Des astrophysiciens utilisant de nouvelles observations en radioastronomie, issues du grand réseau millimétrique/submillimétrique d’Atacama (Alma) et concernant des disques protoplanétaires dans le nuage moléculaire d’Orion, ont découvert que la formation de planètes semble pouvoir se produire même dans des environnements stellaires jusque-là considérés comme inhospitaliers en raison des flux de rayonnement ultraviolet.
Depuis une trentaine d’années, il est devenu clair qu’il se formait bien des disques protoplanétaires autour des jeunes étoiles issues de l’effondrement de nuages moléculaires et poussiéreux, denses et froids, mais néanmoins turbulents. Disques protoplanétaires et proto-étoiles se forment même dans des nurseries, des amas ouverts pouvant contenir des centaines de jeunes étoiles qui vont ensuite se disperser dans la Voie lactée.
Certaines des étoiles, qui naissent ainsi à partir de la fragmentation des nuages, sont très massives et émettent un flux de rayonnement ultraviolet capable d’éroder les nuages et faisant naître des structures, comme celles des fameux piliers de la création de la nébuleuse de l’Aigle.
Cette vue spectaculaire en lumière visible à grand champ d’une partie de la célèbre ceinture du grand chasseur céleste Orion montre la région du ciel autour de la nébuleuse de la Flamme. L’image entière est remplie de nuages de gaz brillants, illuminés par de jeunes étoiles bleues chaudes. Elle a été créée à partir de photographies en lumière rouge et bleue faisant partie du Digitized Sky Survey 2. Le champ de vision est d’environ trois degrés. © ESO et Digitized Sky Survey 2. Remerciements : Davide De Martin
Alma et Sigma Orionis
On pensait, jusque-là, que parfois le souffle des émissions dans l’ultraviolet (la lumière transporte de l’énergie et de la quantité de mouvement et peut exercer une pression sur de la matière) pouvait aussi inhiber la formation de planètes dans les disques protoplanétaires, trop proches des étoiles massives des nurseries. Mais, une équipe de chercheurs vient d’annoncer, dans une publication que l’on peut trouver en accès libre sur arXiv, que tel n’était pas toujours le cas.
La découverte nous donne des informations supplémentaires sur les mécanismes de la formation des cortèges planétaires. Elle a été obtenue en tournant le regard du Grand réseau millimétrique/submillimétrique d’Atacama (Alma) vers l’amas Sigma Orionis, qui est irradié par une lumière ultraviolette intense provenant d’une étoile massive proche.
Cet amas se trouve proche de la fameuse nébuleuse de la Tête de Cheval qui, avec la nébuleuse de la Flamme, fait partie du nuage moléculaire d’Orion, une des régions de formation stellaire les plus actives du ciel, contenant des disques protoplanétaires et de très jeunes étoiles. Le nuage moléculaire d’Orion est situé entre 1 500 et 1 600 années-lumière de la Terre et est large de plusieurs centaines d’années-lumière. Il contient bien sûr la fameuse nébuleuse d’Orion, appelée également M42.
Zoom sur le cœur de l’amas Sigma Orionis, de la constellation d’Orion avec un système stellaire multiple sigma Ori Aa,Ab,B comme l’explique la vidéo. © Gabriel Pérez (SMM, IAC), Sergio Simón-Díaz (IAC, ULL) et Jose A. Caballero (CAB, INTA)
La résolution que peut atteindre Alma dans ses observations a permis aux astrophysiciens de renouveler leurs connaissances de huit disques protoplanétaires dans l’amas Sigma Orionis, des disques soumis à un rayonnement ultraviolet si intense que l’on ne pensait pas y trouver des traces d’exoplanètes. Mais, comme l’explique un communiqué du National Radio Astronomy Observatory (NRAO), Alma a débusqué des traces de trous et d’anneaux dans la plupart des disques, des structures généralement associées à la formation de planètes géantes accrétant du gaz et de la poussière, comme Jupiter.
Ce qui fait dire à Jane Huang, auteure principale de l’étude : « Nous nous attendions à ce que les niveaux élevés de rayonnement dans cet amas inhibent la formation de planètes dans les régions extérieures de ces disques. Mais au lieu de cela, nous voyons des signes indiquant que des planètes pourraient se former à des distances de plusieurs dizaines d’unités astronomiques de leurs étoiles, comme ce que nous avons observé dans des environnements moins hostiles. Ces observations suggèrent que les processus à l’origine de la formation des planètes sont assez robustes et peuvent fonctionner même dans des circonstances difficiles. Cela nous donne plus de confiance dans le fait que des planètes peuvent se former dans encore plus d’endroits à travers la Galaxie, même dans des régions que nous pensions auparavant trop hostiles. »
Ces images en fausses couleurs capturées par Alma dans le domaine des micro-ondes révèlent des structures de disques étonnamment riches dans l’amas Sigma Ori. © Alma (ESO, JAO, NAOJ, NRAO), J. Huang et al.
Le communiqué ajoute : « Ces résultats ont des implications pour la compréhension de la formation de notre propre Système solaire, qui a probablement évolué dans un environnement à rayonnement tout aussi élevé. Ils motivent également de futures études de disques dans des voisinages stellaires encore plus extrêmes… Cette étude démontre la puissance d’Alma pour sonder la formation de planètes dans divers environnements à travers la galaxie. À mesure que les astronomes construisent une image plus complète de la façon dont les planètes se forment dans différentes conditions, ils se rapprochent de la compréhension des origines de la Terre et de la prévalence des planètes autour d’autres étoiles. »
Par FUTURA
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