Dans la banlieue du Soleil, l’étoile Véga déroute les astrophysiciens. L’une des premières détectées avec un disque planétaire de débris, elle semble n’être entourée d’aucun cortège planétaire, même en combinant les pouvoirs d’observations des télescopes Hubble et James-Webb. C’est un cas unique que ne comprennent pas encore les planétologues s’occupant de cosmogonie.
Véga est la cinquième étoile la plus brillante du ciel et l’étoile la plus lumineuse de la constellation de la Lyre. Elle n’est qu’à 25 années-lumière environ du Système solaire et a une masse plus de deux fois supérieure à celle du Soleil, ce qui veut dire, selon la théorie bien éprouvée de la structure et de l’évolution stellaire qu’elle ne restera qu’un milliard d’années sur la séquence principale avant de devenir une géante rouge, puis de finir sa vie sous forme de naine blanche. Actuellement, elle doit être âgée de 450 millions d’années environ.
En raison de sa proximité, il s’agissait donc d’une cible de choix pour les astrophysiciens et dès le début des années 1980, lors de la mission Iras observant dans l’infrarouge depuis l’espace, on a détecté un disque de matière autour d’elle, semblable à celui qui, actuellement dans le Système solaire, est responsable de la lumière zodiacale.
Hubble a bien sûr été mobilisé par la suite pour l’observer et plus récemment, le télescope spatial James-Webb, le JWST.
Des simulations de la formation des systèmes planétaires peuvent être comparées aux résultats d’observations de ce processus par le télescope spatial James-Webb. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA Goddard
Un disque de débris après la dissipation du gaz d’un disque protoplanétaire
Véga n’est plus depuis longtemps dans une phase avec un disque protoplanétaire où se forment des planètes, mais on peut penser que, tout comme dans le cas du Système solaire, son disque de débris, vestige de ce disque protoplanétaire et désormais dépourvu du gaz qu’il contenait, est formé de poussières produites par les collisions continues entre les astéroïdes en orbite et les débris des comètes en évaporation, poussières qui finissent par tomber en direction de l’étoile centrale.
Or là aussi, comme dans le cas du Système solaire, on observe dans les disques de débris autour des étoiles âgées de plus d’une centaine de millions d’années des intervalles de faibles densités creusées par les planètes en orbite accrétant cette poussière. Ainsi, comme l’explique un communiqué de la Nasa, Fomalhaut, qui est à peu près à la même distance, au même âge et à la même température que Véga, possède trois ceintures de débris imbriquées.
Mais de façon étonnante, on ne voyait rien de tel dans le cas de Véga depuis un moment déjà ! De nouvelles observations avec Hubble et le JWST qui ont conduit une équipe d’astronomes de l’Université d’Arizona (à Tucson) à deux articles sur arXiv confirmant cette étrangeté.
À gauche : une vue en fausses couleurs du télescope spatial Hubble d’un disque de poussière de 160 milliards de kilomètres de large autour de l’étoile d’été Véga. Hubble détecte la lumière réfléchie par la poussière de la taille de particules de fumée, en grande partie dans un halo à la périphérie du disque. Le disque est très lisse, sans aucune trace de grosses planètes intégrées. La tache noire au centre bloque la lueur brillante de la jeune étoile chaude. À droite : le télescope spatial James-Webb résout la lueur de la poussière chaude dans un halo de disque. © NASA, ESA, CSA, STScI, S. Wolff (Université d’Arizona), K. Su (Université d’Arizona), A. Gáspár (Université d’Arizona)
Schuyler Wolff, de l’équipe de l’Université d’Arizona et auteur principal de l’article présentant les résultats du télescope Hubble, déclare donc dans le communiqué de la Nasa que « Véga continue d’être inhabituelle. L’architecture du système de Véga est nettement différente de notre propre Système solaire où des planètes géantes comme Jupiter et Saturne empêchent la poussière de se propager comme elle le fait avec Véga ».
