Management & RH

Un management humaniste pour une société entrepreneuriale

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Pour Peter Drucker, il ne saurait y avoir de société libre et qui fonctionne bien en l’absence d’organisations et d’institutions performantes, capables de remplir leurs missions de manière efficace. Sinon, ce serait le chaos et la révolution, préludes à la tyrannie. Voilà pourquoi il estimait le management essentiel non seulement pour les entreprises, mais aussi pour la société

Si le Covid-19 n’a pas fini de tester les limites du management, il n’en reste pas moins vrai que certaines conclusions s’imposent déjà. La bonne nouvelle, c’est que les entreprises se sont montrées résilientes. Ce qu’il faut garder en tête, ce n’est pas que certaines d’entre elles, des secteurs du tourisme et du voyage, ont péri, mais que tant d’autres sont toujours en vie, ce qui témoigne d’un optimisme entrepreneurial, d’une adaptabilité du management et d’une détermination à survivre.

La qualité du leadership a autant amplifié les succès que les échecs. Sur un plan négatif, la plupart des Etats se sont montrés incapables de relever les défis posés par la gestion de la crise, empêtrés dans des processus de prise de décision hâtifs, hésitants, entachés par la panique et une mise en œuvre défectueuse. Plutôt que d’informer le public de façon équilibrée, les médias ont appuyé là où cela faisait mal. Dans le secteur public, plus l’on montait dans la hiérarchie, plus les choses empiraient–du niveau local au niveau ministériel, pour finir par la sphère politique avec les échecs de l’Union européenne, dont l’esprit bureaucratique et le manque de capacités en matière de management ont grandement nui aux citoyens.

A l’inverse, nous devrions tirer des leçons des partenariats public-privé qui ont permis le développement d’un vaccin couronné d’un succès tel qu’on n’en voit qu’une fois par siècle et qui soulignent l’intérêt de coopérer pour tirer pleinement parti de capacités existantes. De la même manière, les programmes de vaccination de masse attestent de la sagesse de ceux qui ont su faire appel aux experts de l’exécution et de la logistique pour compléter les atouts du secteur de la santé. Aucun pays n’y est vraiment parvenu. Il reste encore beaucoup à apprendre, en particulier en termes de coopération internationale, pour vacciner les populations des pays les plus pauvres.

Un appel creux à « suivre la science »

A quel niveau les choses ont-elles mal tourné ? La réponse tient en deux mots : gouvernance et prise de décision. La gouvernance consiste à réunir autour d’une table les personnes les mieux placées et de tous horizons pour prendre des décisions équilibrées. Le Covid-19 a mis en lumière les limites d’un management centralisé et bureaucratique dans le traitement des questions complexes qui se posent aux organisations et à la société. De leur côté, les tenants d’une orthodoxie doctrinaire issus du champ médical ont tenté d’étouffer de nouvelles idées et approches du management basées sur l’observation, l’expérimentation et l’apprentissage en continu. L’IA et la prise de décision par algorithme sont moins utiles dans la situation présente que des individus capables d’avoir une pensée critique et d’inclure des points de vue divergents. Chaque type de problème implique une manière de réfléchir – on ne saurait donc recourir à une approche scientifique pour résoudre des questions sociales complexes. Les dirigeants politiques l’auraient-ils compris, qu’ils se seraient abstenus de lancer des appels creux à « suivre la science » dans des situations où celle-ci ne représente qu’un des éléments de réponse et où il leur incombe de parvenir à synthétiser des informations issues de différents domaines. De même, le risque et l’incertitude font partie de la vie moderne et ne sauraient être gérés en s’en remettant à des dogmes de type « principe de précaution ». Le mantra des dirigeants devrait être « ce qui marche » en pratique, même si la théorie énonce le contraire – ce qui est parfois difficile pour ceux qui ont été élevés dans un esprit cartésien strict.

Confronté à cette situation, Peter Drucker aurait sûrement estimé que le meilleur héritage du Covid-19 est de nous avoir permis de résoudre certains problèmes fondamentaux, profondément enracinés. Le but n’est pas de remettre les compteurs à zéro en s’appuyant sur la vision d’un futur numérique idéalisé, mais plutôt de mettre en place un programme d’évolution accélérée visant à créer un cadre institutionnel capable de satisfaire les besoins humains et sociétaux du XXIe siècle, à commencer par ceux d’une jeune génération très touchée par cette crise et qui a cruellement besoin d’objectifs et de perspectives. Comme point de départ, on pourrait prendre le vibrant appel lancé par Charles Handy, lors du Peter Drucker Forum de 2018, en faveur d’un renouvellement du management dans l’esprit de la réforme luthérienne.

Il correspond parfaitement à la conception de Peter Drucker du management en tant qu’« art libéral », dans lequel l’art consiste à faire preuve de jugement et de perspicacité pour, tout d’abord, être conscient de la réalité émergente et poser les bonnes questions, puis mettre en œuvre tous les outils nécessaires, y compris technologiques, afin de prendre les décisions appropriées pour aller de l’avant. Dans cette « société entrepreneuriale », telle que Peter Drucker se la figurait, la capacité à s’autorenouveler serait partagée entre les individus, les institutions et la société, et l’innovation et l’esprit d’entreprise feraient partie de son ADN social et économique. Cette société serait fondée sur la libération de ce que Drucker considérait comme la ressource naturelle la plus essentielle : le potentiel humain. Jamais cette vision n’a semblé aussi impérieuse qu’aujourd’hui.

Par Richard Straub

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