Depuis janvier 2021, le Groupe Renault a dévoilé son plan stratégique à court, moyen et long terme baptisé « Renaulution » pour passer de la course au volume à la création de valeur. Selon son CEO Luca de Meo, « ce nom résume bien le degré de transformation nécessaire au groupe pour restaurer sa compétitivité et sa performance ».
Pour concrétiser la vision stratégique en exécution opérationnelle et accélérer la performance, le groupe automobile, sous l’impulsion de son CEO, a choisi de déployer la méthode des OKR.
Découvrez l’interview des trois directrices du projet OKR, composant la core-team missionnée pour conduire ce grand plan d’action en interne avec l’accompagnement de TalenCo : Alexandra Malak (DRH innovation RH et Transformation Digitale), Béatrice Chavanel (Directrice Diversité et Inclusion) et Marcela Ruas Caillet (General Manager Global Talent).
Le déploiement des OKR
Alexandra Malak : La genèse du déploiement des OKR se situe clairement autour du plan stratégique et de l’enjeu de performance et de transformation collective.
Alexandra Malak (Groupe Renault)
Après avoir plongé dans la littérature sur les OKR, en lisant notamment le livre de John Doerr, en nous documentant, en nous appropriant les concepts, nous avons organisé deux sessions d’échange avec Luca de Meo pour comprendre ses attentes, définir en mode itératif la démarche et comment adapter la méthode à l’environnement et aux spécificités du Groupe Renault.
Les membres du Comité Exécutif ont été les premiers à adopter la méthode. A l’occasion d’un atelier d’une demi-journée, nous avons défini avec eux les OKR du Groupe.
Nous avons ensuite imaginé, sur la base de nos trois expériences, à quoi pouvait ressembler une approche pragmatique et simple pour les équipes du Groupe. Notre fierté, c’est d’avoir commencé humblement, en acceptant d’apprendre en marchant, travaillant à trouver la meilleure approche pour Renault au fil des semaines de travail.
Notre vision des OKR n’est plus la même aujourd’hui qu’il y a un an. Nous l’avons éprouvée, testée avec différents business (commerce, industrie, ingénierie de production, fonctions supports…) et à différents niveaux de l’organisation. Cela montre que les OKR ne concernent pas que les entreprises de la « tech ».
« Les OKR sont un sport d’équipe. On est meilleur quand on accepte de capitaliser sur l’expérience des autres. »
Alexandra Malak, DRH innovation RH et Transformation Digitale du Groupe Renault
L’accueil des OKR en interne
Béatrice Chavanel : La méthode OKR était une nouveauté pour tout le monde. La première approche par le Comité Exécutif a été assez simple, mais quand on commence à élargir aux équipes, elle est d’abord vue comme une énième nouvelle méthode et donc suscite de l’intérêt mais aussi des réticences…
Béatrice Chavanel (Groupe Renault)
L’intérêt de cette méthode, c’est la priorisation et la transparence.
Il y a donc un temps d’adaptation nécessaire pour le Groupe. Nous avançons avec pragmatisme. Progressivement les gens se rendent compte de l’efficacité de la méthode et globalement il y a un a priori positif.
L’accompagnement sur la méthode
A.M. : Il y a plusieurs raisons qui expliquent le choix de se faire accompagner :
⦁ D’abord le cadre culturel. Nos recherches initiales nous ont amené à rencontrer de nombreux cabinets anglosaxons, mais peu de francophones. Il nous fallait être pragmatiques et trouver un partenaire qui ait testé les OKR dans l’environnement français.
⦁ Ensuite, rien ne vaut l’expérience : il est important d’être accompagné par des professionnels qui ont éprouvé leur approche et leur méthodologie sur le terrain.
Pour nous accompagner, nous avons choisi TalenCo pour son ancrage en Europe, pour sa capacité à capitaliser sur une expérience d’accompagnement de plusieurs clients dans le domaine de l’industrie. Ce qui nous a également plus, c’est la diversité de parcours de l’équipe projet pour mieux adapter notre discours aux métiers du Groupe (industrie, marketing, vente, distribution, supply chain…).
