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(Re)donnez du sens à votre travail grâce à une formation doctorale en management

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En quête de sens dans votre activité professionnelle ? Une formation doctorale en management peut vous offrir une perspective nouvelle et éclairer votre pratique.

Par le passé, en dehors des sciences de la santé (médecine, pharmacie, etc.) le doctorat était la voie privilégiée pour devenir enseignant-chercheur. Une minorité de docteurs (en sciences dures comme en sciences sociales et en management) l’exploitaient ensuite dans leur carrière professionnelle, en tant que praticiens.

Mais dans un monde où le sens au travail est de plus en plus questionné, le doctorat à vocation professionnelle prend une importance croissante. Il offre aux individus la possibilité de donner du sens, ou de trouver un sens nouveau à leur activité professionnelle, quelle qu’elle soit.

Les fondamentaux des formations doctorales en management

Qu’est-ce qu’un doctorat en management ? Il est important de comprendre qu’il existe plusieurs formes et donc plusieurs appellations pour les formations de niveau doctoral en management :

  • Le doctorat au sens strict (diplôme national exclusivement délivré par une université) et le PhD (diplôme d’établissement, dominant dans le monde anglo-saxon), sont des formations plutôt destinées aux personnes voulant entreprendre une carrière d’enseignant-chercheur ou de chercheur pur ;
  • Les DBA et Executive DBA, des diplômes d’établissement au profil hétérogène, sont plutôt destinés à des personnes voulant rester exclusivement dans la sphère de l’entreprise et de la pratique ;
  • L’Executive PhD, qui combine les préoccupations d’ancrage pratique des DBA avec celles de rigueur théorique et méthodologique du doctorat et du PhD et qui s’adresse à des praticiens de haut niveau souhaitant avoir un pied dans les deux mondes : rester des managers, dirigeants ou consultants tout en poursuivant une activité de recherche.

Toutes ces formations proposent de se former à la recherche par la recherche. Fondamentalement, s’engager dans une formation c’est apprendre en faisant : apprendre la recherche en repoussant, dans un projet donné, la frontière de la connaissance. C’est ainsi, en réalisant une recherche scientifique, accompagnés d’un directeur ou d’une directrice de thèse, que les participants développent les compétences liées à la recherche.

Ces compétences sont multiples et se révèlent très utiles au manager, consultant, dirigeant, expert métier qui se cache derrière chaque participant à ces programmes :

  • Capacité à identifier l’information pertinente parmi un grand volume de textes – la littérature scientifique est souvent bien plus développée que ne l’imaginent les participants avant d’entrer dans le programme ;
  • Capacité à développer un argumentaire robuste destiné à convaincre les spécialistes du sujet – les encadrants et membres des jurys de thèse généralement des experts nationaux ou internationaux du sujet ;
  • Aptitude à structurer et résoudre des problèmes – les problèmes sont nombreux dans le cadre du pilotage d’un projet de recherche, les participants doivent les résoudre de manière créative et pertinente ;
  • Habileté à justifier ses choix dans un contexte d’incertitude – l’étendue des choix pour mener une recherche scientifique en management est quasiment illimitée, c’est la capacité à justifier de la pertinence des choix qui sera jugée ;
  • Développement d’une méthode crédible pour répondre à une question – en science il faut dépasser les idées reçues et apporter la preuve de ce que l’on avance ;
  • Démonstration explicite de la valeur ajoutée de son travail – une recherche n’a de valeur que si elle repousse la frontière de la connaissance existante.

Idée reçue : un doctorat, c’est trop théorique

L’aspect théorique dans les formations doctorales est certes réel, mais il est surtout souvent mal compris a priori  : la théorie propose une explication des phénomènes organisationnels et de management, qu’ils soient en stratégie, en finance, en management des ressources humaines, en marketing, etc. (« The role of theory in the business/management PhD: How students may use theory to make an original contribution to knowledge », de Stephen Wilkins, Selina Neri et Jonathan Lean, The International Journal of Management Education, 2019).

