Parce qu’elle améliore l’empathie, et donc le rapport aux autres, diminue le stress ou renforce les capacités de négociation, cette pratique est loin d’être uniquement un outil de développement personnel. C’est même un levier de performance pour les entreprises.
Aux États-Unis, pas moins de 60% des entreprises proposent aujourd’hui des séances gratuites de yoga ou de méditation de pleine conscience à leurs salariés, dans la lignée de Google et de Ford qui ont fait figures de pionniers. La méditation en entreprise est devenue un véritable marché à part entière, avec un chiffre d’affaires qui se compte en milliards de dollars.
L’objectif affiché est d’améliorer le niveau de bien-être des équipes. Mais le phénomène n’aurait jamais pris cette ampleur, s’il ne s’agissait que de cela. Les organisations ont un intérêt bien compris à favoriser ces pratiques car elles leur permettent d’améliorer leurs performances. Nos recherches montrent en particulier que la méditation de pleine conscience augmente la capacité des salariés à comprendre et à partager les émotions des autres, autrement dit, elle accroît leur niveau d’empathie. Or, contrairement aux idées reçues, des études répétées et convergentes attestent que cette qualité d’empathie détermine bien davantage les résultats professionnels que le niveau d’intelligence.
Un atout pour le manager également
La plupart des salariés doivent, en effet, coopérer avec des collègues et ceux qui sont empathiques, capables de se mettre à la place des autres, de se décentrer de leurs propres intérêts immédiats, arrivent mieux à travailler au sein d’un collectif, à trouver des compromis, à faire avancer des projets, et cela naturellement au bénéfice de l’entreprise. L’empathie est également une qualité clé lorsqu’il s’agit de convaincre des clients. Les commerciaux qui perçoivent finement les émotions ressenties par leurs interlocuteurs parviennent mieux que les autres à trouver les arguments qui feront mouche. Plus « moraux », ces commerciaux empathiques cherchent aussi moins fréquemment à tromper leurs clients, ce qu’apprécient les entreprises soucieuses de leur réputation sur le long terme.
Une bonne perception des ressorts psychologiques et des enjeux personnels de chacun des collaborateurs est enfin un atout précieux lorsqu’il s’agit de manager habilement une équipe sans avoir à faire preuve d’autoritarisme. Les leaders qui pratiquent la méditation ont souvent de meilleures relations avec leurs subordonnés, augmentant tant leur satisfaction au travail que leurs performances.
Un test réalisé auprès de 400 salariés
Pour montrer l’impact de la méditation sur l’empathie, nous avons mené des tests, notamment dans une entreprise du secteur de l’assurance aux États-Unis et dans une société de conseil en Inde, en examinant le comportement de quelque 400 salariés dont certains méditaient brièvement, comparés à d’autres sans pratique particulière. La différence de comportement est apparue significative, immédiatement après la méditation et également quelques jours plus tard, avec une augmentation des comportements de coopération, des attitudes « pro-sociales », l’aide à des collègues, par exemple.
Cette étude de terrain a été complétée par une recherche expérimentale qui a montré une hausse de la générosité chez les participants à qui on avait demandé de méditer avant le test. Invités à partager avec d’autres les gains qu’ils avaient obtenus au cours d’un jeu, les participants qui avaient médité donnaient sensiblement plus que les autres. Cela prouve que ces pratiques méditatives, même de courtes durées, favorisent les comportements pro-sociaux et l’empathie. Mais ces pratiques ont bien d’autres avantages pour l’entreprise, attestées par différents travaux de recherche. Une publication datant de 2015 démontre notamment qu’une séance de méditation de moins d’un quart d’heure peut aider les individus à accorder plus d’importance au moment présent, ce qui a de multiples avantages. Après la méditation, davantage focalisés sur l’instant, les participants à l’expérience ressassaient moins le passé. Ce moment de calme diminuait même le désir de vengeance chez ceux qui s’étaient sentis injustement traités dans le passé.
Diminuer l’inquiétude face à l’avenir et le stress
Cette centration sur le moment présent s’avère aussi très précieuse pour diminuer l’inquiétude face à l’avenir, avec de nombreuses conséquences favorables. Les personnes anxieuses ont en effet tendance à se surengager professionnellement avec des risques de burn-out. Manquant de confiance en elles, elles supportent mal les critiques et réagissent parfois de manière très forte. La méditation les aide à se détendre, à mieux dormir et à faire face de manière plus réfléchie aux difficultés.
Le fait d’être plus sensible au moment présent permet enfin d’être plus flexible face à la réalité qui évolue. Les gens ont, de manière générale, tendance à persévérer dans une voie au-delà du raisonnable, alors même que celle-ci est devenue contre-productive. Ils accordent souvent trop d’importance à un investissement et renâclent à changer leur stratégie. La méditation, en augmentant la valeur de l’instant présent, permet de corriger ce biais qui valorise trop les actions passées. En cela, elle peut aider à trouver des solutions innovantes.
En matière de négociation aussi, l’enjeu est considérable. Une étude récente menée en Espagne a montré comment la méditation aidait les négociateurs à créer une atmosphère de confiance. Cela confirme quatre expériences menées à Singapour en 2014, lors desquelles des participants, après de brefs exercices de pleine conscience, négociaient de manière plus efficace, avec de meilleurs résultats attribués au fait qu’ils étaient complètement présents dans la négociation.
Que ce soit parce qu’elle favorise l’empathie ou parce qu’elle permet aux salariés d’accorder plus de valeur au temps présent, la méditation de pleine conscience est donc loin d’être seulement un outil de développement personnel, individuel, à utiliser dans un but hédonique ou curatif. C’est un outil de développement social, qui bénéficie directement aux organisations. Gageons que les entreprises françaises, à la suite des américaines, vont s’en emparer de manière massive, au-delà de l’univers des start-ups branchées et des grands groupes les plus avancés dans ce domaine, comme L’Oréal, EDF, Siemens ou Sodexo. Le sujet pourrait d’ailleurs concerner plus largement la société civile, et donc intégrer le domaine de l’enseignement. Former de jeunes Français à être plus empathiques, plus coopératifs, plus sécures et présents à ce qu’ils font, aurait un intérêt majeur.
Par Laura Noval
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