Avec ses lacs de méthane et sa surface gelée, Titan, lune de Saturne, n’a pas vraiment de point commun avec la Terre. Pourtant, certains des petits cratères qui grêlent sa surface pourraient bien avoir une origine similaire à certains trous béants qui s’ouvrent actuellement en Sibérie !
Dans le Système solaire, seuls deux astres possèdent des environnements liquides à leur surface. La Terre, bien sûr, mais aussi Titan, lune gelée de Saturne. La ressemblance entre ces deux corps s’arrête toutefois là, ou presque. Car, si sur Terre, c’est bien de l’eau liquide qui coule, sur Titan, ce sont des rivières et des lacs de méthane et autres hydrocarbures qui agrémentent un paysage glacé et désertique où règne une température de -180 °C.
Ces lacs, où il ne ferait pas bon se baigner, sont particulièrement localisés dans les régions polaires. En les étudiant, les scientifiques ont d’ailleurs remarqué que certains étaient nichés dans des petits cratères d’une dizaine de kilomètres de diamètre qui se caractérisent par des bords surélevés, d’où leur nom de « cratères remparts ».
Cette morphologie de cratère est bien connue sur Mars notamment, où ils ont été produits par des impacts météoritiques. Pourtant, les scientifiques pensent que leur origine est totalement différente sur Titan, et qu’elle ressemblerait bien plus à certains cratères observés sur Terre.
Image de la surface de Titan prise par Cassini présentant de nombreux cratères remparts. © Brouwer et al. 2024, Journal of Geophysical Research: Planet
Des cratères très semblables sur Terre
Depuis une dizaine d’années, nous assistons en effet à la formation d’étranges cratères dans les plaines gelées de Sibérie. Si, au début, la formation subite de ces trous béants dans le permafrost a questionné les chercheurs, de récentes études ont permis de révéler leur origine. Il s’agirait en effet de cratères formés non pas par la chute d’une météorite, mais par une explosion de gaz naturel contenu dans le sous-sol et notamment dans les glaces d’hydrates de méthane situées en profondeur. Le réchauffement climatique, en affectant la zone superficielle du permafrost, induirait une déstabilisation de ces niveaux profonds gelés, entraînant la libération de méthane. L’augmentation de la pression au sein des roches finirait par produire une explosion violente, formant un trou très similaire aux cratères remparts observés à la surface de Titan.
Le cratère de Yamal, en Sibérie, s’est formé par accumulation de méthane sous la surface ayant entraîné une explosion. © Sergey N. Buldovicz, Vanda Z. Khilimonyuk, Andrey Y. Bychkov, Evgeny N. Ospennikov, Sergey A. Vorobyev, Aleksey Y. Gunar, Evgeny I. Gorshkov, Evgeny M. Chuvilin, Maria Y. Cherbunina, Pavel I. Kotov, Natalia V. Lubnina, Rimma G. Motenko & Ruslan M. Amanzhurov, Wikimedia Commons, cc by 4.0
Or, on sait que le sous-sol de Titan doit posséder une importante couche d’hydrates de méthane. Est-il possible que les cratères de cette lune se forment suivant le même mécanisme que sur Terre ?
Pour les chercheurs à l’origine d’un article publié dans la revue Journal of Geophysical Research : Planet, c’est une possibilité à ne pas négliger. Jusqu’à présent, les cratères remparts de Titan étaient associés soit à la formation de « karst » par dissolution d’une croûte de glace d’hydrocarbure par des hydrocarbures liquides, soit à une origine volcanique, notamment lors d’explosions de type maar qui se produisent lorsque de l’eau, s’infiltrant dans la croûte, rencontre un réservoir de magma. Sur Titan, les réactifs ne seraient toutefois pas tout à fait les mêmes, le magma étant remplacé par un cryomagma aqueux, et l’eau par des hydrocarbures liquides. Cependant, ces hypothèses ne satisfaisaient pas totalement les observations.
G.E. Brouwer et ses collègues de l’Université d’Hawaï, ont donc mené une série de modélisations pour tester les deux hypothèses les plus probables : des explosions de type maar ou une explosion par accumulation de méthane à la suite d’une déstabilisation des hydrates de méthane.
Leurs résultats révèlent qu’en fonction de la composition de la croûte de Titan, ces deux hypothèses peuvent être valables. L’explosion de type maar serait favorisée dans le cas d’une croûte composée uniquement de glace d’eau, alors que l’explosion par émission de méthane serait plus plausible dans le contexte d’une croûte majoritairement formée de composés organiques. Dans les deux scénarios toutefois, la quantité de méthane émise lors de l’explosion serait suffisamment importante, de 1011 à 1014 kg, pour assurer le maintien d’une atmosphère riche en méthane, une particularité de Titan dont l’origine était jusqu’à présent mal comprise.
Par FUTURA
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