L’apport des entrepreneurs à l’économie est inestimable. Ce n’est pas Diane Maigrot qui dira le contraire. Fondatrice de Tibo & Zia, elle a accompagné plusieurs start-up à titre de mentor avant d’occuper les fonctions de directrice générale de La Turbine. Pour elle, la fibre entrepreneuriale est déjà très forte à Maurice. Il s’agit désormais de mobiliser les entrepreneurs dans un élan de collaboration . Aujourd’hui, l’incubateur du groupe ENL compte 35 start-up actives. Dans l’entretien qui suit, elle souligne l’urgence de renforcer l’investissement dans les start-up afin de stimuler LA croissance.

Les PME contribuent à environ 40 % du PIB et 50 % des emplois dans le pays. Pourtant, on a le sentiment que nous sommes très loin d’être une nation d’entrepreneurs. Quel est votre avis ?

Je ne partage pas le même sentiment. Nous sommes avant tout une nation d’entrepreneurs. Nous avons su utiliser nos atouts, notre diversité et notre détermination pour créer une économie prospère et diversifiée. Nous avons tout construit à partir de rien. Rappelez- vous qu’en 1968, lorsque Maurice obtenait son indépendance, personne ne croyait en nous. Aujourd’hui, le pays compte environ 125 000 PME qui emploient 55 % de la population active. Il y a eu un vrai miracle économique parce que nous avons su entreprendre et marcher dans la même direction. L’île Maurice n’aurait pas atteint ce stade de développement économique actuel sans les entrepreneurs qui ont su oser, prendre des risques, saisir des opportunités et développer de nouveaux secteurs d’activités. L’entrepreneuriat est inscrit dans l’ADN du Mauricien.

Le sentiment que vous partagez vient sans doute du fait que de nombreux jeunes cherchent plutôt une sécurité d’emploi dans une entreprise établie ou préfèrent émigrer. C’est une réalité. Cependant, il est rassurant de savoir que notre économie peut compter sur ces milliers d’entrepreneurs mauriciens qui développent des entreprises performantes, créatrices d’emplois, de richesse et de valeur.

La Turbine, c’est avant tout une organisation qui rassemble des experts, des professionnels et des entreprises responsables et engagées qui souhaitent participer à la construction d’une île Maurice résiliente grâce à l’innovation et l’entrepreneuriat. Pour accompagner les start-up, notre incubateur a choisi de s’entourer de business coachs, d’experts et de consultants. Nos coaches sont des entrepreneurs aguerris et nous avons un réseau d’experts qui répondent aux différentes problématiques des start-up. Nous avons signé, en 2022, un accord avec ENS Africa (Mauritius) et Asterism qui s’engagent à accompagner les entrepreneurs de La Turbine sur les questions légales et les obligations administratives.

L’encadrement de La Turbine est solide et adapté aux réalités de la vie d’un entrepreneur. Il faut consolider l’écosystème entrepreneurial et permettre à ces entrepreneurs d’être soutenus, d’avoir un accès au marché et de recevoir du financement pour développer leurs idées. C’est la mission de la Turbine. Aujourd’hui, nous vivons une transition : nous passons d’un modèle d’entreprises traditionnelles, opérant principalement dans le commerce vers de nouveaux modèles d’entreprises axées sur les services, la technologie, et le développement durable. On le voit à La Turbine avec des start-up comme Fundkiss, plateforme de Peer to peer lending, PartyApp, une application mobile dans l’industrie de l’événementiel, Lean Search, spécialiste de l’Ad- Tech, ou Fouraz qui développe des solutions alternatives pour l’élevage. Nous accompagnons aussi d’autres start-up dans les services à la personne, comme Koud’min ou Lwé Li. Hors de notre réseau, nous voyons MIPS révolutionner petit à petit tout le système de paiement digital à Maurice. Ce sont des preuves tangibles de cet ADN entrepreneurial.L’innovation est là.

Maurice a su résister et rebondir après la pandémie grâce, entre autres, à un écosystème entrepreneurial solide. C’est rassurant mais nous devons affronter d’autres défis : ceux de notre vulnérabilité face aux dérèglements climatiques et des contraintes liées à notre insularité. Ceci est l’occasion de développer des solutions innovantes qui permettront de gérer ces nombreux défis. D’où notre volonté d’inscrire notre Test Drive 10, notre appel à projets, dans la recherche de solutions permettant d’atteindre cinq Objectifs de développement durable.

Si, aujourd’hui, les jeunes pousses bénéficient de tout l’encadrement nécessaire notamment à travers les incubateurs, tel n’a pas toujours été le cas. A-t-on pris beaucoup de retard ?

Le concept des incubateurs se développe aux États-Unis et en Europe vers la fin des années 1990. À Maurice, ce concept prend forme avec le MBIA en 2003 et évolue ensuite sous différentes appellations. C’est à partir de 2015, lorsque le groupe ENL crée La Turbine que nous voyons véritablement émerger un écosystème favorable aux entrepreneurs. Dès le départ, La Turbine a travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement pour encourager un partenariat public-privé. Le National SME Incubator Scheme découle de cette collaboration. Le pays compte désormais plusieurs incubateurs, avec des spécificités propres à chacun qui renforcent l’écosystème entrepreneurial mauricien. Nous avons certainement du retard par rapport au reste du monde. À nous d’utiliser ce retard pour apprendre des erreurs commises ailleurs et de faire mieux.

Pour obtenir un véritable impact, il faudrait mobiliser les incubateurs ainsi que tous les acteurs de l’écosystème entrepreneurial mauricien dans un élan de coopération. Si l’on veut passer au prochain palier de notre développement économique, il nous faut renforcer cet écosystème entrepreneurial, en faire une plateforme solide et collaborative. Les start-up sont importantes car elles sont la source de nouvelles idées et d’innovations. Elles représentent le moteur de la croissance économique, créent des emplois et renforcent la productivité. Les start-up sont plus risquées que les entreprises établies, mais elles peuvent également générer des rendements plus élevés.