Lorsque de nouveaux phénomènes apparaissent, deux options sont possibles :

  • soit des théories existantes permettent de mieux les comprendre et il est important de donner à voir ces phénomènes nouveaux sous l’angle de théories existantes, quitte à affiner ou modifier ces théories au regard des nouveaux phénomènes ;
  • soit il est nécessaire de développer de nouvelles approches – de nouvelles théories – pour rendre compte de ces nouveaux phénomènes.

La théorie en management n’est donc en rien dissociée des phénomènes qu’elle explique. Quelques exemples : la théorie des coûts de transaction propose une cadre pour mieux comprendre s’il faut internaliser ou externaliser certaines activités de l’entreprise ; la théorie leader-member exchange permet de comprendre la dynamique de leadership dans la relation avec les membres de l’équipe plutôt qu’en mettant l’accent sur les capacité inhérentes à une personne ; l’approche du sensemaking propose une lecture de la construction collective de sens au travers de l’interaction entre les individus et les éléments de leur environnement.

Les perspectives théoriques éclairent les phénomènes de management et se révèlent souvent indispensables pour en révéler des dimensions clés, mais oubliées, ou peu mises en avant lorsque l’appréhension des phénomènes est uniquement expérientielle.

Un panorama de quelques recherches récemment soutenues dans des programmes qui forment des praticiens montre ainsi l’étendue des sujets sur lesquels se développe la recherche : la collaboration dans le développement d’une chaîne d’achat durable, l’influence des normes sociales dans l’intention d’acheter des bien de seconde main, le développement d’une nouvelles méthode de calcul des cash-flows prévisionnels, la coopération entre banques et fintechs pour la construction d’une avantages concurrentiel fondé sur des ressources externes, l’articulation entre dialogue social formel et dialogue social informel dans les grandes entreprises.

Chacun peut proposer un questionnement. Une revue de la littérature scientifique permet de comprendre ce qui a déjà été montré dans le champ et, en contraste, les vides, les zones d’ombre et les questionnements toujours en suspens. En articulant phénomène et théorie, l’apprenti chercheur peut développer un regard neuf sur un sujet d’intérêt.

Développer une expertise éclairée sur un sujet

Les managers, dirigeants, consultants, etc. ont dans leur sphère professionnelle une approche des sujets fondée sur leur propre expérience. Cela les rend à la fois très capables de fournir des réponses immédiates à des sujets opérationnels, mais l’urgence des situations et le besoin de fournir des réponses opérationnelles qui fonctionnent leur laissent souvent peu de temps pour étudier pleinement la situation, la comprendre sous de multiples perspectives, ou penser une réponse originale.

Se lancer dans une formation doctorale en tant que praticien permet de s’octroyer du temps pour étudier profondément un sujet. Nombreux sont les praticiens qui, pendant leur formation de niveau doctoral, découvrent à quel point la recherche en management a développé des connaissances qui leurs seraient utiles.

On imagine mal des médecins spécialistes ignorer les dernières avancées de leur domaine. C’est pourtant ce que font la plupart des praticiens du management, qui se désintéressent de la recherche dans leur domaine – d’autant que les chercheurs déploient des efforts limités pour disséminer leurs travaux en dehors de la sphère de la recherche, voire pour considérer l’intérêt pratique de leurs travaux (« Is management research relevant? A systematic analysis of the rigor-relevance debate in top-tier journals (1994–2013) », de Guillaume Carton et Philippe Mouricou, M@n@gement, 2017).

Ainsi des managers, qui se pensent (souvent à juste titre, dans leur contexte professionnel particulier) experts d’un sujet, découvrent l’étendue de la connaissance, les milliers d’articles écrits par des chercheurs et qui leur permettent de comprendre différemment les situations qu’ils vivent. Pour beaucoup, il s’agit là d’une cure de jouvence : malgré leur expertise, ces praticiens du management apprennent de nouvelles choses sur leur propre domaine d’expertise, et apprennent à comprendre différemment.

À ce titre, George Warren Hay, professeur à la Chicago School of Professional Psychology, identifie les programmes Executive PhD comme un mécanisme de passage des connaissances entre le monde de la recherche et le monde de la pratique quotidienne des organisations, pour le plus grand profit de ces deux mondes (« Executive PhDs as a solution to the perceived relevance gap between theory and practice », International Journal of Organisational Behaviour, 2004).

