dans votre pays donc vous avez le droit d’être là. Ce sont donc de petites choses comme ça que nous pouvons aider à régler.
Quels sont les grands moyens que déploie la confédération pour permettre à cette discipline d’éclore et briller dans les arènes internationales ?
Effectivement, nous devons faire un certain nombre de choses mais les premiers responsables des athlètes, ce sont les pays. Parce qu’un athlète a une nationalité; il a l’étiquette d’un pays et par la suite il est continental. Donc, ce n’est pas facile. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de créer les conditions. Et à ce propos, à la dernière assemblée générale à Addis-Abeba où nous avons été élus, j’avais pour voisin immédiat le vice-président de la Fédération japonaise de Tennis de table et nous avons échangé et parlé de coopération. Avec le président de la Confédération qui passait la main, il m’a présenté, il m’a dit « professeur, lui, je l’ai l’invité, mais ma vision est qu’on signe une convention avec lui ». Il est vice-président de la Fédération japonaise et il est membre du Comité national olympique japonais. Donc nous avons pris les contacts, on a commencé à échanger depuis que je suis rentré. On s’est dit bon, nous la confédération, on essaie de créer un cadre de coopération pour que les meilleurs athlètes aient un lieu pour qu’ils puissent aller. Si nous on a tracé la chose, les pays vont voir ensuite et si la confédération doit prendre en charge ces aspects nous verrons toujours.
Avez-vous d’autres idées en termes de coopération ?
Absolument. Nous ne nous limiterons pas à ces premiers éléments. Nous avons beaucoup d’idées pour le mandat qui commence maintenant. Nous verrons par exemple comment disputer des matchs amicaux avec la Confédération d’Amérique latine dont nous sommes très proches. On est en train de trouver la possibilité de matchs amicaux entre les 4 meilleurs pongistes de l’Amérique latine et le continent africain. On peut faire des matchs aller-retour parce qu’ils ont des athlètes comme Hugo Calderano qui était classé 6e mondial. Je vois ici, aux côtés d’Aruna et de Omar Assar, deux autres qui sont les meilleurs, pour qui cette compétition peut être une belle occasion de préparation accrue.
Ce sont là quelques pistes d’actions, mais le plus gros, ce sont les finances qui vont permettre de faire exécuter toutes nos actions. Et je peux dire que pour le mandat que nous commençons, en Éthiopie, nous avons eu à signer une convention de partenariat avec Ethiopian Airlines. Elle a été effectivement signée pour nos compétitions un peu partout. Cela afin que cette compagnie aérienne soit notre sponsor leader et qu’on obtienne avec elle les moyens de déplacement parce que le problème le plus sérieux en Afrique, ce sont les déplacements locaux, des déplacements pour aller faire la compétition. En Europe, on peut aller de la France, en Allemagne, en Hollande, en Suède, par le TGV facilement. Mais vous imaginez que dans une dizaine de jours, il y a une compétition au Nigéria, à Lagos. Pour aller à Lagos, c’est 600 000 francs CFA de billets d’avion. Là où en Europe, avec 100 euros, vous partez pour revenir, c’est 600 000 francs CFA. C’est l’un des problèmes majeurs sur le continent. Donc nous avons eu cette convention avec Ethiopian Airlines et nous voulons batailler pour avoir d’autres partenaires qui financièrement pourraient intervenir pour permettre aux athlètes sur le continent de pouvoir se déplacer.
Les déplacements sont visiblement un casse-tête chinois. N’est-ce pas ?
Lors d’une mission de travail avec le département de développement du tennis de table de la Fédération internationale, nous avons souligné cela. J’ai raconté cette anecdote à ma responsable, avec qui j’ai échangée. Pendant notre mandat de Président de la fédération ivoirienne, nous avons eu une bourse pour un athlète, JP Bayala qui vient d’aller en France, il lui a été accordé une bourse mais la condition de la bourse était qu’on ne peut l’utiliser que pour son logement, les frais de participation à la compétition, mais pas pour les frais de transport. Nous leur avons dit, pendant un an on a eu la bourse, on n’a pas pu l’utiliser parce qu’on avait des difficultés pour payer les billets pour Nairobi, Kigali ou ailleurs. On vous dit même que vous avez une compétition à Accra à côté, si vous devez prendre le billet d’avion, on va vous réclamer 400 000 francs pour prendre le billet d’avion. C’est incroyable, non ? Ce sont ces éléments qu’on a identifiés, on a discuté pour voir comment on peut aider à soutenir les fédérations nationales et leurs athlètes dans les frais de déplacement.
Quel serait votre dernier mot, votre message à l’endroit des pongistes ivoiriens et africains ?
