Leadership

Dirigeants : une espèce en voie de disparition ?

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A force de faire la promotion des organisations plates et de la responsabilisation à tous les étages, on pourrait penser que les dirigeants ne sont plus indispensables. Erreur. En revanche, leur rôle doit évoluer.

Et si la fonction de dirigeant était amenée à disparaître ? La question ainsi posée porte en elle une part évidente de provocation. Néanmoins, au regard de l’actualité économique, sociale et politique récente, on ne peut que constater que le concept d’incarnation d’un pouvoir, quel qu’il soit, est fortement remis en question.

Chaque figure d’autorité est aujourd’hui contestée : la force politique, les puissances syndicales, les relais médiatiques. En somme, nous traversons une crise de la crédibilité et de la reconnaissance, mais aussi de la légitimité. Cette crise ne peut qu’impacter violemment l’entreprise et sa figure de proue, à savoir le dirigeant. Une étude récente est venue confirmer cette défiance de l’opinion vis-à-vis des dirigeants de très grandes entreprises. Les chiffres sont éloquents : 66% des sondés en ont une mauvaise opinion, les qualificatifs qui leur sont attribués parlent d’eux-mêmes – méprisants, autoritaires – et leur utilité même est remise en question puisque 70% des sondés estiment que les dirigeants agissent en faveur de leur seul intérêt personnel. Cette étude dresse un panorama fait de clivages et de défiances, où la figure du dirigeant résonne négativement. D’ailleurs, parmi les personnalités préférées des Français, on ne retrouve aucun dirigeant (de quelque nature que ce soit) dans les 50 premiers cités, hommes ou femmes.

Les PME mieux loties

Pour autant, nuançons ce propos, car cette même étude met en avant une singularité, 80% des sondés ont une bonne opinion des dirigeants de petites PME. De sorte que ce ne serait pas la figure de dirigeant qui serait remise en question, mais un certain éloignement, une absence de sens.

Du côté des plus grandes entreprises, on a vu apparaître, depuis quelques années, les concepts d’entreprise libérée, d’architecture plate, de disparition des lignes managériales, qui sont venus éroder la figure tutélaire du manager, voire du dirigeant. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, aucun de ces concepts ne remet réellement en question le rôle décisif du dirigeant et d’une certaine manière même il le renforce. L’entreprise libérée, par exemple, réinstaure comme fondements, non pas l’absence de direction, mais bel et bien le renforcement de la responsabilisation, de l’autorité et le concours à un projet d’entreprise clairement établi. Les collaborateurs ne sont pas livrés à eux-mêmes dans une fausse autonomie. Il s’agit plutôt d’instaurer un rapport nouveau à l’idée d’engagement. Une entreprise sans direction s’apparente plus à une bouteille à la mer qu’à un réel projet stratégique. On peut juger positivement ou négativement le projet d’entreprise porté par Patrick Drahi mais force est de constater que quand il a fallu monter aux premières lignes pour rassurer les marchés, les investisseurs et le corps social d’Altice alors en pleine tempête – en novembre 2018, l’entreprise voyait son titre dégringoler de 12% à la suite de résultats jugés décevants par les investisseurs et au regard d’une dette évaluée à 30 milliards d’euros -, la figure du dirigeant forte et autoritaire au bon sens du terme, s’est révélée décisive.

Sens et engagement

Il y a d’ailleurs une réelle appétence pour la parole du dirigeant. Une étude de Harris Interactive (les CEO sur Twitter) fait ressortir quelques chiffres éloquents : 51% des internautes ont déjà été positivement influencés par la prise de parole d’un dirigeant sur un réseau social et près de 30% des utilisateurs de Twitter sont abonnés à des comptes personnels de dirigeants.

Finalement la demande n’est pas à moins de dirigeants mais à plus de dirigeants pleinement réaffirmés dans leur rôle, leur périmètre et leurs prérogatives, capables de mobiliser un corps social, de proposer de nouvelles voies de création de valeur, qu’elles soient industrielles, financières, humaines ou sociétales. Tout ne peut s’exprimer en chiffres. Selon mon expérience, moins de 20% de la réussite d’un dirigeant est associé à des performances économiques, aux résultats. De quoi le reste est-il fait ? Si diriger se résumait à conduire efficacement une restructuration, alors nous vivrions à l’heure des chargés de mission. Nous serions dans le néant du sens. A l’ère des influenceurs, le dirigeant ne peut plus être uniquement un consultant expert, il doit porter et relayer une vision, être pourvoyeur de sens et d’intelligences. Et surtout s’engager.

Par Christian Pousset

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