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Le wax, ce tissu hollandais bon marché devenu l’étendard africain de la fashion sphère

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Le wax fait les beaux jours des fashion weeks depuis le début des années 2010. Cependant, l’engouement pour ces tissus aux motifs bariolés venus des Pays-Bas et dont la réappropriation en Afrique n’est plus à démontrer rencontre aujourd’hui une certaine résistance chez les plus jeunes designers du continent.

Le 5 juin dernier, Dédé Rose Creppy rendait son dernier souffle. La benjamine des « Nana Benz » s’est éteinte à l’âge de 88 ans. Elle appartenait à cette génération de marchandes togolaises pionnières qui avaient vulgarisé les tissus wax en Afrique de l’Ouest dans les années 1970. Fortes de leur succès, elles furent les premières à pouvoir se permettre de s’offrir des Mercedes Benz au Togo. La mort de « Maman Creppy » signa la fin d’une époque et s’accompagna de nouvelles crispations autour des origines du wax.

Né des méthodes d’impression de tissus à la cire venue d’Indonésie et produit à grande échelle aux Pays-Bas, le wax est arrivé sur les côtes ouest-africaines au XIXe siècle. Alors que les Indonésiens boudèrent les fabrications hollandaises, jugées de qualité inférieure, la technique trouva sa clientèle en Afrique. Les tissus s’invitèrent dans les mariages, les funérailles et dans toutes sortes de cérémonies. Le wax hollandais exerça un leadership sans partage qui perdura jusqu’à l’arrivée des acteurs chinois, au début des années 2000. La fin des quotas d’importation du textile par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2004 avait permis à l’Inde, à la Chine et au Pakistan de s’imposer en Afrique où ils assurent désormais près de 95 % des parts de marché.

Aujourd’hui, les Européens conservent un savoir-faire synonyme de « qualité supérieure » et Vlisco, le géant hollandais né en 1846, enregistre un chiffre d’affaires d’environ 300 millions d’euros par an.

Bien que le wax ait toujours la cote sur les marchés africains, certaines voix s’élèvent contre l’omniprésence de ce tissu, reflet d’un passé colonial qui a ébranlé l’écosystème des tisserands africains. « Le wax a fait beaucoup de mal à l’Afrique », déclarait Imane Ayissi, le styliste camerounais, le 7 juin dernier, lors d’une rencontre organisée au siège des Alumni de HEC. « Je ne suis pas contre ceux qui en utilisent, mais je n’ai jamais compris la place qu’avait prise le wax en Afrique », ajouta-t-il avec circonspection.

Depuis le début des années 2010, le wax s’est en effet imposé sur tous les podiums : de Jean-Paul Gaultier à Louis-Vuitton, en passant par Stella Mc Cartney ou Dries Van Noten. En 2019, Dior dévoilait la Collection Croisière 2020, assortie de plusieurs pièces en wax, fruit d’une collaboration avec la société Uniwax (filiale ivoirienne de Vlisco). Simultanément, des personnalités comme la chanteuse Beyonce, cherchant à associer leur image au continent noir dans un acte militant, décidèrent de porter ce tissu devenu symboliquement « africain ».

Vers la fin du wax dans les collections africaines ?

« Personnellement, je n’ai jamais aimé le wax », avoue Fabrice Zaady, un styliste ivoirien, à quelques minutes de son défilé au musée du Quai Branly-Jacques Chirac, en marge de la Fashion Week de Paris, le 8 juillet dernier.

Pour Aristide Loua, prix Designer Africa Fashion Up 2023, « il est très important de ne pas avoir de wax dans ma collection. La mode est un acte politique et le wax ne vient pas de chez nous ! Je veux participer à préserver notre héritage contre la concurrence internationale. J’ai vu beaucoup de tisserands arrêter leurs activités et s’orienter vers l’agriculture, car ils étaient tout simplement incapables de résister au wax », affirme-t-il.

Le jeune styliste ivoirien au parcours international (de la Côte d’Ivoire à l’Inde, en passant par les États-Unis) a décidé de revisiter les pagnes traditionnels (le kente) et collabore avec des communautés d’artisans basées au Ghana, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire.

Le Ghanéen Larry Jafaru ne présente pas de wax non plus, dans sa collection. « C’est un choix. Nous fabriquons localement », assure-t-il. À quelques minutes du défilé, Sountou Boussou, le CEO Travel Retail, partenaire de l’African Fashion Up 2023, salue les invités dans un costume sombre et élégant. « Tout ce que je porte aujourd’hui est le fruit du travail de designers africains ! Maintenant, le coton est transformé en Afrique, ce qui crée de la valeur localement et préserve les savoir-faire traditionnels. La mode n’est plus au wax », ajoute-t-il. « Lagardère Travel Retail accompagne les artisans africains. Nous leur offrons une visibilité à travers nos points de vente, et nous les finançons pour qu’ils puissent répondre en volume, aux demandes de leurs clients », ajoute-t-il, en qualité de partenaire du défilé Africa Fashion Up.

Entre le coton éthiopien de Monael Marga qui dessine d’énigmatiques silhouettes blanches et noires, les costumes acidulés de Kente Gentlemen et les tee-shirts recyclés de la Sud-Africaine, Shamyra Moodley pour Laaniraani, aucun des finalistes de l’Africa Fashion Up 2023 n’avait présenté de modèles en wax, cette année. Ce n’est pas un hasard pour Valérie Ka, à la manœuvre de cet évènement soutenu par Balenciaga, Les Galeries Lafayette et HEC Paris. Pour l’ex-mannequin international, « la sélection reflète la richesse et la variété de ce que l’on trouve en Afrique qui ne résume pas seulement au wax ».

Le wax en réappropriation permanente

« Entre le ndop bamiléké, le raphia, le bogolan, le kente, le batik, le kita, l’ashanti ou le faso dan fani, ce ne sont pas les tissus africains qui manquent », explique le styliste Imane Ayissi. C’est aussi l’avis de Seidnaly Sidhamed dit le « magicien du désert », pionnier de la couture made in Africa, pour qui « l’Africain n’est pas obligé de porter du wax ». Le Nigérien à l’origine de la célèbre marque Alphadi, décline les étoffes les plus précieuses du continent d’une collection à l’autre, depuis près de 40 ans.

Le pagne a une histoire et derrière chaque motif se dessine un message. Au cours du temps, les tissus en wax ont accompagné toutes sortes d’événements. Dès les années 1950, les portraits imprimés de leaders indépendantistes comme Kwame Nkrumah au Ghana étaient reproduits sur des wax bon marché. Plus tard, des « séries limitées » se sont multipliées, à chaque visite d’État, du président français Jacques Chirac à la reine d’Angleterre Élisabeth II. Peu après les indépendances, les Hollandais et les Britanniques décidèrent d’ouvrir des sites de production sur le continent. Le Togo devint alors le principal marché de distribution du wax dans la sous-région et le tissu assura la fortune des fameuses « Mama Benz ».

Stigmate d’un passé colonial et victime de sa surmédiatisation dans la fashion sphère, le wax, maintes fois revisité, s’est imposé comme un symbole de la mode ouest-africaine, mais aussi comme l’étendard de la « pop culture africaine » des pays du Nord.

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