Le micromanagement ne vous concerne pas ? Détrompez-vous. Ce style de leadership est considéré comme obsolète, mais nombreux sont ceux qui y succombent.
Autrefois, les dirigeants et les managers croyaient qu’ils devaient être omniscients et omnipotents – qu’ils devaient tout savoir et être experts en tout. Ils pensaient qu’ils devaient diriger leurs collaborateurs, même pour les tâches les plus simples. Ce style de leadership est aujourd’hui considéré comme obsolète et même néfaste pour l’entreprise.
Les leaders qui souhaitent se distinguer de ce stéréotype adoptent encore eux mêmes, bien souvent, un style de micromanagement. Ils croient qu’ils « coachent » leurs collaborateurs, alors qu’ils ne font que leur dicter ce qu’ils doivent faire. Il reste toutefois possible d’aider ces « micromanagers motivants » à changer de leadership, et à devenir simplement des « managers / leaders motivants », au service de leurs équipes.
Pourquoi tant de dirigeants s’accrochent-ils encore au micromanagement ?
Personne ne souhaite être un micro-manager, et pourtant la plupart des salariés en ont déjà fait les frais. Un récent sondage Monster l’a même désigné comme le plus grand signal d’alarme sur le lieu de travail. Selon cette enquête, le micromanagement est pire aux yeux des collaborateurs que les horaires de travail non flexibles, ou les réunions inutiles.
Les dirigeants doivent s’interroger sur le micromanagement. Ils ne peuvent plus ignorer ce problème, en pensant que cela ne les concerne pas, et doivent se familiariser avec les nouvelles formes qu’il peut prendre. De leur côté, les DRH doivent en faire une priorité de leur action, et investir dans la formation de leurs managers comme de leurs propres dirigeants — notamment via le coaching de leadership.
Les conséquences du micromanagement
Le micromanagement est une approche qui consiste à contrôler de manière excessive le travail des subordonnés. Ce style de management vise à améliorer les performances, mais il repose sur l’idée que le manager sait mieux que ses collaborateurs comment effectuer les tâches. En d’autres termes, le micromanager pense que « si vous le faites à ma façon, le résultat sera meilleur » (« Micromanagement in clinical supervision: a scoping review », de Jihyun Lee, Solmoe Ahn, Marcus Henning, Monica van de Ridder et Vijay Rajput, BMC Med Educ, 2023).
Toutefois, le micromanagement, loin d’améliorer les performances, a l’effet inverse. Il nuit au bien-être des collaborateurs et perturbe le bon fonctionnement de l’organisation. Ainsi, toute la bienveillance et l’attention au bien-être des collaborateurs du monde ne suffisent pas à contrebalancer ses effets négatifs sur la productivité (« What is wrong with micromanagement: economic view », de Sean R. Aguilar et Olga Kosheleva, Asian Journal of Economics and Banking, 2021).
Une étude menée (par l’auteure de ces lignes) pendant six ans auprès de plus de 750 participants a révélé l’existence d’une nouvelle forme de micromanagement, le « micromanagement motivationnel ». Le « micro-manager motivant » est un leader qui croit que son contrôle et son encadrement excessifs, parce qu’ils sont faits avec le sourire et beaucoup d’enthousiasme, sont des sources de motivation pour les salariés. Il est temps de l’aider à comprendre que son comportement est en réalité contreproductif, et qu’il n’est pas du tout au service de son équipe (« The surprising truth in how to be a great leader », de Julia Milner, TEDxLiège, novembre 2018).
Avez-vous succombé aux nouvelles tendances du micromanagement ?
Les dirigeants et les managers peuvent s’interroger eux-mêmes sur leurs propres pratiques, pour identifier chez eux d’éventuelles tendances au micromanagement.
Le donneur de conseils
La forme la plus flagrante de micromanagement se manifeste par la profusion d’instructions détaillées sur la façon dont un individu doit accomplir ses tâches. Les dirigeants peuvent aisément tomber dans le piège dans le piège des conseils excessifs.
Une forme plus subtile de micromanagement par les conseils consiste à poser des questions fermées, qui orientent le collaborateur vers une solution préconçue. Il est important de rechercher et d’identifier ces tendances dans votre style de leadership, afin de les corriger et de favoriser l’autonomie et la prise d’initiative.
