Aussi impactante qu’elle soit dans l’avenir, la startup Deeptech, dont l’idée a souvent maturé plusieurs années, exige un temps long et des investissements importants qui peuvent freiner quelques ardeurs… à moins d’être bien conseillé et accompagné.
La Deeptech représente un enjeu majeur pour la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir. Si pas moins de 300 entreprises sont issues chaque année de la recherche publique, le passage à l’industrialisation est un véritable couperet. L’enjeu pour l’écosystème tech est de pouvoir accélérer le mouvement pour que ces projets d’innovation de rupture se multiplient.
Alors, comment faire converger performance économique et impact ? Quels sont les points d’attention importants pour les fondateurs de Deeptech avant de se lancer dans l’aventure ? Observateur privilégié et acteur impliqué, Alexandre Jeissou, directeur de Tekhné, l’accélérateur de startups Deeptech à impact social et environnemental du Liberté Living-lab, a accepté de livrer quelques conseils.
Savoir en parler aux bonnes personnes tout en protégeant son idée
Le premier réflexe à avoir est d’en parler. « En France, les entrepreneurs ont tendance à vouloir immédiatement protéger leurs idées, notamment auprès de l’INPI. Or, il est essentiel de les confronter à la réalité existante, sociale et environnementale, aux besoins et enjeux sectoriels, aux attentes d’une clientèle potentielle, et ainsi d’éventuellement les modifier à la marge voire aller jusqu’à les transformer. La différence entre un projet gagnant et un non-succès se fait presque toujours davantage sur la capacité des fondateurs à exécuter un plan de développement précis que sur l’idée elle-même. C’est d’autant plus vrai dans le cas des Deeptech où les travaux de recherche font l’objet de nombreux brevets au cours de leur développement en laboratoire et ce, avant même la formation de la startup », souligne-t-il.
Le réseau des SATT (Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies), a été créé en 2012 dans le cadre du Programme des Investissements d’Avenir (PIA) justement dans ce but. Installés au sein même des centres de recherche, ce sont des acteurs de proximité et de confiance qui accompagnent le développement technologique des innovations issues de la recherche publique française grâce à un fonds d’investissement doté de 856 millions d’euros.
Les SATT assurent le relais entre les laboratoires de recherche et les entreprises et financent les phases de maturation et de preuve de concept des projets. S’en rapprocher permet dans un premier temps de valider le concept, d’identifier le potentiel de croissance et de trouver d’éventuelles aides publiques pour solidifier le projet.
Savoir s’entourer des talents que l’on n’a pas
Il est important aussi de s’associer. Malgré leur indéniable talent, les chercheurs-entrepreneurs ne peuvent pas tout maîtriser et sont généralement moins à l’aise sur les aspects business. « Il s’agit alors de trouver la perle rare, en tout cas les profils complémentaires, qui sauront à la fois comprendre l’intérêt de l’innovation, bien souvent complexe, la traduire dans un projet d’entreprise sur le long terme et construire un plan de développement stratégique et commercial approprié », conseille-t-il.
Il est possible de se rapprocher de dispositifs comme Find your cofounder ou PhDTalent, qui organisent des rencontres régulières, parfois en mode speed dating mais sous l’angle entrepreneurial. Cela permet de rencontrer des personnalités issues d’école d’ingénieurs ou de commerce et de les associer en tant que directeur commercial, CTO ou parfois même directeur général.
Savoir s’investir opérationnellement
La question du statut de l’entrepreneur-chercheur est souvent essentielle. Conserver des fonctions de recherche pour assurer ses arrières ? Se lancer à corps perdu dans l’aventure entrepreneuriale quitte à perdre son statut ? À chacun sa situation et il existe plusieurs formules possibles à retrouver notamment dans le livret dédié de Bpifrance : Créer sa startup Deeptech – le guide à destination des chercheurs et doctorants. « Au sein de Tekhné, nous veillons à accueillir des startups dans lesquelles les fondateurs sont impliqués à 100 %, ce qui donne toute sa chance au projet. Ce critère est bien souvent essentiel pour les fonds d’investissement également », précise Alexandre Jeissou.
Savoir trouver les bons financements publics comme privés
Le financement d’un projet Deeptech à impact est confronté au temps long de la recherche et aux investissements de départ importants : travail en laboratoire, dépôts de brevets, certifications, etc. En termes de capital, il faut savoir que la loi Pacte promulguée le 22 mai 2019 simplifie le parcours des chercheurs qui souhaitent créer ou participer à la vie d’une entreprise. Dans le cadre du plan France 2030, un investissement de 500 millions d’euros a été récemment annoncé pour que le secteur de la Deeptech française monte en puissance par un meilleur transfert entre recherche académique et monde socio-économique, notamment par la mise en place de 25 pôles universitaires d’innovation (PUI) afin de renforcer les structures de recherches au sein des universités.
En complément, un fonds de 100 millions d’euros spécifiquement dédié à la Deeptech permettra de soutenir en fonds propres ces entreprises, aux différents stades de leur développement. Le French Tech Next40/120 est aussi un programme d’accompagnement de l’État dédié aux startups françaises les plus performantes et en capacité de devenir des leaders technologiques de rang mondial. « Je recommande toujours un mix entre financements publics et privés mais aussi de réfléchir dès le départ à la stratégie equity pour que les fondateurs aient les moyens de développer la startup tout en gardant le contrôle opérationnel et stratégique », ajoute Alexandre Jeissou
Savoir intégrer pleinement l’écosystème deep tech
Le lieu pour exercer son activité représente aussi un véritable enjeu de logique industrielle et d’attractivité des talents. Les startups Deeptech ont besoin de matériel pointu, parfois d’une paillasse ou d’un laboratoire, dans lequel elles n’ont pas toujours les moyens d’investir dès le départ. Selon Alexandre Jeissou : « au démarrage il faut toujours être agile, s’arranger pour continuer à utiliser le labo auquel le chercheur était rattaché, être hébergé par une université, rejoindre un programme, tel celui du Genopole, qui dispose de locaux adaptés à la recherche en biotechnologies par exemple. Selon le stade de développement et le domaine d’activité il peut également être judicieux de s’adresser à un éventuel partenaire industriel.».
Enfin, il faut s’ancrer et rester connecté à l’écosystème par exemple en étant présent aux événements incontournables de sa propre industrie et de la deep tech tel que le Global Summit à Paris, Slush à Helsinki, le Barcelona Deep Tech Summit, etc.
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