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Le phénomène des ‘Gnambros’ en Côte d’Ivoire : Sécurité, ordre public et cohésion sociale en péril

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Les ‘gnambros’, également appelés "gros dur" en nouchi, un argot ivoirien, se
trouvent dans les environs des gares routières et ont pour activité d'aider à
charger les passagers dans les véhicules de transport. Traditionnellement, ils
sollicitent des conducteurs une somme d'environ 25 francs CFA par passager
(l'équivalent de quatre centimes d'euro) en tant que "droit de chargement".

Cependant, ce service s'est transformé en une dynamique plus agressive : les
gnambros contraignent désormais les chauffeurs de taxis collectifs à verser des
pourboires de plus en plus élevés, n'hésitant pas à recourir à la violence pour
intimider les conducteurs récalcitrants. Munis de bâtons, de poings américains,
de lance-pierres et même de "dents de caïman", des objets pointus destinés à
crever les pneus des véhicules, ils sont perçus comme une menace constante par
les chauffeurs de wôro-wôro ou de gbaka, les taxis abidjanais et même pour les
populations.
Le phénomène des "gnambros" en Côte d'Ivoire, bien que profondément ancré
dans les réalités urbaines, a pris une ampleur croissante, comme en témoignent
les chiffres récents. Le terme "gnambros", originaire du nouchi, langage
populaire ivoirien, est utilisé pour désigner ces jeunes impliqués dans des
activités informelles de transport et de logistique. L'évolution de ce phénomène
peut être illustrée à travers plusieurs chiffres clés.
L'urbanisation rapide en Côte d'Ivoire a contribué à l'émergence des gnambros.
Avec une croissance démographique moyenne d'environ 2,5 % par an, les villes
ivoiriennes ont vu une augmentation de la demande de services de livraison et
de transport informels, alimentant ainsi le phénomène des gnambros.
Selon les estimations, près de 40 % de la population ivoirienne a moins de 25
ans, ce qui représente une vaste réserve de jeunes potentiellement impliqués
dans des activités informelles, dont beaucoup pourraient être qualifiés de
gnambros. Ce chiffre souligne le lien entre le manque d'opportunités formelles
d'emploi et l'essor de ces activités informelles.
Les gnambros jouent un rôle crucial dans l'économie informelle. Environ 60 %
du produit intérieur brut (PIB) de la Côte d'Ivoire provient du secteur informel.
Les activités de collecte et de livraison de marchandises des gnambros

contribuent à cette part substantielle de l'économie, mais au prix d'une régulation
inadéquate et d'une protection sociale limitée.

Lors de notre enquête, nous avons pu interroger des jeunes gnambros dans la
commune de Cocody.
Agé de 18 ans A. P témoigne en ces termes ; « je suis devenu gnambros parce
que je suis sans emploi. Chaque jour je suis au quartier, je ne travail pas. Mes
parents aussi n’ont pas les moyens pour me mettre à l’école. Donc pour vivre
c’est difficile. Tant que je ne fais pas ça je ne peux pas avoir l’argent pour
manger’’.
Pareil Seydou qui a quitté ses parents qui sont à l’intérieur du pays pour
regagner Abidjan, la capitale économique ivoirienne pour ‘’se chercher’’, selon
lui. ‘’je suis rentré dans le groupe des gnambros pour avoir un peu d’argent sur
moi chaque. Parce sans ça je ne peu pas manger. Quand nous sommes sur la
route chaque voiture qui charge devant nous doit payer. Nous sommes dans
toutes les communes d’Abidjan et dans certaines villes du pays. Nous avons nos
patrons’’.
Dans la commune de Cocody, le maire de ladite commune a voulu interdire ces
jeunes de stationner les véhicules de transport. Mais cette décision a créé une
vague d’indignation. Des bagarres rangées ont été observées. Et de nombreux
blessés ont été comptabilisés.
Donnant des précisions sur ce phénomène, un syndicaliste précise ceci : ‘’Les
gnambros ont été créés dans les années 90 par l’ancien syndicat unique des
transports (SNTM-CI) pour faire face à la création de nouveaux syndicats de
transporteurs qu’ils voyaient comme une menace pour son marché. Pour garder
la main mise sur le secteur, l’ancien syndicat a embauché des gros bras chargés
de taxer les chauffeurs. Petit à petit, chaque syndicat a recruté ses gnambros, et
le système s’est organisé : chaque syndicat s’arrangeait pour avoir "son jour de
collecte" et éviter les affrontements entre gnambros. Ce n’était pas un système
acceptable pour le client, mais au moins il y avait peu de débordement.

Le problème, c’est que beaucoup de gnambros ont décidé de s’émanciper de la
tutelle de ces syndicats pour faire leur propre business et utilisent depuis
quelques mois des méthodes violentes. Notre organisation a estimé que les
gnambros rackettent aux entreprises de transports environ 20 millions de francs
CFA par jour. Dans le pire des cas, c’est retenu sur la paie du chauffeur. Et avec

un salaire de 30 000 francs CFA par mois, on comprend que certains prennent le
risque de se faire bastonner pour éviter de passer à la caisse’’.

Le manque de régulation et de formation adéquate pour les gnambros a des
répercussions sur la sécurité routière. Avec un taux élevé de mortalité sur les
routes ivoiriennes, estimé à environ 26,6 pour 100 000 habitants, les activités
des gnambros ajoutent un élément de risque à cette situation déjà préoccupante.
La croissance du nombre de gnambros a exacerbé les problèmes de trafic dans
les villes ivoiriennes. Environ 70 % des ménages urbains utilisent des modes de
transport non motorisés, et l'ajout des activités de livraison des gnambros peut
aggraver la congestion et les engorgements routiers.
L'absence de régulation formelle autour des activités des gnambros pose des
défis majeurs. Seulement environ 10 % des travailleurs informels en Côte
d'Ivoire ont accès à une protection sociale, laissant la majorité des gnambros
sans filet de sécurité en cas d'accident ou de problèmes de santé.
Face à cette situation, le gouvernement ivoirien a lancé des initiatives pour
réguler et encadrer les activités des gnambros. Des discussions sur la création de
réglementations appropriées sont en cours, avec l'objectif de concilier la
nécessité d'opportunités économiques pour les jeunes et la sécurité publique.

Les chiffres révèlent également la nécessité de diversifier l'économie et de créer
davantage d'emplois formels. Les initiatives visant à promouvoir
l'entrepreneuriat des jeunes, à encourager l'éducation et à renforcer les secteurs
économiques non traditionnels pourraient contribuer à réduire la dépendance à
l'égard des activités informelles.
Les chiffres mettent en évidence la pertinence de la sensibilisation aux risques et
aux avantages liés aux activités des gnambros. La sensibilisation du grand
public, des travailleurs et des employeurs potentiels pourrait contribuer à une
meilleure compréhension des enjeux et à la recherche de solutions concertées.
Malgré les nombreuses tentatives de l’Etat pour juguler ce phénomène, il
demeure. Cette impuissance de l’Etat face à cela suscite parfois des
interrogations.
L'émergence du terme "gnambros" en Côte d'Ivoire est profondément enracinée
dans les dynamiques économiques, sociales et urbaines du pays. Les chiffres
révèlent l'ampleur de ce phénomène et soulignent l'importance d'adopter des
approches holistiques pour aborder les défis qu'il pose, en équilibrant la

nécessité d'opportunités économiques pour les jeunes avec la sécurité publique
et la régulation adéquate.

admin
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