À Dublin, un manuscrit ancien parfaitement préservé est l’un des plus anciens artefacts chrétiens à avoir survécu aux raids vikings. Baptisé « Livre de Kells », il est une retranscription précise et fournie du Nouveau Testament, ayant entériné l’apparition d’une nouvelle forme d’art en Angleterre et en Irlande.
Au cœur de Dublin, entre les murs du prestigieux Trinity College, se cache un texte ancien ayant marqué l’histoire de l’Irlande. Un manuscrit appelé le Livre de Kells, rédigé au IXe siècle de notre ère, constitue l’un des patrimoines des plus prestigieux de l’île. Son histoire particulièrement mouvementée porte les stigmates de profonds changements à l’ère de la christianisation de l’archipel britannique. Et ce manuscrit aurait pu disparaître et ne jamais être préservé, ayant été sauvé des ravages perpétrés dans la région lors des raids vikings au cours du haut Moyen Âge.
Plus de 600 pages calligraphiées à la main
Le Livre de Kells frappe par la qualité de ses enluminures, ses détails et ses couleurs chatoyantes. Les origines de l’œuvre renvoient à l’île d’Iona, au large de la côte ouest de l’Écosse. Une abbaye s’était établie dans ses plaines vertes, suivant l’arrivée sur place de Saint Columba au VIe siècle afin d’évangéliser l’Écosse et le nord de l’Angleterre. Les moines se lancent dans la rédaction de ce manuscrit massif vers l’an 800. Ils réécrivent et illustrent quatre Évangiles du Nouveau Testament, reportant des passages en latin selon les plus anciennes versions de la Bible, le livre sacré apparaissant au IVe siècle avec le Codex Sinaiticus.
L’abbaye d’Iona est le lieu d’apparition du Livre de Kells. Malgré les siècles, l’édifice est toujours debout. © CC BY-SA 2.0, Akela NDE
Ce sont 680 pages qui sont ainsi densément remplies. Fourmillant de détails et de subtilités, le Livre de Kells s’ancre dans la mouvance de « l’Art insulaire ». Il naît en Irlande et en Grande-Bretagne après l’affaissement de la puissance romaine, dès le Ve siècle et acquiert des caractéristiques identifiables. Le manuscrit conservé au Trinity College est l’une des reliques les plus prégnantes de l’implantation de l’Art insulaire dans l’archipel. L’expansion viking porte cependant un coup d’arrêt à la création de cette réalisation monumentale, qui se voit menacée par les raids brutaux.
Les premières incursions vikings sont documentées à partir de 789. En 793, ils mènent un premier pillage d’ampleur dans le monastère de Lindisfarne, sur l’île du même nom. De nombreux moines sont tués, des édifices détruits et des reliques pillées. Les raids successifs qui se perpétuent dans l’archipel provoquent la disparition de nombreux artefacts, en raison de la brutalité des peuples scandinaves.
L’incipit de l’Évangile selon Jean est la parfaite représentation de la densité du Livre de Kells. © Domaine public
Les moines d’Iona décident de s’exiler dès le début du IXe siècle et rallient l’Irlande, à quelques encablures au sud de l’île. Ils s’installent dans le village de Kells, situé dans la partie nord-est de l’Irlande, et dont le nom est attribué au manuscrit vers 806. En 1642, le début de la guerre civile anglaise débute, faisant émerger le puissant Oliver Cromwell, qui lance une campagne de conquête de l’Irlande à l’aune des années 1650. Afin de protéger le Livre de Kells, celui-ci est de nouveau transféré à Dublin même. Il intègre la collection du Trinity College en 1661, parfaitement conservé et désormais classé dans la liste des Mémoires du monde du patrimoine mondial de l’Unesco. Le Livre de Kells peut toujours être admiré dans la capitale de la République d’Irlande.
PAR FUTURA
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