Moins connue que celle de Johannesburg, la place financière de Nairobi est le terrain de jeu d’une poignée de gros investisseurs locaux. Passage en revue des trois plus connus d’entre eux.
C’est un fait : en dehors de quelques barons de la Bourse de Johannesburg tels que le milliardaire Jannie Mouton, le “Warren Buffett Boer”, peu de grandes fortunes africaines peuvent prétendre tirer une part substantielle de leur patrimoine d’une gestion active d’un portefeuille boursier. Le développement actuel des places financières africaines et la sophistication accrue des instruments d’investissement proposés modifient toutefois progressivement cette donne, à l’image de ce qui s’observe à la Bourse de Nairobi : la première place financière est-africaine (23 milliards de dollars de capitalisation boursière totale) compte d’ores et déjà quelques très gros opérateurs financiers capables d’engranger de substantielles plus-values, allant parfois au-delà du milliard de shillings (8 millions de dollars) par « coup » réussi. Revue de détail des trois investisseurs les plus en vue de la Bourse est-africaine.
Jimnah Mbaru
À la tête du conseil d’administration de la banque d’investissement Dyer & Blair, Jimnah Mbaru est une figure respectée de l’establishment des affaires kényan et un personnage souvent incontournable dans les grandes opérations financières qui animent la place de Nairobi et de la sous-région. Dernier exemple en date, le pilotage en décembre 2021 de l’introduction en bourse de MTN Uganda, qui lui a permis de collecter, une fois encore, d’importantes commissions sur l’opération en tant que banque d’investissement partenaire. Les années précédentes, ce sont des achats opportuns avec la firme d’investissement Britam- dont les projets d’acquisition dans les secteurs de l’assurance (Real Insurance) et de l’immobilier (Acorn Group) étaient particulièrement suivis par les investisseurs- qui lui avaient permis de gonfler son bas de laine de près de 1,5 milliard de shillings (13 millions de dollars) en revendant au prix fort ses titres au réassureur helvétique Swiss Re. Une belle affaire de plus pour notre banquier, qui ne gagne cependant pas à tous les coups. Surtout lorsqu’il s’éloigne de la sphère financière : piqué de politique, il n’avait terminé que 3e aux élections pour le poste de gouverneur de Nairobi en 2013.
John Kibunga Kimani
Après avoir été longtemps au service de l’Etat, l’ancien fonctionnaire s’occupe désormais de gérer ses nombreux intérêts, dont beaucoup ont été acquis via d’adroites opérations d’accumulation de titres en bourse au cours des dernières années. NMG (médias), Safaricom (télécoms), Kenya Re (assurance), Kakuzi (agribusiness) et East African Breweries (brasserie) : autant de sociétés cotées au Nairobi Securities Exchange (NSE) sur lesquelles Kimani a parié massivement, et qui lui ont rapporté gros. La valeur de toutes ses participations cotées est aujourd’hui supérieure à 2 milliards de shillings (17 millions de dollars) et devrait continuer de progresser sur le long terme. Le cas échéant, l’ancien agent de l’Etat pourra toujours chercher à maximiser la valeur des nombreux autres actifs non cotés (transport, construction) qu’il détient en parallèle. C’est ce qui s’appelle une reconversion réussie.
Amin Nanji Juma
Discret, secret, voire reclus sont des qualificatifs qui reviennent souvent lorsque les médias kényans évoquent l’homme d’affaires Amin Nanji Juma. Une curiosité que goûte peu l’intéressé mais qui s’explique pourtant aisément : dans l’univers des stars de la bourse kényane, il est au firmament. Archétype de ces financiers qui traitent leurs opérations de grande ampleur sans publicité et sans en référer à personne, accumulant au gré des opportunités de lourdes positions sur telle ou telle valeur de la cote, Amin Juma a fait du temps son meilleur allié pour répliquer à l’échelle kényane ce que d’autres investisseurs (les financiers américains Warren Buffett et George Soros ou encore le prince saoudien Alwaleed Ibn Talal) ont fait sous d’autres cieux : faire fortune en Bourse. Ses participations connues dans Nation Media Group, le premier groupe de médias d’Afrique de l’Est (un comble pour un homme aussi peu disert), et la banque Diamond Trust représentent à elles seules un avoir net de plus de 5 milliards de shillings (42 millions de dollars) et des dividendes annuels moyens de plus de 130 millions de shillings (1,1 million de dollars). De quoi vivre confortablement de ses revenus et poursuivre plus que jamais l’aventure boursière.
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