Avoir deux papas de cœur, c’est possible. Deux papas biologiques, c’est beaucoup plus compliqué. Pourtant, des chercheurs annoncent qu’ils ont réussi à donner naissance à des souris dont l’ADN provient de deux mâles uniquement. Mais à quel prix ?
Au sommaire
- L’empreinte parentale au cœur de l’avancée
- Des souris dont les parents sont deux mâles
- Pas de travaux similaires en vue sur les humains
Il y a presque deux ans, une équipe japonaise avait déjà annoncé avoir donné naissance à des souris qui n’avaient pas de mère, mais deux pères biologiques. Le résultat d’une savante association de cellules prélevées sur la queue de souris mâles, traitées puis fécondées par du sperme et implantées dans des souris femelles porteuses. Le tout avec un taux de réussite tout de même assez faible d’à peine plus de 1 %. Mais pour des souris qui pourraient vivre jusqu’à l’âge adulte et se reproduire naturellement ensuite.
Aujourd’hui, c’est une équipe chinoise qui présente, dans la revue Cell Stem Cell, une nouvelle manière d’arriver à ces fins. Les chercheurs ont en effet choisi de compter sur la puissance du ciseau à ADN Crispr dont la découverte a été récompensée par le prix Nobel de chimie en 2020. Un outil qui ouvre la porte à des modifications de certains gènes capitaux pour le développement des souris.
L’empreinte parentale au cœur de l’avancée
Pour bien comprendre, il est bon de rappeler d’abord que chez les mammifères, l’information génétique est portée par un exemplaire de chromosome qui vient de la mère biologique et un autre qui vient du père biologique. Il faut ensuite savoir qu’environ 200 gènes portent ce que les scientifiques appellent une empreinte parentale. Elle correspond à une modification dans leur ADN qui dépend du fait que le gène soit issu du père ou de la mère. Cette empreinte régule l’expression de ces gènes.
Le saviez-vous ?
La reproduction sans mère biologique est bien plus difficile à obtenir que celle sans père biologique. Les spermatozoïdes, en effet, s’avèrent hautement spécialisés et incapables de se diviser naturellement en d’autres cellules. Alors que les ovules peuvent induire tous les types de cellules d’un organisme. Se reproduire sans mâle, certaines espèces animales le font, d’ailleurs, dans la nature. Et les chercheurs ont réussi à obtenir en laboratoire des petits issus seulement de femelles dès 2004.
Résultat, ces gènes s’expriment différemment selon le parent dont ils proviennent. Enfin, il faut noter que des expériences menées dans les années 1980 ont confirmé que la présence dans le génome de gènes portant l’empreinte du père et d’autres portant celle de la mère biologiques est indispensable au développement normal de l’embryon. Alors les chercheurs de l’Académie chinoise des sciences de Pékin ont eu l’idée d’utiliser l’outil CRISPR pour littéralement éliminer le problème.
Des souris dont les parents sont deux mâles
L’outil est puissant, mais le processus n’est pas simple. Les chercheurs ont d’abord cultivé des cellules souches embryonnaires en laboratoire. En fécondant un ovule sans ADN avec le sperme d’un premier mâle. Puis, ils ont mis en œuvre, au cœur de ces cellules, 20 modifications génétiques sur les gènes porteurs de l’empreinte parentale connus pour être importants pour le développement des embryons. Ce sont ces cellules génétiquement modifiées qu’ils ont injectées, avec le sperme d’un second mâle, dans d’autres ovules vidés de leur ADN. Résultat : des cellules embryonnaires comportant l’ADN de deux souris mâles. Des cellules que les chercheurs ont finalement transférées dans l’utérus de souris porteuses femelles.
L’équipe rapporte qu’environ 12 % des embryons ainsi formés survivent jusqu’à la naissance. Et que plus de la moitié des petites souris que les chercheurs ont vues naître – un peu plus de mâles que de femelles – sont mortes avant d’atteindre l’âge adulte. Et celles qui y sont arrivées présentaient une espérance de vie réduite. Elles se sont aussi avérées stériles. Plus globalement, elles n’étaient pas tout à fait comme les autres souris. Plus grosses, avec des malformations et même des troubles du comportement. Alors, quel intérêt ?
Les chercheurs expliquent que ces travaux pourraient faire la lumière sur ce qui se cache derrière le phénomène d’empreinte parentale. Des études ont en effet déjà montré que des souris avec deux mères biologiques sont plus petites et vivent, elles, plus longtemps. Ainsi, les mammifères ont-ils peut-être besoin des gènes de deux parents de sexe opposé pour atteindre une taille saine…
Si l’équipe espère désormais appliquer la méthode pour donner vie à des primates issus de deux pères biologiques, les chercheurs soulignent qu’il serait contraire à l’éthique de mener ce type de travaux sur des cellules et des embryons humains. « Modifier des gènes et produire des individus qui pourraient ne pas être en bonne santé n’est pas une option », concluent-ils.
Par FUTURA
Commentaires