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L’empathie en négociation : la clé du succès est en nous-mêmes

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Oubliez les techniques agressives ! La clé d’une négociation réussie pourrait bien être l’empathie, souvent sous-estimée.

Dans l’entreprise, l’empathie est souvent reléguée au second plan. Elle est considérée comme une compétence douce, moins importante que les compétences métier. Pourtant, elle est l’une des armes secrètes d’une négociation réussie.

L’empathie est un concept très différent de la sympathie. L’empathie (du grec ancien, ἐν, « dans, à l’intérieur » et πάθoς, « souffrance, ce qui est éprouvé ») est une notion qui désigne la compréhension des sentiments de l’autre, tandis que la sympathie (du grec ancien σύν, « ensemble ») désigne la fusion de ses sentiments avec ceux d’autrui. Pour ressentir les sentiments de l’autre, on perd la conscience de son « moi » et l’on devient alors émotionnellement impliqué dans le conflit — ce qui n’est pas conciliable avec l’exigence du négociateur, qui doit savoir prendre de la hauteur sur le problème et être détaché émotionnellement.

Un bon négociateur se doit, dans ses qualités premières, d’être empathique ; c’est-à-dire d’avoir une capacité à comprendre les émotions de l’autre sans se les approprier, ni les juger. Prenons l’exemple d’un interlocuteur anxieux. Le bon négociateur, à travers un questionnement adroit, cernera son anxiété, sans pour autant la ressentir lui-même ou la valider. À noter que l’anxiété est un élément à comprendre et à traiter objectivement, sans porter de jugement de valeur.

Pour être capable de différencier empathie et sympathie, il faut se poser la question de sa lucidité dans son rapport à l’autre :

  • Avez-vous une conscience claire de la nature de la relation que vous entretenez avec l’autre ?
  • Votre comportement envers l’autre resterait-il identique si la situation impliquait une personne différente ?

Si vous répondez à ces questions par l’affirmative, il y a de fortes chances pour que vous soyez empathique. Si en revanche, vous répondez négativement à ces questions, vous risquez de basculer dans la sympathie.

Dans cette volonté de compréhension des émotions des autres, il ne faut pas s’omettre de l’équation. Car la première forme d’empathie doit nous apporter une meilleure compréhension de nos propres émotions.

L’importance de l’introspection

Selon une récente étude, l’introspection autorise davantage d’efficacité dans son rapport à l’autre. Cette introspection, ou la capacité de se regarder soi-même avec honnêteté et curiosité, est la première étape pour comprendre les autres (« The Meaning of Introspection: Introspection, Scientific Psychology and Neuroscience », de H.G. Callaway, Temple University, 2023).

Avant de pouvoir se connecter aux émotions des autres, il est essentiel de comprendre et d’accepter ses propres émotions. Pour ce faire, il est possible de réaliser une « météo intérieure ». Cela consiste à prendre le temps de ressentir ce qui se passe en soi : quelle émotion est présente en vous ? Quelle est votre humeur du jour ? En pratiquant cet exercice régulièrement, vous gagnerez en connaissance de soi.

Les émotions comme guides

Nos émotions ne sont pas positives ou négatives. Elles sont agréables ou désagréables (« Les émotions », de Robert Dantzer, PUF, 2002). Cette distinction est importante car elle met en lumière l’utilité de chaque émotion, quelle qu’elle soit. En effet, les émotions nous renseignent sur la situation que nous vivons et incitent notre corps à réagir en conséquence (ex movere, en latin).

Quelles soient agréables ou désagréables, les émotions guident donc nos décisions. Par exemple, lors d’une négociation sur un contrat, la frustration peut indiquer que nos attentes ne sont pas satisfaites, tandis qu’à l’inverse la joie peut signaler que nous sommes sur la bonne voie. Ces émotions sont comme des boussoles, nous indiquant si nous nous rapprochons d’un accord qui fait sens ou non pour nous.

Les dangers de l’ignorance émotionnelle

Ignorer les signaux émotionnels est risqué. Les phrases ou injonctions telles que « je dois » ou « il faut que » peuvent être des signes d’auto-sabotage sur le long terme ou face à un stress non ponctuel. En effet, refouler ses émotions peut mener à l’épuisement ou même au burn-out. C’est d’ailleurs un manque d’empathie envers soi-même qui conduit à l’épuisement professionnel.

Comme nous aimons le rappeler : « Quand l’émotion ne s’exprime pas, elle s’imprime. Et quand elle s’imprime, elle déprime. » C’est pourquoi il est essentiel d’écouter et de respecter ses propres émotions, même dans un contexte professionnel. Qu’elles soient agréables ou désagréables, elles sont toujours utiles et importantes.

L’empathie comme outil stratégique

L’empathie est un outil puissant dans le monde de l’entreprise. En se connectant à nos émotions, nous forgeons des relations solides et des accords bénéfiques pour tout le monde. Mais l’empathie va au-delà de la simple compréhension de soi. Elle permet également de mieux comprendre ses interlocuteurs, de prévoir leurs réactions et d’ajuster sa stratégie en conséquence (« Why It Pays to Get Inside the Head of Your Opponent: The Differential Effects of Perspective Taking and Empathy in Negotiations », d’Adam D. Galinsky et William W. Maddux, Association For Psychological Science, 2008).

► 3 astuces pour augmenter son empathie immédiatement :

  1. Passer d’une volonté de convaincre à une volonté de comprendre son interlocuteur
  2. Ecouter avec humilité et respect, sans projeter ses propres croyances sur les propos
  3. Mettre des mots sur les émotions que nous ressentons ou vivons lors de notre échange

Dans le monde compétitif de l’entreprise, l’importance de l’empathie peut aisément être reléguée au second plan. Or, ceux qui s’accordent le temps de se saisir de leur propre essence et de sonder celle d’autrui se dotent d’un atout indéniable.

Le chemin vers l’empathie commence forcément avec une intention et autorise performance sociale et économique pour l’entreprise. Souvenons-nous qu’en négociation dire « non » à l’autre c’est se dire « oui » à soi. Et cela n’est possible que si l’on se connait suffisamment. En fin de compte, l’empathie n’est pas une simple compétence douce, mais bien une compétence fondamentale pour quiconque aspire à la réussite en entreprise. En effet, il est impossible d’influencer le cadre de référence d’autrui, sans d’abord comprendre ce qui influence le nôtre.

Par Julien Pelabere

 

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