Brioches industrielles, pain de mie ou encore glaces…, le carboxyméthylcellulose est un émulsifiant omniprésent dans notre alimentation, mais qui peut être à l’origine de maladies inflammatoires intestinales. En observant les variations de sensibilité à cet additif alimentaire d’un individu à l’autre, une équipe de chercheurs a ainsi développé un modèle capable de prédire la vulnérabilité individuelle à ces substances à partir d’échantillons de selles. Serait-ce un début d’approches nutritionnelles personnalisées pour améliorer la santé intestinale ?
Au sommaire
- Comprendre la sensibilité individuelle aux émulsifiants
- Vers une nutrition personnalisée
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Largement utilisés par l’industrie agroalimentaire, les agents émulsifiants, un type d’additifs alimentaires, sont retrouvés dans de nombreux aliments de notre quotidien (pain de mie, glaces, crème fraîche, laits végétaux…). Les effets de leur consommation sur la santé sont devenus un véritable sujet de santé publique, tant leur présence dans l’alimentation actuelle est importante.
L’industrie agroalimentaire a de plus en plus recours à de nombreux additifs afin d’améliorer la texture et d’allonger la durée de conservation de ses produits. Plusieurs études ont fait état de leurs effets néfastes sur la santé intestinale et métabolique, en lien avec leurs interactions avec notre microbiote. En 2015, Benoit Chassaing, directeur de recherche à l’Inserm, s’était notamment intéressé aux effets sur le microbiote et la santé intestinale de la consommation d’un émulsifiant, le carboxyméthylcellulose (CMC, aussi désigné E466 sur les produits transformés), communément retrouvé dans les brioches industrielles, le pain de mie ou encore les glaces. Les résultats de ses recherches suggéraient alors qu’une consommation à long terme de cet additif pouvait impacter négativement le microbiote et, par conséquent, favoriser les maladies inflammatoires chroniques ainsi que des dérégulations métaboliques.
Coupe de tissu intestinal avec un marquage des cellules immunitaires. © Héloïse Rytter, Inserm
Comprendre la sensibilité individuelle aux émulsifiants
Par la suite, lors d’un essai clinique mené sur des volontaires sains, le chercheur et son équipe ont pu montrer que nous ne sommes pas tous égaux face aux agents émulsifiants : certaines personnes, dites sensibles, possèderaient un microbiote très réactif à ces composés, tandis que d’autres semblent posséder un microbiote complètement résistant aux impacts négatifs de ces additifs. Cette classe d’additifs alimentaires étant omniprésente dans notre alimentation moderne, il est alors apparu nécessaire de mieux comprendre ces variations de sensibilité entre individus, afin de promouvoir une meilleure santé intestinale et métabolique.
Dans cette optique, l’équipe dirigée par Benoit Chassaing est ainsi parvenue à prédire la sensibilité d’une personne donnée à un agent émulsifiant, via une analyse approfondie de son microbiote.
Pour cela, les chercheurs ont développé un modèle de microbiote en laboratoire capable de reproduire le microbiote humain. Ce modèle a permis aux chercheurs de tester in vitro l’effet du CMC sur différents microbiotes. Ils ont ici aussi observé qu’un microbiote donné peut être soit sensible, soit résistant à cet agent émulsifiant. De plus, la sensibilité prédite d’un microbiote donné a pu être parfaitement validée grâce à des approches de transfert de microbiote dans un modèle souris, avec l’observation que seuls les microbiotes prédits sensibles aux agents émulsifiants étaient en effet capables de conduire à une colite sévère chez les animaux consommant du CMC.
Les chercheurs ont par la suite identifié, à partir d’échantillons de selles, une signature spécifique (analyse de l’ADN bactérien contenu dans notre microbiote intestinal) de la sensibilité au CMC, permettant ainsi de prédire parfaitement, grâce à de simples analyses moléculaires, si un microbiote donné est sensible ou résistant à cet agent émulsifiant.
« Ces découvertes pourraient être utilisées dans un futur proche afin de déterminer la sensibilité ou la résistance d’une personne à des agents émulsifiants, et ceci afin de proposer à chacun un programme nutritionnel adapté, explique Benoit Chassaing, directeur d’une équipe de recherche Inserm à l’Institut Pasteur et dernier auteur de l’étude. Détecter cette sensibilité chez les personnes saines pourrait, de plus, permettre d’éviter la survenue de certains troubles intestinaux – et chez les patients malades, d’empêcher la progression de la maladie ou d’en atténuer les symptômes ».
Les scientifiques vont maintenant exploiter une cohorte bien plus large de patients atteints de la maladie de Crohn afin de valider ces approches prédictives de sensibilité d’un patient donné à ces additifs. Ils tentent aussi désormais d’expliquer les raisons moléculaires de cette sensibilité du microbiote intestinal aux agents émulsifiants, et essayent d’identifier des approches visant à modifier la sensibilité individuelle à ces additifs alimentaires.
Par FUTURA
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