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Le syndrome des survivants dans les restructurations d’entreprise

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Face aux restructurations d’entreprise, le syndrome des survivants émerge comme un défi psychologique majeur. Une gestion proactive s’impose de la part des organisations.

Le syndrome des survivants, souvent méconnu, survient dans les entreprises après des licenciements massifs ou des restructurations. Ce phénomène complexe affecte les collaborateurs restants, confrontés à un mélange de culpabilité, d’incertitude, et de changements organisationnels. Des stratégies existent heureusement pour le gérer efficacement (« Risques psychosociaux et Qualité de Vie au Travail », sous la direction de Frédéric Chapelle, Dunod, 2018).

Mais d’abord, de quoi parlons-nous ? Le syndrome des survivants décrit l’état psychologique des collaborateurs qui restent dans l’entreprise après un plan social. Ils peuvent éprouver de l’épuisement, de l’insomnie, de l’anxiété, et dans certains cas, faire une dépression (« Le stress des « survivants » à un plan social », de François-Philip de Saint-Julien et Delphine, La Revue des Sciences de Gestion, 2010).

Selon les travaux de l’Hires (Health in Restructuring), même cinq ans après une restructuration, les survivants ressentent un niveau d’insécurité supérieur à celui des salariés non exposés à ces changements. Ce sentiment persistant (dépression) et durable (effet sur les relations travail-famille) souligne la nécessité d’une gestion proactive de ces situations. Il est crucial de communiquer ouvertement sur les restructurations. Une communication claire et honnête peut réduire l’incertitude et améliorer l’acceptation des changements par les collaborateurs.

La mise en place de cellules d’écoute psychologique et de permanences sur site peut aider les collaborateurs à gérer leur stress et leur sentiment de culpabilité. Former les managers à reconnaître et à gérer les signes de détresse chez leurs équipes est essentiel. Ils jouent un rôle clé dans le soutien et la motivation des salariés.

Cas d’étude : Sony à Ribeauvillé

Dans le cadre de son Plan de Sauvegarde de l’Emploi, Sony a fait face à un défi majeur : maintenir la motivation et la santé mentale de ses employés restants après une vague de restructurations. Consciente des risques du syndrome des survivants, caractérisé par l’incertitude et le stress, l’entreprise a adopté une approche proactive.

Pour cela, Sony a organisé une série de séminaires destinés à aider ses collaborateurs à s’adapter aux nouvelles réalités de l’entreprise. L’objectif était de mieux faire comprendre leurs nouvelles responsabilités dans le cadre des changements organisationnels, de renforcer l’esprit d’équipe souvent mis à mal dans de telles circonstances, former les salariés à mieux gérer le changement, y compris en développant des stratégies pour faire face à l’incertitude et au stress, et enfin, fournir une plateforme pour une communication fluide et transparente entre la direction et les employés.

Les résultats de cette initiative ont été largement positifs. Les collaborateurs ont souligné une meilleure compréhension des restructurations et de leurs impacts. De plus, une diminution notable du stress et de l’anxiété a été observée, grâce à une communication améliorée et à une meilleure appréciation des changements en cours. La cohésion au sein des équipes s’est également renforcée, créant un sentiment plus fort d’appartenance et de soutien mutuel. Enfin, cette meilleure adaptation au changement s’est traduite par une augmentation de la productivité.

L’expérience de Sony offre un exemple précieux pour toutes entreprises confrontées à des défis similaires. Investir dans le bien-être des salariés restants est en effet crucial pour garantir non seulement leur santé mentale, mais aussi la productivité et la stabilité globale de l’entreprise.

Les conséquences des restructurations

Les effets à court et moyen terme d’une restructuration sur les collaborateurs restants sont complexes et multifactoriels. Ils englobent un large éventail de conséquences qui touchent différents aspects de leur expérience professionnelle et personnelle (« Downsizing and organizational performance : A review of the literature from a stakeholder perspective », de John Kammeyer-Mueller, Hui Liao et Richard D. Arvey, Elsevier Science/JAI Press, 2001).

Effets à court terme :

  1. L’augmentation significative du stress et de l’anxiété, avec pour corollaire des perturbations du sommeil, une perte de concentration et une plus grande irritabilité.
  2. La persistance du travail, malgré la maladie et la fatigue, alimentée par la crainte de perdre son emploi ou de donner l’impression d’un moindre engagement.
  3. Une baisse notable de la créativité.
  4. Une diminution de l’engagement envers l’entreprise.

Effets à moyen terme :

  1. La dépression et l’épuisement professionnel(burn out) ;
  2. Le risque de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires) ;
  3. L’absence de dynamique d’équipe(apathie, résignation) ;
  4. La méfiance et la compétition(tensions et conflits).

Une politique de soutien proactive devient nécessaire

Un certain nombre de recommandations telles que le soutien psychologique, la formation au management du stress, la communication transparente et la promotion d’une culture d’entreprise positive peuvent contribuer à atténuer ces impacts négatifs.

  1. Évaluation et Suivi Continu: Instaurer un observatoire pour collecter des données sur l’impact des restructurations sur la santé des salariés et évaluer continuellement ces effets avant, pendant et après les changements.
  2. Soutien aux salariés affectés: Mettre en place des mesures de soutien tant pour les salariés licenciés, en mettant l’accent sur la gestion du stress et la préparation à la transition professionnelle, que pour les salariés restants (« survivants »), en abordant les problèmes de stress, de motivation et de changement d’attitude.
  3. Formation et préparation: Préparer les salariés à la flexibilité et à la mobilité, en les formant pour s’adapter aux changements et aux futures restructurations.
  4. Communication équitable et transparente: Assurer une communication transparente et équitable pour maintenir la confiance des salariés et les impliquer activement dans le processus de restructuration.
  5. Attention spéciale au management intermédiaire: Prendre soin des cadres intermédiaires, souvent pris en étau entre la mise en œuvre et l’impact personnel de la restructuration.
  6. Garantie des mêmes droits de santé aux travailleurs temporaireset meilleure inclusion
  7. Responsabilité sociale et employabilité: Promouvoir une responsabilité sociale des entreprises en matière d’emploi et de santé, et développer l’employabilité des salariés à travers des initiatives de formation et d’assistance.

Le syndrome des survivants est un défi complexe pour les entreprises en période de changement. Une gestion efficace nécessite une communication transparente, un soutien psychologique adapté, et une formation des managers.

En abordant de manière proactive ces enjeux, les entreprises peuvent non seulement préserver la santé de leurs collaborateurs, mais aussi favoriser une transition plus harmonieuse et productive.

Par Olivier Meier

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