Tout comme les « satellites bergers » de Saturne qui confinent gravitationnellement la poussière de ses anneaux, on a toutes les raisons de penser que ceux du disque de débris de Fomalhaut subissent aussi le même phénomène en raison de l’existence d’exoplanètes bien qu’aucune n’ait été identifiée de manière certaine à ce jour. Ce qui fait s’interroger George Rieke, aussi membre de l’équipe de recherche de l’Université d’Arizona : « Étant donné la similitude entre les étoiles de Véga et de Fomalhaut, pourquoi Fomalhaut semble-t-elle avoir pu former des planètes et pas Véga ? ».
Schuyler Wolff n’est pas en reste : « Quelle est la différence ? Est-ce l’environnement circumstellaire, ou l’étoile elle-même, qui a créé cette différence ? Ce qui est intriguant, c’est que la même physique est à l’œuvre dans les deux cas ».
Il s’agit d’une vue du télescope spatial James-Webb d’un disque de poussière de 160 milliards de kilomètres de large autour de l’étoile Véga. Le disque est remarquablement lisse et il n’y a aucune preuve discutable de formation de planètes. Webb distingue la lueur de la poussière chaude dans un halo de disque, à 37 milliards de kilomètres de distance. Le disque externe (analogue à la ceinture de Kuiper du système solaire) s’étend de 11 à 24 milliards de kilomètres. Le disque interne s’étend du bord interne du disque externe jusqu’à proximité immédiate de l’étoile. On observe une baisse notable de la luminosité de surface du disque interne d’environ 6 à 11,6 milliards de kilomètres. La tache noire au centre est due au manque de données de saturation. © Nasa, ESA, CSA, STScI, K. Su (Université d’Arizona), A. Gáspár (Université d’Arizona)
« Les observations de Hubble et de Webb fournissent tellement de détails qu’elles nous apprennent quelque chose de complètement nouveau sur le système de Véga, que personne ne connaissait auparavant », ajoute Rieke alors que son collègue Andras Gáspár déclare, quant à lui, que « entre les télescopes Hubble et Webb, on a une vue très claire de Véga. C’est un système mystérieux parce qu’il est différent des autres disques circumstellaires que nous avons observés. Le disque de Véga est lisse, ridiculement lisse ».
« Cela nous fait repenser la portée et la variété des systèmes d’exoplanètes », en conclut Kate Su, de l’Université d’Arizona, auteur principal de l’article présentant les découvertes de Webb.
La formation du Système solaire expliquée par Sean Raymond, astrophysicien au Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux. Une vidéo du parcours éducatif AstrobioEducation. © Société Française d’Exobiologie
Une vue d’artiste du télescope Iras. © Nasa
Le saviez-vous ?
L’Infrared Astronomical Satellite (Iras) a été le premier télescope spatial à étudier le ciel complet en lumière infrarouge. Il avait été placé par la Nasa sur une orbite héliosynchrone le 25 janvier 1983, fonctionnant durant dix mois jusqu’à l’épuisement de l’hélium liquide servant à refroidir ses instruments. Iras était un précurseur technique et scientifique de futures missions spatiales infrarouges emblématiques, notamment les télescopes spatiaux Spitzer, James-Webb et Herschel. Iras a détecté environ 350 000 sources infrarouges et fait un certain nombre de découvertes inattendues, dont des preuves de grains de poussière autour des étoiles Véga et Bêta Pictoris, ce qui suggérait fortement déjà l’existence de systèmes planétaires autour d’autres étoiles.
Ainsi, dans le cas de Véga, un excès déroutant de lumière infrarouge provenant de poussières chaudes a été détecté par Iras. Il a été interprété comme une coquille ou un disque de poussière s’étendant sur deux fois le rayon orbital de Pluton à partir de l’étoile, fournissant la première preuve de l’existence de matériaux en orbite autour d’une étoile.
Les scientifiques ont commencé à modéliser sérieusement la formation des disques protoplanétaires et des planètes après la Seconde Guerre mondiale. On peut citer à ce sujet les travaux pendant les années 1950 et 1960 de pionniers comme Viktor Safronov, Alastair Cameron et Harold Urey, inspirés d’une hypothèse qui a été émise pour la première fois par Emmanuel Kant en 1775. Les progrès des ordinateurs ont permis d’explorer plus en détail les modèles proposés depuis.
Par FUTURA
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