CHECK-LIST À REMPLIR POUR IDENTIFIER LE MICROMANAGEMENT PAR LES CONSEILS
Est-ce que je cache mes conseils derrière des questions telles que :
- Avez-vous essayé cela ?
- Tu ne veux pas aller faire ça ?
- Ne serait-ce pas une bonne idée de le faire ?
Les leaders hélicoptères
Si une vue d’ensemble peut s’avérer utile, le leadership hélicoptère, à l’instar des parents hélicoptères, se caractérise par une surveillance constante et étouffante des équipes. Ce style de management crée un environnement de travail anxiogène. Personne ne veut être constamment observé.
La tendance à l’hélicoptère est particulièrement évidente lorsque l’on peut observer un abus du nombre de « Cc » (copies conformes) dans les courriels. Les dirigeants et les managers devraient définir avec leurs équipes des directives claires concernant l’utilisation de la fonction « Cc » dans les emails. En général, moins il y en a, mieux c’est.
Le fait d’inclure le « patron » en « copie » dans les emails peut générer des réactions allergiques chez de nombreux destinataires. Cette pratique peut même être perçue comme une trahison par les membres de l’équipe, et peut avoir un impact négatif sur le climat de l’équipe et de l’organisation.
CHECK-LIST À REMPLIR POUR IDENTIFIER LE LEADERSHIP HÉLICOPTÈRE
- Combien de personnes recevez-vous en copie ? Réfléchissez à la pertinence de recevoir tous ces « Cc ».
- Avez-vous du mal à déléguer ?
- Convoquez-vous trop de réunions ?
Le contrôleur perfectionniste
Le micromanagement ne se limite pas aux « contrôleurs » compulsifs. Il touche également les individus perfectionnistes et impacte la manière dont les erreurs sont appréhendées. Certes, les leaders ont le devoir de superviser les résultats de leurs équipes. Mais un contrôle excessif peut nuire à l’innovation et à la créativité. Si les collaborateurs craignent constamment de faire des erreurs, l’expérimentation et l’adaptation rapide au changement deviennent impossibles.
Certes, il existe différentes catégories d’erreurs, et celles qui causent vraiment du tort exigent des mesures préventives. Cependant, les dirigeants peuvent encourager une culture différente vis-à-vis de l’erreur en cultivant l’empathie, en adoptant une approche essai-analyse-adaptation et en partageant leurs propres expériences d’apprentissage.
CHECK-LIST À REMPLIR POUR IDENTIFIER LE CONTRÔLE PERFECTIONNISTE
- Suis-je en train de succomber au perfectionnisme ?
- Comment les erreurs sont-elles perçues au sein de votre équipe et de votre organisation ?
- Partagez-vous votre propre vulnérabilité ?
- Faites-vous preuve de suffisamment d’empathie au travail ?
En résumé, les DRH doivent surveiller les tendances au micromanagement. Ils doivent proposer régulièrement des formations aux managers et aux dirigeants, qui leur permettront d’acquérir des compétences et des techniques pratiques pour responsabiliser les équipes.
Si de nombreux dirigeants ne souhaitent pas tomber dans le piège du micromanagement, ils peuvent souvent se laisser influencer par des conseils erronés, ou négliger des approches alternatives de leadership. En fin de compte, la culture organisationnelle joue un rôle crucial, et les cadres supérieurs doivent assumer leur responsabilité, en tant que modèles à suivre.
Les dirigeants et les managers ont tendance à penser que le micromanagement est une pratique réservée aux autres, et non à eux-mêmes, car elle est associée à une connotation négative. En effet, la plupart des leaders aspirent à être de bons managers et ne souhaitent pas être assimilés à ce type de comportement. Cependant, ne pensez pas que vous êtes à l’abri de tomber dans le piège.
Les études sur le sujet montrent bien que la majorité des salariés ont déjà été confrontés à un micromanager. Cela signifie ainsi qu’il existe une proportion plus importante de micromanagers dans le monde du leadership qu’on ne le suppose généralement. Pour savoir si vous avez basculé involontairement dans le micromanagement, commencez par utiliser des check-list simples. Ensuite, en fonction des résultats, prenez les mesures nécessaires pour corriger la situation.
Par Julia Milner
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