L’IoT est un domaine passionnant du point de vue métier. On va littéralement créer des systèmes connectés innovants totalement inédits qui engendreront la création de nouveaux business models.
C’est une matière toute aussi captivante pour les ingénieurs car les systèmes IoT ont une place à part dans le monde de la data : ils se caractérisent souvent par de très grosses volumétries de données et surtout par une très grande vélocité dans l’émission des messages. Après les smartphones, les capteurs IoT sont sans doute les systèmes les plus bavards du monde informatique ! Dans certaines entreprises, ce sont des milliards d’événements qui doivent être collectés et traités chaque jour. Le défi est alors de concevoir des architectures capables d’accompagner l’explosion du nombre de capteurs chez les industriels.
Challenge n° 1 : Maîtriser la technologie
Si on le compare à un projet e-commerce ou marketing, la phase amont d’un projet IoT met en œuvre des technologies très spécifiques. La collecte des données active des capteurs et des équipements très particuliers, de même que les réseaux utilisés pour transporter les données. Les bases de données quant à elles, sont optimisées pour les séries temporelles (Time Series) afin de stocker tous ces messages.
En outre, certains appareils sont dans des zones inaccessibles, notamment ceux qui captent le niveau des rivières et des retenues d’eau en montagne afin de prédire la capacité de production hydroélectrique. La durée de vie de ces capteurs correspond à celle de leur batterie, raison pour laquelle ils émettent très peu de données. Il leur faut donc être très robustes. Idem pour les architectures qui doivent être auto-réparantes pour redémarrer automatiquement si un nœud réseau tombe en panne. Le Chaos Engineering permet de tester ce type d’architectures en simulant des pannes, que ce soit des failles système ou des soucis de serveurs.
Challenge n°2 : Mettre l’IA au service des métiers industriels
La tendance actuelle converge vers ce que l’on appelle le fog computing. Les capteurs ont la capacité de remonter des données, mais de plus en plus une partie de l’analyse est réalisée au niveau du device. Aujourd’hui, on est même capables de déployer des modèles d’intelligence artificielle au niveau du capteur, dans une approche de type « AI at edge ». C’est notamment le cas de l’analyse d’image en temps réel, avec des caméras connectées qui embarquent un composant spécialisé ou un GPU pour exécuter en local l’inférence d’IA. Auparavant, la caméra envoyait son flux vidéo en central pour que les images soient analysées. Aujourd’hui, la caméra va traiter la vidéo, réaliser une détection d’anomalies en local. La charge de données (payload) transmises sur le réseau ne porte que sur ces données analysées, ce qui est beaucoup plus léger qu’un flux vidéo. Or, les réseaux spécialisés IoT offrent des débits très faibles et l’enjeu est d’émettre le moins de données possible. C’est la raison pour laquelle l’analyse va être de plus en plus déléguée aux devices.
Challenge n°3 : Évaluer un ROI fiable
Accroître la disponibilité d’équipements industriels ou optimiser un plan de maintenance industrielle délivre des gains quantifiables très importants en termes de production et de chiffre d’affaires, les ROI des projets IA s’avèrent très élevés.
En effet, contrairement à une maintenance planifiée, on ne remplace que les pièces qui vont présenter une défaillance à terme, ce qui contribue à réduire le coût global de la maintenance. Par exemple, la start-up CaRool mesure l’usure des pneus simplement avec la caméra d’un smartphone. Cela permet de procéder au remplacement des pneus de camion en fonction de l’usure effective des bandes de roulement, et non plus à date fixe.
Le coût d’entrée d’une architecture IoT est bien plus bas que ce qu’il a pu être il y a quelques années. Les solutions sont plus matures et bien industrialisées. En outre, de nouveaux gains de productivité peuvent être espérés dans les prochains mois. L’IA va notamment simplifier le travail sur la qualité des données, les modèles de type NLP (Natural Language Processing) vont permettre d’analyser les champs de saisie libre que les techniciens sont amenés à compléter lors de leurs interventions. Les technologies LLM (Large Language Models) telles que ChatGPT permettront aux techniciens de converser directement avec la machine et d’accéder aux données en langage naturel.
Challenge n°4 : Entrer dans l’économie de la donnée
Un challenge auquel on ne pense pas forcément, c’est la propriété sur la donnée. Dans le secteur routier par exemple, c’est le transporteur, qui est le propriétaire des camions. Il faut qu’il donne son accord et qu’il trouve une valeur ajoutée à partager les données de ses véhicules. Pour les industriels ou les start-ups, c’est un challenge important de monétisation des données. Il faut trouver les modèles qui vont permettre de mettre en place ce partage de la donnée. C’est notamment ce qu’a fait Kärcher qui a fait pivoter son modèle : alors qu’ils ne proposaient leurs équipements qu’à la vente, grâce à la donnée ils peuvent aujourd’hui vendre de l’heure d’utilisation. Seuls l’IoT et la Data permettent de créer ces modèles innovants.
L’hétérogénéité des systèmes et des données reste encore un frein majeur à l’essor de l’IoT dans l’industrie. Un industriel peut avoir une cinquantaine de fournisseurs différents pour les vannes installées sur ses sites de production. Il est difficile d’installer un même capteur sur toutes ces vannes, sachant qu’en parallèle les fournisseurs collectent aussi des données et les commercialisent auprès de leurs clients.
Challenge n°5 : Garantir la cybersécurité des installations industrielles
La cybersécurité est un prérequis à tout projet IoT. Contrairement aux pratiques de l’informatique de gestion, les industriels utilisent des réseaux industriels totalement séparés. Ces réseaux ne sont pas connectés à Internet. Bien souvent, les capteurs IoT exploitent un réseau distinct de type LoRa, Sigfox, ou la 5G. Une passerelle assure alors le chiffrement des échanges, mais un pirate n’aura pas la capacité physique à accéder au réseau industriel proprement dit. La sécurité des objets connectés a longtemps été un problème, mais les fabricants d’équipements ont gagné en maturité et adoptent le concept de « Secure by Design » avec des produits mieux testés qui intègrent des fonctions de chiffrement et de filtrage avancés.
Si les concepts de l’Industrie 4.0 progressent auprès des industriels, ils préfèrent souvent porter leurs efforts sur la production plutôt que sur des projets IT ou IoT. C’est une résistance qui s’atténue peu à peu. De même, si le cloud présente des atouts indéniables pour déployer des cas d’usage rapidement et alimenter un digital twin de l’entreprise, les entreprises préfèrent miser sur un modèle plus hybride, avec des données collectées en interne sur un concentrateur. C’est ce dernier qui pousse les données vers le cloud. Ce modèle présente l’intérêt de ne pas être trop intrusif dans les installations industrielles et de bénéficier de la puissance et de la souplesse du cloud public pour porter les données et les algorithmes.
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