L’un des aspects les plus notables de ces formations est la transformation du rapport à l’information. Dans un parcours de niveau doctoral, on apprend à questionner la pertinence d’une information, d’une croyance, d’une supposée connaissance. De nombreux participants réalisent que leurs “connaissances” n’étaient souvent qu’un ensemble de croyances ou d’opinions issues de leur expérience particulière ou d’échanges divers (et en ce sens tout à fait fondées dans ce contexte spécifique), mais jamais mises à l’épreuve d’un raisonnement logique ni d’une vérification de terrain très poussée. C’est ainsi tout le rapport à l’information et à la connaissance qui change.

Vers un nouveau sens au travail

Lorsque l’on modifie son regard sur sa propre expertise, lorsque l’on développe son expertise de manière scientifiquement éclairée, lorsque l’on change son rapport à l’information – et donc à ceux qui nous apportent des informations – le sens que l’on donne à son travail peut radicalement changer.

Tout d’abord, la démarche scientifique implique de comprendre les phénomènes en tenant compte explicitement du contexte dans lequel ils se manifestent. De nombreux travaux doctoraux actuels s’ancrent par exemple dans un contexte de crise climatique, de transition énergétique, de complexité géopolitique, etc. Poser le contexte des phénomènes étudiés permet par ricochet de mieux appréhender le contexte de sa propre activité professionnelle, non seulement d’un point de vue économique mais aussi social, culturel, politique, et environnemental.

De plus, si confronter ses connaissances aux savoir établis scientifiquement conduit à rester humble face à la connaissance (plus on apprend, plus on constate que l’on en sait peu !) cela permet surtout de renouer avec le goût d’apprendre. Par ailleurs, le sens au travail articulant émotions, finalités et schémas mentaux, le parcours de niveau doctoral pour praticiens du management contribue à une modification du sens que chacun donne aux situations professionnelles quotidiennes.

Mieux comprendre, grâce aux théories existantes, les différentes facettes des situations que l’on a à gérer donne le sentiment de moins naviguer à vue, et d’avoir plus de clés pour comprendre les ressorts du management dans des situations complexes. Il s’agit alors pour les participants, lorsqu’ils évoluent dans leur sphère professionnelle, non plus de suivre des processus ou d’appliquer des outils, mais plutôt de comprendre les ressorts de ces processus, les fondements de ces outils ainsi que leurs conséquences probables et donc de questionner de manière réflexive et constructive les pratiques jusqu’ici mises en œuvre.

En outre, ce changement de perspective sur la pratique amène de nombreux participants à ces programmes de formation doctorale pour professionnels à échanger de manière plus récurrente avec les étudiants, que ce soit en termes de cours ou d’encadrement de travaux de mémoire. Leur nouvelle largeur de perspective ainsi que leur expertise appuyée scientifiquement en font des enseignants qui peuvent articuler un savoir pratique à des connaissances théoriques. Leur crédibilité auprès des étudiants est ainsi double et iIs comblent une double attente des universités et écoles de management (« The Tension in Business Education Between Academic Rigor and Real-World Relevance: The Role of Executive Professors », de Sharon K. Clinebell et John M. Clinebell, Academy of Management Learning & Education, 2008).

Pour un professionnel en activité, si un MBA permet de se mettre à jour sur les outils et méthodes dans de nombreuses fonctions de l’entreprise (RH, stratégie, marketing, etc.) une formation de niveau doctoral permet au praticien de contribuer à déplacer la frontière de la connaissance sur un sujet très précis.

Devenu expert à la fois en termes de connaissance comme de pratique professionnelle, le praticien éclairé peut poser un regard nouveau et enrichi sur son activité, ses objectifs, ou les finalités de son travail. Certains exploiteront leurs nouvelles compétences et connaissances au sein de la même organisation en changeant de perspective, d’autres les utiliseront comme un nouveau départ vers d’autres activités telles le conseil ou l’enseignement.

Par Lionel Garreau

 

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