Santé & Bien-être

Comment le cerveau code-t-il les souvenirs ?

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Une récente expérience chez des patients épileptiques tente de mettre en évidence les groupes de neurones qui sont chargés d’encoder nos souvenirs et de se réactiver lorsqu’on veut s’en rappeler précisément.

Le système nerveux est un agrégat de neurones et de cellules gliales qui permet à l’information de circuler. On dénombre pas moins de 100 milliards de neurones dans le cerveau humain et dix fois plus de cellules gliales, ce qui fait de notre cerveau une machine extraordinairement complexe. Dans son entreprise réductionniste, la science souhaite mettre le doigt sur les fonctions spécifiques de certains groupes de neurones. L’une des thématiques d’intérêt des neurosciences et de la psychologie est l’étude de la mémoire.

Quelques rappels sur la mémoire

La mémoire correspond à un ensemble de systèmes chargés d’encoder, de conserver, de rappeler, de trier et d’oublier de l’information. « Au niveau biologique, la mémoire est sous-tendue par ce qu’on appelle l’engramme qui réfère à un réseau de neurones qui sous-tend une information », explique Alexandra Gros, docteure en neurosciences, spécialiste de l’étude de l’hippocampe et de ses fonctions mnésiques dans le cerveau adulte.

Au niveau cognitif, on distingue plusieurs sous-systèmes de mémoire. D’un point de vue temporel, on différencie la mémoire à court terme (ou mémoire de travail) de la mémoire à long terme. La première vous permet de garder des informations en mémoire pendant un court instant et de vous en servir, par exemple vous souvenir d’un numéro de téléphone pour l’ajouter à vos contacts.

La seconde contient des informations non déclaratives (ou implicites) et déclaratives (ou explicites). La mémoire non déclarative réfère aux éléments dont le rappel ne nécessite pas l’usage du langage. La mémoire procédurale est un exemple de mémoire non déclarative : quand on fait du vélo, nos muscles bougent sans que l’on doive prendre conscience et mettre en mot chaque mouvement.

Dans cet article, c’est la mémoire déclarative qui va nous intéresser. Elle se différencie également en deux types de mémoires distinctes dont la découverte est attribuée à Endel Tulving, chercheur en psychologie estonien et canadien, décédé en septembre dernier. « On distingue la mémoire sémantique, qui est la mémoire des faits bruts décontextualisés et la mémoire épisodique qui est la mémoire reviviscente des épisodes spécifiques vécus », rappelle Lucile Rey, docteure en neurosciences, spécialiste de la mémoire épisodique chez l’être humain. Illustrons cela avec un exemple : vous pouvez vous souvenir précisément d’un week-end que vous avez passé à Paris (mémoire épisodique) tout en sachant, indépendamment de ce week-end, que Paris est la capitale de la France (mémoire sémantique).

POUR CETTE ÉTUDE, LES CHERCHEURS SE SONT INTÉRESSÉS À LA MÉMOIRE DÉCLARATIVE. © DEAGREEZ, ADOBE STOCK

Deux grandes théories de la mémoire

Pour rendre compte du fonctionnement du système mnésique épisodique, il existe deux grands modèles théoriques : « historiquement, le modèle de Tulving suggère que la mémoire épisodique est opposée à la mémoire sémantique, et réfère aux questions quoi, où et quand. Plus récemment, le modèle de Conway est venu challenger cette vision simpliste. Nos souvenirs sont selon lui un mélange complexe d’informations épisodiques qui seraient construites sur des fondements sémantiques, raconte Lucile Rey. Elle ajoute que la distinction est importante à saisir, car dans la plupart des études qui s’inscrivent dans le modèle d’Endel Tulving, chez l’être humain, la mémoire est étudiée de manière très encadrée (tout est contrôlé) mais très simplifiée. Nos souvenirs peuvent être réduits au rappel d’une liste de mots associés à un sentiment de recollection. Les personnes s’intéressant à la mémoire autobiographique vont, elles, étudier des vrais souvenirs. Ces souvenirs seront complexes, contiennent plein de détails et d’informations. Mais, la mémoire n’est pas une copie exacte d’un événement passé, et il sera impossible au chercheur de déceler les erreurs de rappel. Or, ces deux types de mémoire n’activent pas les mêmes réseaux. »

On comprend que la première méthode est facilement utilisable en laboratoire tandis que la seconde comprend de nombreux biais (déjà évoqués dans un article sur l’amnésie infantile). Dans un récent article de recherche publié dans Nature Human Behaviour, des chercheurs américains, britanniques et allemands sont partis à la recherche des neurones qui codent pour un épisode en particulier en utilisant une méthodologie proche de celle préconisée par le courant de Tulving. Ils souhaitent savoir si les neurones de l’hippocampe codent pour des éléments spécifiques d’un souvenir épisodique ou s’ils codent pour la totalité d’un souvenir. « Leur expérience cherche à départager deux théories. La première – l’indexing theory – propose que le rôle de l’hippocampe dans le stockage de l’information soit de former et de conserver un index de zones néocorticales activées par l’épisode. La seconde – la théorie des neurones concepts – suggère que l’hippocampe réactive des neurones indépendants du contexte de l’épisode référant à des éléments invariants (des concepts) qui s’agrègent pour former le souvenir épisodique », explique Lucile Rey. Les auteurs s’inscrivent dans la première théorie et vont chercher à montrer l’existence de neurones spécifiques aux épisodes. Rappelons que même s’ils y parviennent, cela ne pourra pas déterminer absolument la véracité de cette théorie.

LES NEURONES HIPPOCAMPIQUES CODENT-ILS DES ÉLÉMENTS SPÉCIFIQUES D’UN SOUVENIR ÉPISODIQUE ? © WHITEHOUNE, ADOBE STOCK

Des patients épileptiques comme modèle expérimental

Bien évidemment, on ne peut pas faire ce genre d’expérience en population générale car elle est bien trop invasive. On profite alors des patients chez qui on a implanté des électrodes dans le but d’identifier la zone du cerveau où se situe le foyer épileptique (la zone « malade » du cerveau). Concernant l’expérience, voici comment les chercheurs ont procédé : « ils ont présenté une image d’animal aux participants pendant une durée de 2 secondes. Ensuite, ils présentent une image représentant un visage, une place ou les deux avec l’image d’animal et demandent aux participants de se raconter une histoire dans leur tête faisant intervenir cette composition. Les auteurs suggèrent que cela mime la création d’un souvenir épisodique. Enfin, ils présentent à nouveau l’image d’animal et demandent aux participants à combien d’autres images elle était associée : 1, 2 ou 0. Chez ceux

Par FUTURA

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