Ce sera naturellement un message d’espoir. Le Seigneur a permis que nous soyons à ce poste d’importance au niveau africain. Mais évidemment je suis membre de la commission de nomination de la Fédération internationale qui est la commission par laquelle tout passe. L’année prochaine, en mai, il y aura le renouvellement des instances dirigeantes de la Fédération internationale. Les candidatures au poste de vice-président de la Fédération internationale passeront par la commission de nomination dont je suis membre. J’y suis, ce n’est pas parce que je suis extraordinaire ou exceptionnel. Je crois que je suis là par la volonté du Seigneur. Simplement parce que, le Seigneur a voulu que nous soyons là. Le Seigneur, il permettra que des choses auxquelles nous ne pensions pas, nous puissions y arriver. Donc les jeunes gens qui sont passionnés du tennis de table et Dieu le sait combien ils sont nombreux, doivent y croire et continuer de travailler. Nous avions reçu il y a quelques temps avec la ministre Kandia Kamara à l’époque au ministère de l’éducation nationale, à obtenir que dans tous les établissements scolaires, partant de la maternelle jusqu’au Bac, le tennis de table soit pratiqué, comme c’est le cas avec ce qu’on appelle les écoles du système français en Côte d’Ivoire. Le tennis de table est une discipline qui est inscrite au Bac. Donc ce sport-là, il est suffisamment populaire et il n’est pas si cher. Nous avons bataillé dur et avons obtenu que la fabrication des tables homologuées puisse se faire en Côte d’Ivoire. On a fait venir une équipe en Côte d’Ivoire en 2021. Ils ont formé des jeunes gens de la Menuiserie, des jeunes qui travaillent dans le métier du bois. Le centre des métiers du bois à Koumasi où la formation s’était faite aujourd’hui il y a des jeunes Ivoiriens qui fabriquent des tables qui sont homologuées pour la pratique du tennis de table. Le tennis de table doit pouvoir se vulgariser et parmi ceux qui arrivent qui ont du talent, certains vont éclore et pourquoi pas être des champions de demain qui vont faire parler de notre pays à travers ce sport. Je leur dis donc que tous mes encouragements les accompagnent. On n’obtient rien sans sacrifice. Qu’ils continuent de se battre parce qu’ils sont d’abord les premiers bénéficiaires. Les Jeux olympiques que nous avons eus et dont on parle encore, les athlètes qui ont représenté notre pays et qui lui ont fait honneur, je crois que nous étions ensemble, nous étions à la primature quand l’Etat de Côte d’Ivoire a donné un chèque de dizaines de millions aux athlètes pour les féliciter et les récompenser. Un ami m’a appelé pour dire « Cher ami, nous sommes professeurs, je suis professeur titulaire d’Université depuis que nous enseignons, on est à l’orée de notre carrière professionnelle d’enseignant à l’université. Est-ce qu’on a une fois eu un chèque de plusieurs dizaines de millions, même à la banque, c’est un prêt qu’on a avec des intérêts (rire !!!). Mais voici un athlète à qui l’État reconnaît les mérites, lui donne des dizaines de millions pour l’encourager. On peut dire que le sport nourrit son Homme. Quand on a un talent, il faut méditer, il faut chercher les voies et les moyens pour faire les sacrifices qu’il faut afin d’arriver au bout. Ça c’est pour nos enfants, nos athlètes ivoiriens. Mais c’est la même chose au niveau africain. Ceux qui sont les meilleurs, ceux qu’on a cités là, les deux hommes et les deux dames, ce sont des sacrifices, des efforts de tous les jours qui les maintiennent à ce niveau. Personne ne peut être champion continental en s’entraînant une fois par semaine. Nous prions donc qu’ils s’imprègnent suffisamment de ces valeurs-là et qu’ils travaillent. Nous nous en réjouirons. Quand on a fini les Jeux olympiques, le bilan qu’on faisait, le continent africain a eu combien de médailles ? Il y a moins de 10 pays qui ont eu des médailles aux Jeux olympiques. Chacun contribue d’une manière, on aurait pu dire de la manière si petite soit-elle, mais qui contribue. Le 29 octobre dernier on a eu une conférence ici avec la solidarité olympique où elle nous signalait trois cas édifiants. Sainte -Lucie, un pays de moins d’un million d’habitants dont l’athlète Julien Alfred a décroché la médaille d’or olympique sur le 100 m. Alors, il y a des choses comme ça où le rêve devient réalité. Il faut s’en imprégner et faire ce qui est en notre pouvoir et Dieu fera le reste.
Réalisée par Lebéni KOFFI
(Afrik Management/ Décembre 2024)
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