Cette diversité d’acteurs, en complément de notre propre équipe a été un enrichissement. Les OKR sont un sport d’équipe. On est meilleur quand on travaille ensemble, quand on accepte de recevoir du feedback, de capitaliser sur l’expérience des autres pour l’adapter à notre contexte Renault.
Passez de la vision à l’exécution grâce aux OKR
Difficultés rencontrées
B.C. : Cette méthode est simple mais compliquée à mettre en œuvre. Les OKR imposent cette simplicité d’expression, cette clarté, cette priorisation, ces choix à faire… Ce sont des choses basiques mais quand on doit les mettre en œuvre, on constate toujours un écart entre là où les collaborateurs en sont et là où on veut les amener.
A.M. : Après le design de leurs OKR, il est difficile de garder les équipes engagées sur leurs OKR. Si on ne les accompagne pas pour rendre les OKR « opérationnalisables », c’est-à-dire comment ils vont intégrer les OKR à leur quotidien, dans leurs rituels d’équipe, c’est comme un soufflé qui retombe. Il ne faut donc pas lâcher leur main trop vite, car, en effet, la simplicité de l’approche peut être trompeuse.
Marcela Ruas Caillet (Groupe Renault)
Marcela Ruas Caillet : Les aspects culturels peuvent aussi être une difficulté, surtout la priorisation, car les collaborateurs continuent ce qu’ils faisaient déjà. Il faut apprendre à savoir dire non, à accepter d’abandonner ou décaler certains projets en cours moins prioritaires pour mettre le focus sur les priorités choisies dans les OKR.
B.C. : Les OKR demandent un réajustement en permanence, c’est ce qui peut aussi être une difficulté. Le rythme des OKR nous amène à requestionner régulièrement nos priorités, et non plus à l’année… Il faut changer les habitudes !
Les premiers feedbacks
A.M. : Je peux vous partager un premier résultat : ce sont les OKR RH. Après un commencement timide sur le premier trimestre, durant lequel il a fallu faire comprendre à nos équipes que l’on devait faire un choix sur les priorités, nous avons pu faire une première rétrospective. La première réussite de l’équipe est d’avoir pu se focaliser sur une dizaine de Key Results sélectionnés.
B.C. : Après un trimestre, nous commençons à voir les premiers éléments positifs. Les équipes ont pu mesurer la pertinence de leurs Key Results et sont aujourd’hui plus matures pour les définir. Ils commencent à comprendre l’intérêt de la révision régulière et les enjeux qui se cachent derrière les Key Results, et à réfléchir au trimestre. C’est un point de satisfaction !
M.R.C. : Une belle surprise pour moi, c’est le travail d’alignement. Certes les OKR sont un outil de pilotage de la stratégie, mais c’est aussi un outil très puissant de communication. Le fait de dire [en termes compréhensibles par tous] sur quelles priorités on travaille permet aux équipes de discuter, de remettre le focus et de s’aligner. C’est très important pour l’exécution de la stratégie.
« Le rythme des OKR nous amène à requestionner régulièrement nos priorités, et non plus à l’année… Il faut changer les habitudes ! »
Béatrice Chavanel, Directrice Diversité et Inclusion du Groupe Renault
Un conseil pour se lancer
B.C. : Les OKR sont un outil au service d’une stratégie. Il faut donc à la base une stratégie qui soit partagée dans le groupe.
M.R.C. : Il faut faire confiance à la méthode. Au fur et à mesure, les équipes vont apprendre ensemble, pratiquer, mettre en action.
A.M. : Il faut faire confiance au désordre. On démarre en testant et c’est une façon d’apprendre. Avec le temps, l’adoption sera meilleure ainsi que la qualité. Il faut commencer par faire confiance.
Commentaires