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La théorie des parties prenantes, l’autre stratégie

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La stratégie gagnante, ce n’est pas nécessairement une guerre de position. La stratégie, c’est aussi tisser des alliances profitables pour chacune des parties. Une stratégie implique un grand nombre d’acteurs directs ou indirects. Ce sont les parties prenantes. Voyons comment construire une stratégie qui évite de les laisser sur la touche.

La stratégie des partenaires

Fixer un but à long terme et définir les moyens de l’atteindre en parfait accord avec tous les acteurs concernés directement et indirectement, voilà une révolution !

Définition

La théorie des parties prenantes, stakeholder theory, propose une approche participative de la conception de la stratégie. Plutôt que de n’envisager la stratégie que dans la dimension unique de lutte contre la concurrence, la théorie des parties prenantes prône l’intégration de l’ensemble des partenaires à la démarche.
C’est une conception fondée sur une négociation constructive où l’on s’arrange pour que chacune des parties prenantes trouve son intérêt à coopérer. C’est un modèle de gouvernance négocié et donc participatif.

Une partie prenante, stakeholder en anglais, peut être définie comme « un porteur d’intérêt », c’est-à-dire n’importe quel acteur qui a un intérêt et donc qui joue un rôle dans la conception stratégique et le modèle de gouvernance. Le terme anglais de stakehokder a été choisi en opposition avec celui de shareholder, c’est-à-dire l’actionnaire. Là, le stakeholder a d’autres intérêts que de suivre uniquement la valeur du cours de l’action et des dividendes annuels.

Le principe

Toutes les approches de la stratégie ne s’inscrivent pas nécessairement dans le registre de la combativité. La théorie des parties prenantes prend le contre-pied des autres approches de la stratégie qui n’envisagent la concurrence qu’en terme de rivalité, et dont l’archétype est peut-être le modèle de l’avantage compétitif de Michael Porter.

La théorie des parties prenantes (stakeholders theory) place au premier plan l’importance de prendre en considération les intérêts spécifiques de l’ensemble des acteurs liés à l’entreprise, et donc au processus de création de valeurs, qu’ils soient salariés, actionnaires, dirigeants, sous-traitants, fournisseurs ou distributeurs, banques, public, environnement, voire concurrents potentiels, mais complémentaires pour l’occasion dans le cas d’une alliance stratégique.

Ainsi, plutôt que de jouer la loi du secret, de placer des verrous et de lancer des déclarations de guerre à-tout-va, on laisse une large place à la négociation pour renforcer les partenariats, et on se préoccupe des impacts de la stratégie sur l’environnement et l’éthique publique.

Piloter, c’est partager le pouvoir

Encore faut-il réformer la mesure de la performance afin qu’elle ne soit plus l’outil de contrôle, frein de l’innovation, mais bien l’instrument de pilotage pour tous.

Quelles parties prenantes sont concernées ?

L’entreprise n’est pas une entité abstraite qui vit en vase clos. Elle partage des intérêts avec maints autres acteurs qui défendent aussi chacun leurs propres intérêts spécifiques. Ce sont les « partie-prenantes ». Ils contribuent directement ou indirectement à la création de valeur, ils ont aussi, en tout cas selon la théorie, leur mot à dire sur la stratégie poursuivie et la construction du modèle de gouvernance.

  • 1) Les salariés

Ce sont eux les créateurs de valeur, ce sont aussi eux qui assurent le succès de l’entreprise, ce sont encore eux qui sont en charge de mettre en oeuvre la stratégie. Il semble évident à toutes personnes étrangères au monde de l’entreprise et à ses rites anachroniques, qu’il importe qu’ils participent au premier plan, que ce soit à la conception de la stratégie comme à la conduite de la gouvernance.

  • 2) Les fournisseurs

Ils fournissent les matières premières, les sous-ensembles et tous les composants externes intégrés dans le produit fabriqué. Ils font partie de la supply chain et sont intégrés dans le système de Juste À Temps. Ils sont impliqués au premier plan dans la qualité des produits fabriqués, le niveau de fonctionnalité fourni et le respect des délais des commandes et livraisons client.

  • 3) Les sous-traitants

Tout comme les fournisseurs, ils interviennent au coeur même des processus clés de l’entreprise. La satisfaction de leurs intérêts est donc une clé de la réussite de l’entreprise.

  • 4) Les « spécialistes »

Ce sont des acteurs qui n’interviennent pas nécessairement au sein du processus, ils sont aussi présents en aval, comme formateur, conseil ou expert. Ils sont parfois indispensables pour construire une stratégie viable.

  • 5) Les clients

Les clients sont quelque part l’alpha et l’oméga de l’entreprise. Nul besoin de longs discours pour bien comprendre que la satisfaction de leurs attentes, exprimée ou pas (la bonne surprise !), est bien le sujet de la stratégie.

  • 6) Le public

Une éthique d’entreprise s’impose. Il s’agit d’être responsable des impacts de son action aussi bien sur la société humaine que sur la nature. Les règles établies dans le cadre du développement durable et du RSE sont une base de travail pour justement être en accord avec le public. Dans le cas contraire, avec la puissance des réseaux sociaux d’aujourd’hui, le retour de bâton sera sévère.

  • 7) Les syndicats

Le meilleur moyen d’être en accord avec les salariés, c’est d’être totalement transparent et de jouer la négociation. Les syndicats sont des partenaires, pas des ennemis.

  • 8) Les investisseurs

Ils financent, ils sont donc concernés par l’établissement de la stratégie. Attention toutefois de ne pas commettre l’erreur de leur donner la priorité sur les autres partenaires

  • 9) Le gouvernement

À voir au cas par cas. Selon le secteur d’activité de l’entreprise, il s’agira d’un partenaire neutre, indispensable ou inévitable.

  • 10) Les associations locales

Une entreprise remplit un rôle social. Être proche des associations, favoriser le tissu économique local est un rôle que bien des coopératives remplissent à merveille. Les entreprises capitalistiques sont un peu à la traîne sur ce sujet.

  • 11) Les alliés

Les concurrents peuvent aussi être des partenaires à l’occasion. Voir notamment cet article du journal « Les Echos » 

Autres acteurs du même secteur économique, partenaires pour l’occasion :

En pratique

Comme l’intitulé de la démarche ne le cache pas, il ne s’agit que de théorie. La mise en pratique est loin d’être évidente. Déjà, négocier à deux ce n’est pas simple. On imagine avec un tel nombre de partenaires… Seront-ils tous coopératifs, c’est-à-dire prêts à accepter des concessions sans frustration ? Saura-t-on en finir avec la loi du plus fort, règle fondamentale de la négociation en entreprise pour construire un projet commun ? Là est l’énigme à résoudre.

La théorie non plus n’est pas récente, et bien des études l’ont enrichie. Les positions dominantes de certaines parties prenantes, ou encore la prise de risques vis-à-vis de ceux qui n’en prennent pas, sont aussi considérées au fil des études. C’est en tout cas une bonne référence pour prendre conscience qu’une stratégie n’est pas nécessairement la préparation d’un champ de bataille.

Par Alain Fernandez  

 

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